Les ailes du pacte

L’aube venait à peine de poindre à travers les feuillages denses que déjà, Aelstrom s’était levé. Le vent matinal caressait son visage tandis qu’il se tenait au sommet d’un promontoire rocheux, légèrement en retrait du campement. Son regard balayait l’horizon. Il savait que leur présence ici ne resterait pas longtemps ignorée. Les démons rôdaient toujours, et les elfes affaiblis ne survivraient pas à une autre attaque.

Il leva la main, et une fine lueur rougeoyante se forma autour de ses doigts. Dans un souffle rauque, il prononça quelques mots dans une langue ancienne, lourde et rauque, résonnant comme une incantation draconique.

Le ciel s’assombrit l’espace d’un instant. Puis un grondement se fit entendre, lointain, comme venu des profondeurs du monde.

Et dans un fracas d’ailes, elle apparut.

Une vouivre immense, à l’écaille d’un noir d’obsidienne, fendit les cieux pour atterrir avec puissance à quelques pas d’Aelstrom. Ses yeux d’un doré ancien se posèrent immédiatement sur le roi. Ses ailes majestueuses se replièrent dans un bruissement métallique, et sa longue queue serpentait derrière elle avec élégance.

— Tu m’as appelé, maître ? dit-elle d’une voix féminine et profonde, résonnant dans l’esprit de tous.

Ilmarion, alerte, s’était approché avec précaution, posant la main sur le pommeau de son épée. Ses frères et sœurs, derrière lui, observaient la créature avec une fascination mêlée de crainte.

Aelstrom fit un pas vers elle.

— Silæstrya. Il faut que tu conduises ces cinq elfes au palais de Fyrlith. Ils seront protégés là-bas, sous la garde de mes généraux.

La vouivre pencha légèrement la tête, ses yeux fendant l’espace jusqu’à Ilmarion.

— Ce sont donc les précieux joyaux du prince d’Elyndor… Je sens leurs cœurs battre fort, emplis d’espoir et de douleur.

Elle s’approcha lentement, baissant son long cou vers Elaria qui la fixait sans bouger.

— Tu n’as rien à craindre, elfe. Je suis une alliée tant que mon maître le souhaite.

— Et il souhaite notre sécurité ? demanda Kaelen d’un ton méfiant.

Aelstrom croisa les bras.

— Je tiens mes promesses. Et votre frère aura besoin de se battre, sans avoir à se soucier de vous. C’est le seul moyen de protéger ce qui reste de votre lignée.

Ilmarion posa une main sur l’épaule de Kaelen, puis regarda ses frères et sœurs un à un.

— Je vous en prie, faites-lui confiance. Je vous rejoindrai très vite.

Naelia s’accrocha à lui, les larmes aux yeux.

— Tu promets ?

— Je le jure sur le nom de notre père.

Silæstrya s’agenouilla, son dos offrant une plateforme naturelle. Un à un, les frères et sœurs d’Ilmarion montèrent sur la vouivre, aidés par Aerys, encore affaibli. Lysha tremblait, mais Elaria la rassurait d’une voix douce.

Avant de décoller, la vouivre se pencha une dernière fois vers Ilmarion.

— Tu portes un poids lourd sur tes épaules, prince. Mais tu n’es pas seul. N’oublie jamais cela.

Ilmarion hocha la tête, silencieux.

D’un battement d’ailes titanesque, Silæstrya s’éleva dans les airs, emportant avec elle ce qui restait de l’héritage d’Elyndor.

Aelstrom resta debout, observant le ciel.

— Tu as fait le bon choix, dit-il.

— Je ne pouvais plus les exposer. Pas ici. Pas maintenant.

— Maintenant, murmura Aelstrom, nous allons nous occuper des démons.

Et dans son regard brûlait déjà une fureur froide, prête à se déchaîner.

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