Chapitre 15 : Promesses, jeux d’enfants et héritage ancestral

La conversation entre l’Empereur et Jiayi s’était achevée dans une atmosphère lourde de sens. Les paroles du souverain résonnaient encore dans l’esprit de la jeune femme alors qu’elle quittait le jardin secret, empruntant le long couloir pavé de pierres menant à la porte principale du palais.

Les lanternes dorées éclairaient faiblement son chemin, projetant des ombres mouvantes sur les murs de marbre gravé. Ses pensées étaient emplies de doutes et de réflexions. Elle venait de comprendre que sa simple existence était une menace pour l’Impératrice, et que l’Empereur, malgré son sourire énigmatique, voyait en elle une clé du pouvoir qu’elle n’avait jamais souhaité manier.

Mais avant qu’elle ne puisse méditer davantage, une querelle animée attira son attention.

— Je ne veux pas étudier aujourd’hui ! s’écria une voix enfantine. Je veux aller jouer !

Jiayi s’arrêta et reconnut aussitôt la petite silhouette du prince héritier, les bras croisés, boudant comme un enfant capricieux. Face à lui, son précepteur, un homme à la prestance certaine, haussa un sourcil exaspéré.

— Votre Altesse, sauter vos leçons aujourd’hui signifie doubler vos études demain.

— Mais je suis déjà intelligent ! protesta le jeune prince.

Jiayi étouffa un rire amusé devant la scène. Le petit garçon remarqua alors sa présence et ses yeux s’illuminèrent.

— Ma nouvelle amie ! s’exclama-t-il en courant vers elle.

La jeune femme s’agenouilla légèrement pour se mettre à son niveau.

— Je vois que vous êtes en plein débat stratégique, Votre Altesse.

Le prince hocha vigoureusement la tête avant de demander d’un ton sincère :

— Comment dois-je t’appeler ?

Jiayi, légèrement surprise, sourit doucement.

— Tu peux m’appeler “Grande Sœur Jiayi” si tu veux.

Le prince semblait ravi. Mais derrière lui, son précepteur, un homme aux longs cheveux noirs détachés et à la tenue décontractée, observait Jiayi avec un sourire en coin.

— Alors c’est vous, Lady Shen ? dit-il en refermant son éventail d’un geste habile. Le nom de la célèbre demoiselle Shen résonne déjà dans tout le palais… et il semblerait que même notre petit prince en soit sous le charme.

Jiayi haussa un sourcil et croisa les bras.

— Je suppose que vous êtes le précepteur du prince ? demanda-t-elle.

— En effet. Il s’inclina légèrement, un sourire provocateur aux lèvres. On me nomme Xu Tianran, humblement chargé de l’éducation de notre futur empereur… mais parfois, j’ai l’impression d’être son geôlier.

Jiayi laissa échapper un rire.

— C’est un honneur de vous rencontrer, Maître Xu Tianran. Mais dites-moi…Elle plissa légèrement les yeux avec malice. Vous semblez être un homme à l’élocution raffinée, mais vos vêtements en désordre et votre kimono entrouvert semblent raconter une toute autre histoire.

Le précepteur parut surpris un instant avant d’éclater de rire.

— Vous êtes perspicace, Lady Shen. Peut-être avons-nous plus en commun que je ne l’imaginais.

Le prince héritier les regardait tour à tour, trouvant cette interaction bien plus intéressante que ses leçons.

— Grande Sœur Jiayi ! Viendras-tu jouer avec moi un jour ?

Jiayi posa une main sur la tête du petit garçon et lui adressa un sourire rassurant.

— Je te le promets, mais seulement si tu écoutes bien ton précepteur.

— D’accord !

Puis, alors qu’elle s’apprêtait à partir, Jiayi jeta un dernier regard amusé à Xu Tianran et lui fit un clin d’œil taquin avant de s’éloigner. Le précepteur, un peu décontenancé, la regarda s’éloigner, un léger sourire toujours au coin des lèvres.

### Dans les jardins impériaux

Assis sous un cerisier en fleurs, l’Empereur Nangong Liwei observait la lune qui brillait haut dans le ciel. Une douce brise fit danser les pétales rosés autour de lui. Il ferma les yeux un instant et se laissa emporter par un souvenir du passé.

Il revoyait son père, le précédent empereur, et le général Shen, père de Jiayi. Les deux hommes riaient aux éclats, échangeant des coupes de vin sous cet même arbre. À cette époque, son père lui avait dit :

— Un dirigeant fort doit être entouré de personnes en qui il a une confiance absolue. La famille Shen a été notre plus grand soutien… N’oublie jamais cette dette.

Un bruit de pas le tira de ses pensées.

C’était son garde Wei, agenouillé respectueusement devant lui.

— Votre Majesté, les ministres vous attendent pour l’audience.

L’Empereur resta silencieux un instant, puis se redressa lentement.

— Avant cela, j’ai un ordre à donner.

Le garde releva légèrement la tête.

— Faites rédiger un décret impérial, ordonna l’Empereur d’une voix ferme. Je veux que toutes les richesses et l’héritage des Shen soient restitués à Lady Shen Jiayi. Son domaine doit être restauré à sa gloire passée.

Le garde hocha la tête.

— À vos ordres, Votre Majesté.

L’Empereur regarda une dernière fois les fleurs du cerisier tomber lentement au sol, avant de se détourner pour rejoindre ses ministres.

Dans les jours à venir, la nouvelle de son décret allait secouer tout l’Empire.

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