Les ombres de la forêt

La brume tombait lentement sur la forêt d’Ilythar, enveloppant les arbres d’un manteau épais et silencieux. Le sol était humide, les feuilles craquaient à peine sous les pas d’Aelstrom et d’Ilmarion, avançant côte à côte, l’un avec la poigne ferme de l’instinct guerrier, l’autre avec la grâce tendue d’un chasseur traqué.

Le regard d’Ilmarion scrutait chaque arbre, chaque racine. Il reconnut bientôt la forme d’un vieux chêne tordu, puis un ruisseau à moitié asséché.

— Ils ne sont plus très loin, souffla-t-il. Il y a une caverne protégée par un sort de dissimulation. Je l’ai lancé moi-même avant de tomber.

Mais Aelstrom s’était arrêté.

Il leva une main, son regard se plissant.

— Quelque chose approche.

Ilmarion se figea. Une odeur nauséabonde flottait dans l’air. Pas naturelle. Un frisson courut le long de sa nuque.

— Les démons, murmura-t-il. Ils les ont suivis.

Une seconde plus tard, le sol vibra légèrement. Puis, surgissant de l’ombre entre les arbres, trois créatures jaillirent. Hautes, à la peau noirâtre, les yeux luisants d’un vert vénéneux, des griffes acérées au bout de bras trop longs.

Aelstrom dégaina son épée en un éclair. Ilmarion, malgré sa jambe encore douloureuse, fit glisser son arc de son dos, une flèche déjà encochée.

— Tu prends celui de droite, lança Aelstrom. Je m’occupe du reste.

Ilmarion hocha la tête. Une respiration. Une visée. Une flèche.

Le projectile fendit l’air, se planta droit dans l’œil de la créature de droite, qui s’écroula dans un cri guttural.

Aelstrom fonça sur les deux autres, sa lame sifflant dans l’air. Il évita une griffe, puis planta son épée profondément dans la gorge du premier démon. Le sang noir jaillit, brûlant l’herbe sous leurs pieds.

Le second démon bondit sur lui, mais Aelstrom roula sur le côté avec agilité, avant de l’achever d’un coup précis au cœur.

— Ils ne devraient pas être si près du territoire humain, grogna le roi, essuyant sa lame sur le cadavre d’un démon. Ils sont organisés. Ils traquent.

— Ma famille est en danger, répondit Ilmarion, le souffle court.

Comme pour confirmer ses mots, un cri aigu retentit dans la forêt.

— C’était Lysha, s’écria Ilmarion.

Il bondit en avant, ignorant la douleur à sa jambe. Aelstrom le suivit sans un mot, sa lame toujours dégainée.

Ils coururent à travers les arbres, suivant les cris, les bruits de lutte. Une lumière vacillante apparut entre les branches — des flammes. Le bouclier magique avait été brisé.

Ils débouchèrent dans une petite clairière. Cinq démons encerclaient une poignée de silhouettes.

Au centre, Elaria, la sœur aînée, protégeait ses cadets avec un poignard en main, le visage couvert de sang. Kaelen tenait une épée d’elfe abîmée, haletant. Les petites Naelia et Lysha se cachaient derrière Aerys, le plus jeune frère, qui peinait à tenir une dague.

— Reculez ! hurla Elaria, repoussant un démon d’un coup désespéré.

— Par les cieux… murmura Ilmarion.

Sans attendre, il décocha trois flèches successives. Trois démons tombèrent.

Aelstrom bondit dans l’arène, sa lame dans une main, une dague dans l’autre. Il engagea le combat avec une précision chirurgicale, tranchant la gorge d’un démon, évitant les crocs de l’autre.

Ilmarion s’avança, flèche encochée, prêt à protéger les siens.

Kaelen le vit en premier.

— Ilmarion !

Les cris redoublèrent. Les enfants coururent vers leur frère aîné tandis qu’il abattait le dernier démon.

Un silence choqué tomba sur la clairière. Le sol était jonché de cadavres démoniaques, l’air encore vibrant de la magie brisée.

Ilmarion tomba à genoux, les bras ouverts. Naelia se jeta contre lui en pleurant.

— Tu es revenu… tu es revenu pour nous…

Il les serra tous contre lui, le cœur battant.

Aelstrom, en retrait, observait la scène. Son regard se posa sur le prince elfe agenouillé au milieu de sa fratrie.

Il comprenait, maintenant, ce qui liait Ilmarion à son peuple. Ce qu’il était prêt à affronter, à risquer.

Et au fond de lui… quelque chose remua.

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