Le poids de la décision

Le feu crépitait faiblement alors que la nuit s’étendait autour d’eux comme un manteau de ténèbres. Le vent soufflait légèrement, frémissant dans les branches des arbres et apportant avec lui une sensation de froideur qui semblait s’immiscer jusque dans les os. Aelstrom, assis un peu à l’écart, scrutait l’horizon.

Ilmarion, les yeux fixés sur la danse des flammes, sentit une présence à ses côtés. Il tourna la tête et croisa le regard du roi des Fyrliths. Aelstrom avait cessé de sourire, son expression grave et pensive. Il semblait plus lourd que d’habitude, comme si le poids de la guerre pesait encore plus sur ses épaules.

— Il est temps de rentrer, dit Aelstrom, sa voix grave brisant le silence comme une lame dans l’eau calme.

Ilmarion n’eut pas besoin de répondre immédiatement. Ses doigts se serrèrent un peu plus autour de son arc, comme s’il cherchait une dernière once de force. Ses yeux, empli d’un mélange de fatigue et de détermination, se fixèrent sur les flammes.

— Rentrer ? répéta-t-il lentement, comme s’il pesait chaque syllabe. Et laisser cette guerre entre les mains des autres ?

Aelstrom se leva avec un mouvement fluide, comme une ombre s’étendant sur le sol. Il s’approcha d’Ilmarion, ses bottes écrasant doucement les feuilles mortes sous ses pas.

— Ce n’est pas laisser les autres prendre la relève, Ilmarion. C’est savoir quand se retirer pour mieux revenir. Ce n’est pas de la fuite, c’est de la stratégie. Nous avons fait tout ce que nous pouvions ici. Mais rester davantage ici pourrait être une erreur fatale, tant pour toi que pour tes frères et sœurs. Si nous rentrons, nous avons encore une chance de planifier, d’unir nos forces avec ceux qui sont prêts à se battre aux côtés des elfes. La guerre n’est pas finie. Mais la survie de ton peuple dépend aussi de ta sagesse et de tes décisions. Il est trop tôt pour sacrifier plus.

Ilmarion se tourna enfin vers lui, ses yeux brillants de cette lueur calme et déterminée qu’Aelstrom avait déjà remarquée. Un soupir s’échappa de ses lèvres, mais il ne montra aucune trace de faiblesse.

— Et si je ne veux pas fuir ?

— Fuir ? répéta Aelstrom, un léger sourire en coin. Ce n’est pas fuir. C’est sauver ce qui peut encore l’être. Nous avons besoin de nous regrouper, de former une véritable alliance. Tu sais aussi bien que moi qu’une guerre ne se gagne pas par la seule force brute, mais par des alliances stratégiques et des choix réfléchis.

Le roi des Fyrliths posa une main sur l’épaule d’Ilmarion, un geste étonnamment doux mais empreint de toute la fermeté de sa stature.

— Nous reviendrons. Mais d’abord, nous devons réunir les forces nécessaires pour combattre les démons dans les meilleures conditions. Nous n’avons pas encore tout vu de la menace qu’ils représentent. Nous devons nous préparer à ce qui vient.

Ilmarion observa les flammes, son regard plus intense, comme s’il cherchait dans leur danse chaotique des réponses à ses tourments intérieurs. Il savait qu’Aelstrom avait raison, et pourtant une part de lui se rebellait. Chaque fibre de son être voulait rester, continuer à se battre, à protéger ce qui lui restait. Mais la sagesse de Aelstrom était indéniable. Il n’était pas qu’un roi, mais un stratège, un homme de guerre. Et dans ses mots, Ilmarion sentit une vérité qu’il ne pouvait ignorer.

— Tu as raison… murmura-t-il finalement, la voix empreinte d’un certain regret. Mais je ne pourrai jamais oublier ce que nous avons perdu ici.

Aelstrom resta silencieux un instant, puis, avec un léger hochement de tête, répondit :

— Et moi non plus. Mais ce que nous avons encore à sauver vaut chaque sacrifice.

Le roi des Fyrliths se tourna alors vers le cheval qui se trouvait non loin, un grand destrier noir aux yeux perçants, prêt à les mener plus loin. Il marqua une pause avant de regarder Ilmarion une dernière fois.

— Nous rentrons. Nous préparerons la prochaine étape. Ce n’est pas la fin, c’est seulement un nouveau commencement.

Ilmarion se leva enfin, son arc des dieux sur l’épaule. Un dernier regard à la forêt derrière eux, une dernière pensée pour sa famille et son peuple qui souffraient, et un dernier souffle lourd de responsabilités. Puis il se dirigea vers le cheval, prêt à suivre Aelstrom.

Les deux hommes montèrent ensemble, et alors que la forêt se dissipait peu à peu derrière eux, une nouvelle phase de leur périple commençait, plus sombre et plus incertaine que jamais. Mais un sentiment étrange se faisait ressentir : celui d’une alliance qui pourrait bien tout changer.

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