Sur les cendres du passé

Le vent glacial soufflait à travers les feuillages fanés, balayant les cendres encore tièdes laissées par le dernier affrontement. Le soleil peinait à percer à travers les nuages, et l’air portait encore l’odeur métallique du sang et de la magie noire.

Aelstrom harnachait son destrier noir, une bête aussi imposante que son maître, aux yeux rougeoyants et aux sabots d’argent. Ilmarion, l’arc sacré des Dieux à l’épaule, s’approcha en silence, le regard tourné vers la forêt.

— Tu es sûr que c’est la meilleure façon de chercher ? demanda-t-il.

— À deux sur un cheval, on ira plus vite, et on se couvrira mieux en cas d’embuscade, répondit Aelstrom, en tendant la main. Monte.

Ilmarion hésita un bref instant, puis attrapa la main tendue et se hissa à l’arrière de la selle, son torse effleurant le dos du roi Fyrlith. Son arc reposait dans son dos, sa main gantée posée sur la croupe pour garder l’équilibre. C’était étrange… Cette proximité, ce silence entre eux. Une tension calme, ni froide ni chaude, comme une promesse d’orage.

— Ton arc… Il est spécial, fit remarquer Aelstrom, sans tourner la tête.

— Il appartenait au premier roi elfe. Il ne répond qu’au sang royal. Il tire des flèches de lumière, capables de transpercer les ombres. On l’appelait “Lame céleste”.

— Pratique contre les démons, murmura Aelstrom.

Ilmarion hocha la tête, son regard scannant les ruines au loin.

— Il n’a pas servi depuis la guerre des Anciens. Je pensais ne jamais avoir à le reprendre.

— Mais voilà que la guerre revient à ton pas, répondit Aelstrom, d’un ton calme. Et moi aussi, je pensais ne plus jamais devoir tuer dans les forêts elfiques.

Ils chevauchèrent pendant un long moment, le silence brisé seulement par le bruit des sabots sur la terre humide. Leurs regards étaient en alerte. Soudain, Ilmarion leva la main.

— Arrête. Quelque chose… là-bas.

Aelstrom tira légèrement les rênes, et le cheval s’immobilisa. Ilmarion descendit souplement, l’arc déjà prêt, une flèche de lumière se matérialisant dans ses doigts.

Dans un creux de la vallée, au milieu de buissons calcinés, trois silhouettes rampaient difficilement. Deux adultes, blessés, et un enfant, recroquevillé.

— Survivants, souffla Ilmarion.

Mais avant qu’ils ne puissent s’approcher, un rugissement fendit l’air. De l’ombre des arbres, une créature démoniaque surgit. Ses membres tordus, sa gueule béante, son corps noirci par la corruption.

Ilmarion décocha sa flèche sans attendre. Une lueur blanche fendit l’air et vint frapper la créature en plein cœur. Le monstre hurla, recula… mais ne tomba pas.

— Il en faut plus, grogna Aelstrom, tirant son épée à deux mains.

Il bondit du cheval, atterrissant avec puissance, et dans un éclair, sa lame s’enflamma d’un feu draconique. Ilmarion courut à ses côtés.

— Garde sa droite, je prends la gauche ! lança-t-il.

Le combat fut bref mais brutal. L’ombre démoniaque tenta de résister, mais entre les flèches célestes et le feu de dragon, elle fut réduite à néant.

Une fois la poussière retombée, Ilmarion se précipita vers les survivants. Le père était blessé à la jambe, la mère à l’épaule. L’enfant ne parlait pas, tremblant de peur.

— Des elfes de ta couronne ? demanda Aelstrom, s’approchant.

— Non… des civils. Des artisans. Mais leur survie compte autant que celle de mes sœurs.

Aelstrom posa un genou au sol, croisant le regard de l’enfant.

— Tu es en sécurité maintenant.

Le garçon hocha timidement la tête. Pour la première fois, Ilmarion vit un éclat différent dans les yeux du roi : une douceur, fugace mais réelle.

— D’autres peuvent être en vie. On continue, dit Ilmarion, resserrant sa prise sur son arc.

Aelstrom hocha la tête. Le cheval hennit, prêt à repartir.

Ils n’étaient pas près de s’arrêter.

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