L’évasion d’Ilmarion

La chambre était silencieuse. Le grand lit, où Ilmarion s’était allongé pour se reposer, semblait presque trop grand pour lui. Le roi Aelstrom l’avait laissé se remettre de ses blessures, et l’infirmière l’avait sommé de rester au calme. Mais quelque chose dans cette immobilité le dérangeait profondément.

Ilmarion savait qu’il devait se remettre en mouvement. Il était un prince, un héritier, et il avait des responsabilités, même si son royaume n’existait plus. Il se sentait comme un spectre dans ce palais draconique, perdu dans un monde qui ne lui appartenait pas. Ses pensées tournaient autour de son peuple, des visages de ses frères et sœurs, et surtout de ses parents, les derniers souverains d’un royaume désormais anéanti.

Il avait besoin de quelque chose de plus que des soins. Il avait besoin de se sentir vivant, de retrouver sa force, de se reconnecter avec la personne qu’il avait été avant la chute de son royaume.

Il se leva silencieusement du lit, veillant à ne pas faire de bruit. Il était encore faible, mais son esprit était plus affûté que jamais. Ses doigts effleurèrent la lame de la dague posée sur la table de chevet, mais il la laissa de côté. Ce qu’il cherchait n’était pas une arme simple. Il avait besoin de son arc des dieux. Celui qu’il avait forgé avec les elfes de son royaume, une relique sacrée, une extension de son âme.

Il se dirigea vers la porte, jetant un dernier regard à la chambre royale. Les gardes qui surveillaient son couloir étaient quelques-uns des plus loyaux hommes d’Aelstrom. Mais ce n’était pas la loyauté qu’il recherchait. Il avait besoin de solitude, de retrouver son arc, et de méditer sur ce qui allait suivre.

Quand il ouvrit la porte, il aperçut une silhouette qui passait au bout du corridor. Il s’arrêta brusquement. Il n’avait pas prévu de croiser qui que ce soit.

Un des gardes, un homme imposant aux cheveux noirs comme l’onyx, s’avança vers lui, les bras croisés.

— Vous devriez vous reposer, mon prince. La voix grave du garde était empreinte d’une certaine douceur, mais aussi d’une insistance discrète.

Ilmarion le fixa un instant. Il savait que ce garde n’osait pas vraiment le forcer à retourner dans sa chambre. Le respect qu’il portait à son rang était bien trop grand.

— Je vais me reposer plus tard. J’ai… besoin de quelque chose. Il fit un geste vague. J’ai besoin de me reconnecter à moi-même.

Le garde haussait un sourcil, mais Ilmarion ne lui laissa pas le temps d’ajouter quoi que ce soit.

— Ne vous inquiétez pas, je vais rester discret.

Il fit quelques pas en arrière, et avant même que le garde n’ait pu réagir, Ilmarion disparut dans le corridor sombre. Il savait exactement où il devait aller.

Le palais des Fyrliths était un labyrinthe, mais Ilmarion avait passé suffisamment de temps dans ses couloirs pour en connaître chaque recoin. Il se dirigea vers l’aile est, où les objets précieux du royaume de son hôte étaient entreposés. Il savait que c’est là, dans une salle secrète que seuls les plus proches alliés d’Aelstrom connaissaient, se trouvait l’arc des dieux.

Ce n’était pas une simple arme. C’était un artefact sacré conçue à partir de l’arbre monde,imprégné de la magie elfique et draconique, forgé lors de la guerre des Premiers Feux. L’arc avait été remis aux héritiers du royaume des elfes, mais Ilmarion l’avait toujours porté avec une fierté particulière. C’était un symbole de son lignage, une force de la nature, et sa seule véritable compagne de bataille.

Il arriva devant une porte en bois noir, gravée de runes anciennes. Il frappa trois fois avec une discrétion parfaite. Un silence pesant s’installa, puis la porte s’ouvrit dans un grincement sourd. Une silhouette s’esquissa dans l’obscurité, et une voix familière résonna dans la nuit.

— Ilmarion ? demanda la silhouette, son ton hésitant.

Ilmarion sourit légèrement.

— Je suis juste… venu chercher mon arc.

La silhouette hocha la tête, s’écartant pour le laisser entrer. Ilmarion s’avança dans la pièce, ses yeux se fixant immédiatement sur la grande arme suspendue sur le mur, un arc recouvert de motifs complexes et de pierres précieuses. Il tendit la main vers elle, et une vague de chaleur envahit son corps. Il l’avait si souvent tenue, et pourtant, chaque fois, la sensation était unique. C’était comme une extension de lui-même.

Il la prit lentement, la caressant du bout des doigts.

— Je ne peux pas rester là sans ça, murmura-t-il plus pour lui-même que pour l’autre personne dans la pièce.

Avant de repartir, Ilmarion se tourna vers son hôte et murmura un merci silencieux. Il sentait la puissance de l’arc pulsant à travers ses veines, un rappel de qui il était et de ce qu’il devait faire.

Dans l’ombre de cette nuit draconique, Ilmarion Elyndriel Ithilion se préparait à affronter son destin. Et le chemin de la guerre ne faisait que commencer.

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