Chapitre 5 : L'Ombre de l’Impératrice

Le convoi progressait lentement sur la grande route pavée menant à la demeure ancestrale des Shen. Le ciel s’était teinté d’orange et de pourpre, annonçant la tombée de la nuit. Jiayi, droite sur son cheval malgré les douleurs cuisantes dans son dos, repensait encore et encore aux derniers événements.

À ses côtés, le conseiller Huang Tian chevauchait en silence, les sourcils légèrement froncés, comme perdu dans ses réflexions. Derrière eux, Xiaolan, sa servante la plus fidèle, montait une jument brune, jetant des regards inquiets à Jiayi.

Ce fut elle qui brisa le silence la première :

— Maîtresse… vous devriez vous reposer lorsque nous arriverons. Vous avez subi beaucoup trop de choses en une seule journée.

Jiayi lui offrit un sourire léger avant de répondre :

— Je suis plus résistante que tu ne le crois, Xiaolan.

Puis, elle tourna son regard vers Huang Tian.

— Après l’épreuve… j’ai rencontré l’Impératrice.

Le conseiller Tian tourna la tête brusquement vers elle, son expression s'assombrissant immédiatement.

— Vous l’avez rencontrée en personne ?

Jiayi hocha la tête.

— Oui. Après que l’Empereur m’a remis le décret de divorce, elle m’a convoquée. Elle m’a félicitée pour ma bravoure… mais son regard en disait long. Ce n’étaient pas des compliments sincères, plutôt une mise en garde déguisée.

Huang Tian poussa un soupir et détourna brièvement le regard vers l’horizon.

— Lady Shen, vous ne réalisez peut-être pas encore dans quel terrain dangereux vous marchez. L’Impératrice n’est pas une femme que l’on peut ignorer.

Jiayi haussa un sourcil.

— Je ne l’ignore pas. Mais dites-moi, conseiller Huang, quelle est exactement la situation entre l’Empereur et l’Impératrice ?

Le conseiller Tian hésita un instant avant de répondre, comme s’il pesait soigneusement chacun de ses mots.

— L’Empereur et l’Impératrice sont engagés dans un conflit de pouvoir silencieux. Autrefois, ils semblaient régner ensemble en harmonie, mais les choses ont changé avec la naissance du **prince héritier**.

Jiayi plissa les yeux.

— Le prince héritier ?

— Le petit prince Zhaoyun, confirma Huang Tian en hochant la tête. Il n’a que sept ans à peine… mais il est l’unique fils de l’Empereur.

— Seulement sept ans, murmura Jiayi. C’est bien jeune pour être au cœur d’une lutte de pouvoir.

Huang Tian acquiesça lentement.

— L’Impératrice a vu en lui un moyen de cimenter sa domination sur la cour. Depuis sa naissance, elle a placé ses alliés aux postes les plus influents et cherche à affaiblir l’autorité de l’Empereur, sachant que lorsque le prince héritier montera sur le trône, c’est elle qui contrôlera le véritable pouvoir.

Jiayi réfléchit un instant avant de demander :

— Et l’Empereur ? Que fait-il pour contrer cela ?

Le conseiller Huang Tian laissa échapper un rire amer.

— Il lutte. Il essaie d’éliminer les partisans de l’Impératrice petit à petit. Il place des hommes de confiance à des postes stratégiques, mais ce n’est pas facile. L’Impératrice a des décennies d’influence derrière elle.

Xiaolan, qui écoutait en silence jusque-là, s’exclama soudain :

— Alors, si l’Impératrice a soutenu le mariage de ce scélérat de Yan Zhao avec cette femme inconnue, c’est peut-être un mouvement politique ?

Huang Tian hocha la tête.

— C’est fort probable. Chaque alliance noble a son importance. Si elle a poussé cette femme à épouser Zhao, c’est qu’elle doit avoir un rôle à jouer dans ses machinations.

Jiayi croisa les bras, le regard fixé devant elle.

— Elle voulait peut-être m’éliminer du jeu.

Le conseiller Tian l’observa attentivement avant de répondre :

— Vous étiez un général, Lady Shen. Vous aviez du pouvoir, du prestige, une place dans l’armée. Si vous aviez continué sur cette voie, vous auriez pu être un atout pour l’Empereur… ou un obstacle pour l’Impératrice.

Un silence pesant s’abattit sur le groupe. Xiaolan, toujours pleine d’énergie, leva soudainement le poing.

— Peu importe leurs jeux politiques ! Maîtresse, vous êtes plus forte que tous ces complots ! Vous avez humilié Yan Zhao et sa famille, affronté cent coups de fouet et récupéré ce qui vous appartient ! S’ils croient qu’ils peuvent vous écraser, ils vont avoir une très mauvaise surprise !

Jiayi ne put s’empêcher de sourire face à l’enthousiasme de Xiaolan.

— Merci, Xiaolan.

La jeune servante gonfla la poitrine avec fierté.

— Je serai toujours là pour vous, Maîtresse ! Peu importe les épreuves, je vous suivrai jusqu’au bout !

Huang Tian regarda la scène avec un sourire discret avant de soupirer.

— Vous avez de la chance d’avoir une telle loyauté à vos côtés, Lady Shen.

Jiayi tourna les yeux vers l’horizon, où l’ombre de la demeure des Shen commençait enfin à apparaître au loin.

— Alors que l’Impératrice sache une chose : je ne suis pas une simple pièce qu’elle peut écarter à sa guise.

Elle serra les poings, la détermination brûlant dans ses yeux.

— Je suis le Général Phénix. Et je ne suis pas prête à disparaître.

Le convoi poursuivit sa route, mais une nouvelle flamme s’était allumée dans le cœur de Jiayi.

Le jeu de pouvoir venait tout juste de commencer.