L'Etoile Noire

L'Etoile Noire

1

Conor se souvenait encore du moment où sa mère lui avait raconté le recit. Celui du combat légendaire des deux mages. Les plus extraordinaires de leur temps.

C'était une nuit d'automne, les rues de New York étaient recouvertes d'un tapis d'or aussi beau qu'éphémère, semblable à l'existence des humains.

Mais il n'y a pas que les humains qui peuplaient la Terre.

La nuit était fraîche et légèrement venteuse, et dans les dernières heures de ce jeudi, alors que les rues plutôt animées étaient maintenant presque désertes, une belle jeune femme passa, ressemblant à une fée avec sa robe en voile et son manteau tout blanc, et ses cheveux d'un vert éclatant comme de jeunes feuilles de printemps embuant de rosée.

Sa respiration et ses pas légers résonnaient faiblement dans l'espace. Elle était manifestement sur le chemin du retour et donnait l'impression de pouvoir s'envoler à la moindre brise.

Elle s'arrêta un instant pour respirer à pleins poumons la nuit profonde et réfléchir à quelque chose qui la tracassait depuis quelques temps lorsque des rires se firent entendre dans l'obscurité.

Il n'était pas nécessaire d'en voir l'origine pour en comprendre la signification : le danger.

Et des ombres surgit tout un groupe de voyous qui semblaient n'avoir jamais fait une bonne action de leur vie, et qui fixaient la jeune femme de leurs yeux sombres animés d'une lueur inquiétante. Leur intention était évidente.

Ils suivirent d'abord leur proie des yeux, en sifflant et en huant, avant de s'approcher d'elle et de l'encercler.

La jeune femme fronça les sourcils, inquiète au premier abord.

« Laissez-moi tranquille, s'il vous plaît. Je veux juste rentrer chez moi », demanda-t-elle d'une voix aussi douce et séduisante que son apparence.

Celui qui était visiblement le chef, plus tatoué et charismatique que les autres, fut le premier à rire avant d'être suivi par les autres.

« Je ne crois pas, ma belle. Nous avons d'autres projets pour toi. »

« Qu'est-ce que vous voulez ! »

Cette fois, le groupe rit franchement.

« Tu le sais très bien, ma belle. Inutile de faire l'innocente, même si une autre forme d'innocence nous plairait encore plus. »

Le chef tendit la main et caressa une mèche de ses longs cheveux soyeux.

Il passa sa langue sur ses lèvres.

« Tu es belle, tu sais, très belle, et nous allons vraiment prendre plaisir à saccager cette beauté. »

« Ne me touchez pas ! » lui cria la jeune femme, qui lui frappa la main pour qu'il la lâche et recula d'un pas.

« Ah, agressive aussi. Je vais adorer ça », se moqua-t-il encore plus insolemment.

« Si j'étais toi, je ne ferais pas ça », fit entendre une voix grave qui émergeait elle aussi des ténèbres.

Le groupe de voyous sursauta et se tourna vers son propriétaire. C'était un homme assis au pied d'un pilier, portant un costume indigo sur mesure, un grand chapeau et des lunettes noires, très noires. Il avait les jambes croisées, la tête appuyée nonchalamment sur une main derrière la tête, un rictus aux lèvres. Ses poignets étaient ornés d'une montre et d'un épais bracelet en or.

Il respirait le mystère, la richesse et le pouvoir.

« Qu'est-ce que tu veux, espèce d'énergumène ? »

« Je voudrais juste vous donner un petit conseil gratuit, ce dont vous devez être vraiment reconnaissant parce que mes tarifs sont hors de portée pour des gens affamés comme vous ».

Le chef esquissa quelques pas vers lui.

« Vous avez l'air d'avoir une sacrée gueule pour un malade. Et riche, en plus. »

« Et alors ? »

« Et alors ! » releva le chef avec un ricanement insupportable, « je vais te dire. Quand on en aura fini avec notre belle proie ici, on s'en prendra à toi... J'espère pour toi que tu n'as pas l'intention de jouer les héros, le givré, sinon ce sera la dernière chose que tu feras de ta vie de fou. »

« Ça, j'en doute fortement. »

« Ah oui, et pour quoi ? »

Mais l'homme mystérieux ne dit rien. La jeune femme s'avança vers lui et, à la surprise des voyous, fit une révérence.

Après quoi, elle fit face au groupe, se redressa et rayonna, se transformant sous leur regard choqué et effrayé en une gigantesque bête enragée.

« Je vous avais prévenu », dit l'homme en riant, comme s'il s'agissait d'une plaisanterie.

La bête, après les avoir suffisamment effrayés avec sa nouvelle forme, se jeta sur eux comme la proie qu'ils étaient devenus.

Les rôles s'étaient inversés, ou plus exactement révélés.

La bête les mit en pièces, prenant son temps et ne laissant qu'une mare de chair et de sang.

L'homme mystérieux rit de bon cœur.

« C'était un beau spectacle. »

La jeune femme reprit sa forme initiale et se tourna gracieusement vers l'homme.

« Merci, Votre Excellence. »

Celui-ci rit et disparut lentement dans un souffle de poussière chatoyant.

La jeune femme sourit, arrangea son manteau sans en avoir besoin, puis reprit sa marche.

« Il va falloir que je me dépêche, je suis sûre qu'il m'attend. »

***

Conor courait dans l'appartement, se débattant furieusement dès que sa nounou parvenait à lui mettre la main dessus, jusqu'à ce qu'il échappe à nouveau de ses mains fermes mais tendres.

Et par nounou, il s’agissait d’une créature volante d'un rouge éclatant qui ne parlait presque jamais mais qui savait se faire comprendre, et qui prenait souvent l'expression d'une personne grincheuse mais qui en fait avait le cœur sur la main.

Cela se voyait à l'indulgence irrépressible dont elle faisait preuve à l'égard de son petit protégé.

Elle grogna pour faire comprendre qu'il était temps pour lui d'aller dormir. Même si l'heure du coucher était passée depuis longtemps.

Le petit garçon refusait et le faisait comprendre en s'enfuyant constamment et en faisant des crises de colère aussi fausses qu'agaçantes.

Il esquissait des grimaces profondes qui s'estompaient dès qu'il entendait la porte d'entrée s'ouvrir.

Un large sourire illuminait désormais son visage et il se précipita vers la personne qui franchissait la porte. C'était la jeune femme de la ruelle, répondant au doux nom de Marion.

Son visage aussi était radieux, elle ouvrait les bras pour accueillir la petite fusée qui courait vers elle en criant son nom.

« Maman ! »

« C'est bon, mon bébé. Tu t'es bien tenu pendant que maman était sortie ? »

Il hocha vigoureusement la tête tandis que sa mère le soulevait dans ses bras.

« Mais je ne suis plus un bébé ! » plaisanta-t-il en se débattant pour se baisser.

« Ah oui, c'est vrai. Tu as sept ans maintenant ! »

« C'est vrai, alors j'ai le droit de me coucher tard et de faire la grasse matinée. »

« Non, tu n'as pas le droit. Maintenant, va te coucher, il y a école demain. »

Le petit garçon réfuta farouchement de la tête en s'enfuyant dans le salon et grimpa sur le canapé pour sauter de haut en bas en criant son opposition.

« Je ne veux pas ! »

Marion s'approcha de son enfant en le regardant longuement et avec une attention particulière.

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