Coeur De Feu Dragon_Stellaire

Coeur De Feu Dragon_Stellaire

Chapter1:Drakanea

Un vent frais se leva dans la forêt.

Je scrutai machinalement le ciel à travers la futaie obscurcie par le soir. Au-dessus de nos têtes, les feuilles des arbres scintillaient comme des saphirs, mais j’étais trop tendu pour m’émerveiller des prodiges de Drakanea.

Je serrai plus fort les rênes entre mes doigts pour ralentir le rythme de ma monture. L’un de mes compagnons me rejoignit aussitôt, me jetant un regard sombre.

– Avance. Ce n’est pas le moment d’essayer de filer.

– Nous devrions nous arrêter ici, dans la forêt. Nous serons trop près du volcan si nous continuons.

Goltar m’avait entendu. En tête de file, il ne s’abaissa même pas à tourner la tête vers moi.

– La nuit n’est pas encore tombée. Nous camperons plus tard.

Les dents serrées, je me fis violence pour ne pas répondre. Les animaux sauvages m’inquiétaient bien moins que ce qui nous attendait à proximité du volcan. Si cela ne tenait qu’à moi, nous aurions déjà fait demi-tour depuis longtemps.

Mais mes compagnons de voyages ne partageaient pas mon avis. Ils bavardaient comme si de rien n’était, échangeant des plaisanteries douteuses ponctuées de rires gras. J’enviai leur confiance. Toutes leurs cicatrices et leurs tatouages, qu’ils arboraient comme des trophées, n’impressionnerait aucune des créatures vivantes de ce territoire.

Le ciel s’était couvert d’étoiles lorsqu’ils consentirent enfin à monter le camp. Le chemin nous avait conduits dans une clairière entourée de talus naturels et de roches luminescentes. Il ne faisait jamais vraiment nuit à Drakanea.

L’un des mercenaires s’occupa pourtant à faire un feu pour faire cuire le gibier qu’ils avaient attrapé ce matin. Je descendis de cheval légèrement à l’écart du groupe, sous un arbre aux feuilles bleues en bordure de la clairière. Il me restait encore un peu de pain et de viande séchée dans les fontes de ma monture.

– Ton couteau, Soren.

Je me retournai en serrant les dents. Goltar se tenait derrière moi, de toute sa hauteur, la main tendue et les sourcils froncés sur son visage aux traits durs. Je défis de mauvaise grâce le fourreau du petit coutelas qu’ils m’avaient autorisé à porter toute la journée.

– Ce n’est pas moi qui devrais vous effrayer le plus la nuit.

– Les drakenides n’essaieront pas de nous égorger dans notre sommeil. Et nous avons de quoi les affronter. Gelert, attache-le.

L’intéressé s’approcha en m’offrant son plus beau sourire édenté. Je lui tendis les bras, résigné, et il me ligota les poignets en faisait mine de m’adresser un baiser. Il saisit sans douceur l’anneau de métal accroché à mon collier pour y passer une longue corde. Son souffle chaud me frôlait désagréablement le visage et je sentais la large bande de cuir tirer sur ma gorge à chacun de ses gestes dénués de douceur.

Je n’eus que le temps de récupérer mon sac avant que Gelert n’emporte mon cheval. J’inspirai profondément avant de me laisser tomber au pied du tronc de l’arbre. J’étais attaché à l’une de ses branches, comme un chien retenu par sa laisse. J’avais cru qu’avec le temps, le sentiment d’humiliation disparaitrait.

Je me trompai. Il s’était atténué, mais il était toujours là. Plus insidieux, mais aussi cuisant que les premières fois.

Les poignets liés, je mâchonnai tant bien que mal un morceau de viande salée, en regardant sans les voir les mercenaires monter leur campement. Au-dessus de la cime des arbres, on distinguait encore la ligne sombre des montagnes. Un nouveau frisson me traversa l’échine. La gorge sèche, je bus plusieurs longues gorgées d’eau avant de m’essuyer la bouche du revers de la main. Je coinçai la gourde entre mes genoux pour la reboucher sans cesser de scruter le ciel.

Tout était calme, pourtant. Aussi calme que tous les autres soirs. Encore un jour ou deux et nous serions enfin en sécurité, loin de Drakanea et de ses menaces.

Les mercenaires avaient décidé de m’ignorer ce soir encore. Ils laissaient toujours assez d’allonge à mes liens pour que je puisse faire quelques pas autour de mon point d’attache et m’étendre comme il me plaisait. Jamais assez pour que je puisse m’isoler complètement ou me joindre à eux. J’étais à la bordure de leur monde, à portée d’oreille et de regard, sans vraiment en faire partie.

Pour la plupart d’entre eux, je n’étais pas plus intéressant que les chevaux. C’était une inquiétude de moins pour la nuit, même si, à vrai dire, c’était l’une des moindres. Je n’avais pas oublié les remarques constantes de certains d’entre eux.

Goltar s’était assis près du feu naissant avec deux de ses lieutenants, à seulement quelques pas de moi. Le reste de la troupe s’installait pour la nuit, s’occupait de faire cuire la viande, étalait des couvertures ou déballait quelques affaires pour tromper l’ennui.

– Nous avançons à un bon rythme, dit l’un des hommes en scrutant la carte déployée devant eux.

Je savais pourtant qu’aussi détaillée soit-elle, au niveau de Drakanea, elle n’indiquait que des gribouillages artistiques sans la moindre valeur géographique.

– Pas assez, répondit Goltar. Si la nuit n’était pas tombée si vite, nous aurions pu continuer encore un peu.

– Il faut rester à distance du volcan, répliquai-je assez fort pour qu’ils m’entende Les mercenaires m’ignorèrent.

– La forêt est un abri plus sûr, continua Goltar. Mais demain, nous partirons à la première heure. Vous avez entendu, vous tous ?

Les autres approuvèrent d’une série de grognements ou d’affirmations brèves. Ils étaient plus las et fatigués que vraiment inquiets. J’aurais aimé partager leur état d’esprit.

L’un des mercenaires se redressa. Ses bras, garnis de bracelets de cuir cloutés, étaient plus épais que toutes les branches de l’arbre sous lequel j’étais assis.

– On continue de suivre sa route, alors ? Qu’est-ce qui nous dit qu’il ne nous emmène pas tout droit dans un piège ?

Il ne m’avait même pas regardé, mais la pique m’était directement destinée. Elle réveilla une colère grondante que je contins à peine dans ma voix.

– C’est une terre sacrée. Moi non plus, je n’ai pas envie de croiser les drakenides.

Le bras droit de Goltar me lança un regard courroucé.

– Faites le taire. J’en ai assez de ce poids mort.

J’affrontai son regard, les bras posés sur mes genoux.

Un autre mercenaire m’adressa un sourire torve.

– Je connais bien un moyen. En plus, ça ferait passer le temps.

Je savais très bien ce qu’il avait en tête et j’en frémis de ressentiment, les muscles crispés. Si cela n’avait tenu qu’à eux, ils m’auraient pris chacun leur tour avant de m’abandonner là, en espérant peut-être que les dragons prendraient ça pour une offrande.

Goltar fit pourtant taire ses hommes d’un simple grognement désapprobateur.

– Ça suffit. On en a déjà discuté. À moins que l’un d’entre vous soit déjà venu à Drakanea, on le garde avec nous.

Devant le feu, l’un des mercenaires qui jusque-là, affutait son arme sans rien dire, se redressa en haussant les épaules.

– Lui non plus, il est jamais venu ici.

C’était vrai. Et pourtant, j’avais appris par cœur chaque route, chaque rivière, chaque montagne de cette vaste terre. Les moindres reliefs de Drakanea étaient gravés plus profondément dans ma mémoire que l’encre des tatouages dessinés sur ma peau.

– C’était un chevalier d’Ashkelon, rétorqua un autre mercenaire. Ils venaient ici pour combattre les dragons.

– Tu parles. Ça les a pas aidés quand les mages noirs ont anéanti leur royaume.

La remarque me fit l’effet d’une gifle et je détournai les yeux pour chasser les souvenirs qui m’envahissaient. Comme s’il avait vu que cela ne me laissait pas indifférent, le mercenaire s’empressa de renchérir.

– Ça ne m’étonne pas que son maître nous l’ait filé aussi facilement. Mais au prix où on l’a payé, Adraxas aurait au moins pu nous laisser le baiser.

– Avec tout l’or qu’on trimballe, tu pourras te payer des putes beaucoup plus belles quand on sera rentré.

– Ouais, mais y a pas de putes dans cette forêt.

Les mercenaires éclatèrent de rire.

J’aurais dû me taire et garder mes avertissements pour moi. Je préférai de loin qu’ils me traitent comme ils traitaient leurs chevaux. Après plusieurs longs jours de voyage, ils n’avaient rien d’autre à faire que de me blâmer et je devenais constamment l’objet de leur ressentiment, de leur ennui et surtout, de leur frustration.

– Retiens un peu ta queue. Souviens-toi de ce qu’a dit le mage noir.

Ils finiraient par m’ignorer de nouveau. En attendant, je m’emmitouflai dans ma cape élimée et calait mon dos contre le tronc de l’arbre, en fermant les yeux.

– T’en fais pas. Avec ce qu’on a été capable de faire avec les armes qu’il nous a donné, je risque pas d’oublier. Je me méfie plus d’Adraxas que des drakenides.

Leurs rires gras me donnaient la nausée et je détournai les yeux vers les montagnes. Leurs massacres aussi seraient durs à oublier. De nombreux nouveaux cauchemars pour peupler mes nuits. Pire, je les avais aidés, et je continuai de le faire en leur montrant la voie à travers Drakanea. C’était bien plus terrible que tout ce qu’ils pouvaient me faire subir.

– Vraiment ? Qui est cet Adraxas ? Je serai curieux de le rencontrer.

Tous les rires se turent en même temps.

Un homme se tenait accroupi sur un rocher. Il était athlétique, élancé, l’air jeune et le regard brillant. Une paire de cornes polies dépassaient de sa chevelure aussi rouge que les écailles qui constellaient sa nuque, ses épaules et ses cuisses. On aurait dit qu’il portait une étrange cuirasse, qui soulignait son torse aux muscles dessinés. Sa longue queue fouettait l’air, les griffes de ses pieds semblaient plantées dans le rocher. Un drakenide.

Les mercenaires se redressèrent tous en même temps. Ils portèrent la main à leurs armes, dans une série de chuintement et de tintements métalliques, sous le regard narquois du dragon. Je m’étais tendu moi aussi, le souffle coupé. Je pris appuis contre le tronc de l’arbre pour me lever.

– Mais les mages noirs ne sont pas les bienvenus par ici, continua le drakenide. Pas plus que les étrangers, d’ailleurs.

Sa voix aussi grave qu’enjôleuse réveillait d’étranges frissons aux creux de mes reins. C’était la première fois que je rencontrai un dragon. Je savais au plus profond de moi que cela n’aurait jamais dû se passer ainsi. J’avais même une conscience cuisante, brûlante, de tout ce que ce moment aurait dû être. L’émotion que j’aurais dû éprouver était écrasée par l’amertume.

Par la terreur, aussi. Nous étions des proies sur un territoire interdit, et les prédateurs venaient de nous dénicher.

J’étais d’autant plus inquiet que nous étions plus d’une quinzaine et qu’aucun d’entre nous ne l’avait vu, ni entendu arriver. Il n’avait pas d’ailes dans son dos. Il avait forcément traversé la forêt à pied pour nous trouver. J’aurais pourtant juré qu’ils seraient arrivés par le ciel.

– Nous ne faisons que passer, ô, drakenide, tenta l’un des bras droit de Goltar. Nous n’avons aucune intention mauvaise envers le peuple dragon.

C’était l’un des plus cultivé et des plus mesuré de la troupe. C’était par conséquent l’un des plus dangereux et peut-être celui que je redoutais le plus, après Goltar lui-même. Le dragon le jaugea un instant, comme s’il était capable de déceler tout cela rien qu’en le fixant de ses yeux luisant comme des topazes.

– Traverser nos terres n’est pas plus autorisé que la magie noire, dit-il enfin. Mais nous ne sommes pas hostiles envers les étrangers.

Il parlait notre langue avec un accent suave et chaud qui provoquait d’inexplicables étincelles dans mon échine. Cela ne me rendait que plus méfiant encore.

Il descendit de son rocher, dépliant son long corps souple et musclé. Il n’était peut-être pas aussi épais que la plupart des colosses de la cohorte de Goltar, mais il était bien plus grand et nous toisa de toute sa hauteur.

– Soumettez-vous. Nous vous offrirons l’honneur d’accueillir notre semence et de porter nos œufs. Vous deviendrez des esclaves de prix, il ne vous sera fait aucun mal.

Plusieurs mercenaires crachèrent et jurèrent dans différents dialectes. Pour eux, les mots du dragon étaient une insulte. Ils n’avaient aucune idée de la valeur de ce qu’il leur proposait. À commencer par le fait d’avoir la vie sauve.

– Nous sommes prêts à nous battre, dragon. Tu es seul contre nous tous.

Le drakenide s’approchait de nous, nu et sans arme. Ses pieds ne faisaient aucun bruit quand il foulait le sol, sa nuque était droite et sa démarche assurée. Sa façon de bouger en disait long sur sa personne : il était puissant, sûr de lui, et ne nous voyait pas comme une menace.

Il était à l’autre bout de la clairière, à mon exacte opposée. Ses yeux luisant comme deux braises s’accrochèrent à moi et ne me lâchèrent plus.

– Nous devons d’abord choisir lesquels d’entre vous nous allons saillir. Ceux-là seront épargnés.

Son regard ne m’avait pas quitté, me donnant l’impression qu’il avait murmuré ces mots tout contre mon oreille. Un torrent de lave dévala ma colonne vertébrale, aussi bouillonnant que terrifiant. Je n’eus pas le temps de m’interroger sur ces sensations contradictoires.

D’autres dragons émergèrent de la pénombre. Des silhouettes hautes et élancées, d’autres plus épaisses et plus trapues. Ils n’étaient que six, moitié moins que nous. Ils n’étaient pas tous au même stade de transformation ; certains, comme le dragon rouge, arboraient un corps humanoïde plus ou moins garni d’écailles. Quelques-uns avaient des pattes griffues à la place de leurs jambes ou de leurs bras. L’un d’eux avait de larges ailes repliées dans son dos ; un autre, entièrement couvert d’écailles noires, se tenait sur deux pattes mais avait une tête de dragon hérissée de cornes et de pointes.

– Mes compagnons ont fait leur choix, conclu le drakenide d’une voix amusée.

Je n’attendis pas de savoir quel groupe allait attaquer le premier. Je ne me faisais aucune illusion sur les intentions des dragons ; sitôt qu’ils sauraient ce que j’étais et ce que j’avais fait, sailli ou pas, ils me tueraient.

Je tirai sur la corde qui me retenait contre l’arbre. Gelert l’avait soigneusement nouée à une branche basse et épaisse. Je me suspendis à elle de tout mon poids mais elle trembla à peine. Je n’arriverai sûrement pas à la rompre. Mon regard s’attarda en vain sur les environs, sans rien voir qui pourrait m’aider à trancher mes liens. Mon couteau me manquait cruellement.

Les premiers cris avaient retenti derrière moi, accompagnés du bruit de l’acier entrechoqué et du raclement des griffes contre le métal. Le feu étirait des ombres immenses et furtives dans toute la clairière.

Il en fallait plus pour me faire perdre le calme froid qui m’habitait. Je fouillai mes affaires tout en sachant très bien que je n’y trouverai rien d’utile, et finit par aviser le sac le plus proche de moi. Je doutais de pouvoir l’atteindre mais je n’avais rien de mieux à tenter. Je saisis le lien de fil tressé pour essayer de faire glisser le nœud plus en avant le long de la branche. Chaque à-coup que je donnais me faisait gagner quelques pouces de distance, tout en me faisant perdre de précieuses secondes.

De longs doigts effilés saisirent la corde au-dessus de ma tête. Je me figeai.

Une intense bouffée de chaleur me submergea avant même que je ne me retourne. Le dragon rouge était juste derrière moi, si près que je pouvais sentir son parfum de musc et distinguer chacune des écailles brillantes sur sa peau. C’était pourtant loin d’être repoussant. C’était comme s’il portait une étrange armure forgée par un orfèvre ; une armure qui soulignait ses formes masculines pour le simple plaisir de l’œil.

Il sectionna la corde d’un mouvement bref. Je restai immobile, prisonnier de son regard incandescent. Ses iris aux pupilles fendues luisaient dans le noir et semblaient me transpercer comme la lame d’une épée.

J’avais l’impression de me tenir en face d’un brasier. J’ignorai ce qui provoquait cette sensation étourdissante. Ça ne pouvait pas être la peur, cette chaleur étouffante était à l’opposé de tout ce que j’avais éprouvé chaque fois que j’avais affronté la mort. Est-ce que c’était une réaction de la magie noire qui m’imprégnait ? Ou bien était-ce à cause de ce que j’avais été, autrefois ?

Le chevalier en moi était pourtant mort depuis très longtemps.

Le dragon avait les doigts fins, aux ongles longs et acérés comme des griffes. Il en passa la pointe dans l’anneau de métal qui pendait à mon cou. La corde tranchée y était toujours attachée. Je ne bougeai pas, la gorge sèche et le souffle court, figé par son regard planté dans le mien.

Une silhouette sombre se souleva derrière son épaule. Mon cœur se remit soudain à battre et l’air emplit douloureusement mes poumons.

– Derrière ! Le dragon n’avait pas attendu mon cri pour réagir. Il me projeta au sol d’une brusque poussée. Je m’effondrai en grognant de douleur tandis qu’un coup d’épée fendait l’air en sifflant. Le mercenaire réagit aussitôt, pivotant pour asséner une seconde attaque. Le drakenide esquiva d’un mouvement agile.

Je roulai sur le sol pour ne pas me retrouver pris dans leur affrontement. L’épée du mercenaire, imprégnée de magie noire, suintait une fumée inquiétante. Derrière eux, autour du feu de camp, je distinguais les silhouettes des combattants qui tenaient encore tête aux dragons avec leurs armes enchantées.

Le drakenide pivota si vite que sa queue fouetta l’air et frappa le guerrier au thorax. L’homme recula en grondant, les doigts crispés sur la poignée de son épée. Du sang poissait d’une plaie à sa tempe mais la douleur ne semblait que décupler sa rage. Je le vis passer une main dans son dos, saisir subrepticement quelque chose dans un petit sac accroché à sa taille. Une bille de verre sombre qu’il cacha dans son poing tout en se lançant de nouveau à l’attaque du dragon.

– Attention !

Trop tard ; le mercenaire lança son projectile qui éclata sur le drakenide. Un épais nuage noir l’enveloppa, chargé d’éclairs à la lueur aveuglante. Le dragon tomba en grondant de douleur, le corps agité de spasmes. Le mercenaire raffermit sa prise sur son arme et avança d’un pas farouche.

Je me jetai sur le côté pour le faucher par terre d’un violent coup de pied. Le guerrier tomba à plat ventre. Je ne lui laissai pas le temps de se redresser, lui assénant un autre coup en plein visage. Il chercha à m’attraper, échoua, ne put saisir que ma cheville. Je me dégageai brusquement et nous luttâmes au sol un bref instant avant que je ne parvienne à coincer sa tête entre mes genoux. Ses ongles griffèrent ma jambe sans réussir à me faire mal. Il me lança un regard furieux, se débattit, et je serrai les dents pour tenir bon. Je bandais les muscles pour emprisonner son crâne entre mes jambes. Il me fallut mobiliser toute la force de mes membres pour les projeter d’une rapide torsion. Je lui brisai la nuque dans un affreux craquement. Ses mains retombèrent mollement sur le sol.

Je me redressai en tanguant sur mes jambes, les oreilles bourdonnantes, le souffle haché. J’entendais toujours les cris d’agonies et les injures, les hennissements terrifiés des chevaux, les rugissements des dragons. L’odeur du sang et des entrailles me frappa si violemment qu’elle en devint écœurante. Le froid devint mordant sur mon corps trempé de sueur.

Je ne regardai pas autour de moi. Je n’attendis pas que le dragon se redresse, de voir si la magie noire s’était dissipée.

Mon instinct me hurlait de m’enfuir pour survivre.

Je m’élançai en courant dans les bois.

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