Le roi au cœur des cendres

Le silence du palais de Fyrliths n’était troublé que par le crépitement discret des flammes dans l’âtre. Aelstrom Kaelen Drakaris, le roi-dragon, se tenait debout, torse nu, devant les grandes fenêtres de ses appartements. Sa longue chevelure sombre tombait sur ses épaules puissantes, et ses yeux dorés fixaient l’horizon brumeux.

Quelque chose clochait.

Il le sentait depuis son réveil. Une tension étrange flottait dans l’air, comme une dissonance dans la symphonie parfaitement réglée de son palais.

On frappa discrètement à la porte.

— Entrez, ordonna-t-il d’une voix basse mais autoritaire.

Le général Tharn pénétra dans la pièce, l’armure encore couverte de poussière. Il s’inclina brièvement.

— Majesté… le prince elfe. Ilmarion. Il n’est plus dans ses quartiers.

Aelstrom pivota lentement, son regard se durcissant.

— Tu veux dire… qu’il s’est échappé ?

Tharn acquiesça avec prudence.

— Il a quitté discrètement sa chambre avant l’aube. Nous avons trouvé une trace légère à la lisière nord de la cité, mais elle disparaît dans les bois.

Aelstrom inspira profondément, ses mâchoires se serrant. Ilmarion… Ce prince si calme, si digne… Il aurait dû comprendre qu’ici, il était en sécurité. Et pourtant, il avait fui.

— Il est parti chercher sa famille, murmura le roi, presque pour lui-même.

Il passa une main sur son visage, puis se dirigea vers un coffre orné près de son lit. Il en sortit une tunique noire, sobre mais marquée du sceau royal, puis enfila une cape doublée de fourrure.

— Prépare mes wyvernes. Je pars immédiatement.

Tharn écarquilla les yeux.

— Majesté ? Vous… vous allez personnellement ?

Aelstrom leva les yeux vers lui, le regard acéré.

— Tu crois que je vais rester là pendant qu’un prince elfe, blessé et seul, s’aventure dans une forêt infestée de démons ? Il a été confié à ma protection. S’il lui arrive quoi que ce soit, c’est mon honneur qui est souillé.

Il attacha son épée à sa ceinture, puis saisit un petit cristal luisant qu’il glissa dans une pochette.

— Et s’il croise les mauvais êtres, il n’aura pas la moindre chance, même avec son arc.

— Dois-je envoyer une escorte ?

— Non. Je serai plus rapide seul.

Le roi franchit les couloirs du palais à grandes enjambées, son pas faisant trembler les dalles de marbre. Les serviteurs s’écartaient, silencieux, tandis que le poids de sa détermination s’imposait à tous.

Dans la cour intérieure, sa wyverne noire attendait déjà, ses écailles sombres brillantes sous le soleil pâle du matin. Aelstrom monta sans hésiter, saisissant les rênes.

Il leva les yeux vers le ciel.

— Ilmarion… murmura-t-il. Tu n’aurais pas dû partir seul.

Puis, d’un geste ferme, il donna l’ordre à sa monture de décoller. La wyverne poussa un cri strident et s’envola dans les cieux, ses ailes battant puissamment.

Aelstrom survola la forêt à grande vitesse, ses yeux sondant les moindres mouvements sous les arbres. Il connaissait cette région. Des créatures rôdaient dans l’ombre, certaines corrompues par la magie démoniaque.

Après une heure de vol, il distingua une clairière à demi brûlée, des traces de pas, une trace d’énergie elfique. Il y atterrit, mit pied à terre, et effleura le sol.

— Ilmarion est passé par là… et il est blessé.

Un frisson parcourut son échine. Quelque chose dans l’air avait changé. Il sentait… une présence familière, mais affaiblie.

Soudain, des cris retentirent au loin.

Aelstrom leva les yeux, son regard s’illuminant d’une lumière dorée. Il bondit sur sa wyverne.

— Tiens bon, elfe.

— Je viens te chercher.

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