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« Je commencerai ce soir, dans mon royaume de rêve, avec Zion. »

« J'en suis sûre. »

Le jour se leva, laissant filtrer la lumière à travers les rideaux et éclairant Conor qui dormait encore profondément, mais cela ne dura pas, car la sonnerie de son réveil le réveilla sans ménagement.

Il avait maintenant quinze ans.

Il ouvrit à peine les yeux. Quand ce fut fait, il se tourna vers son réveil, un boîtier noir classique avec l'heure affichée en rouge. Il grimaça en repoussant les draps et s'assit sur le bord de son lit, pensant avec envie et dégoût que ses camarades de classe étaient capables de créer un réveil, de le fabriquer au gré de leur imagination.

C'est le cas de Marianne, par exemple, la fille la plus populaire de la classe et aussi la plus studieuse, qui a créé un réveil féerique qui lui chante tous les matins une chanson enchanteresse mais percutante ; ou de Bryan, le sportif de la classe, dont le réveil est une sorte de commentateur qui commente un match imaginaire de sa voix sonore et séduisante ; ou de Josh, le soupirant de la classe, dont le réveil est une femme dont la manière de se réveiller est censurée par l'instituteur.

La création d'un réveil était un exercice appris un mois plus tôt, et tous les élèves de la classe le maîtrisaient à la perfection. Tous sauf lui.

Il jeta également un coup d'œil ironique à sa chambre. On aurait pu la confondre avec n'importe quelle chambre d'adolescent « normal », décorée dans des tons blancs et bleus marine, mais avec un sol en bois marron, seulement le mobilier nécessaire, et... une étagère occupant la moitié d'un mur et remplie de livres contenant toutes sortes de sorts... et qui ne lui étaient d'une utilité que théorique.

C'était différent de la chambre de ses camarades de classe, dont il n'avait vu que des photos, bien sûr, et encore loin de là, car aucun d'entre eux ne l'inviterait jamais chez eux, une chambre dont il voyait les murs recouverts de divers dessins mouvants fantastiques allant de la forêt magique à la ville animée et illuminée, en passant par des décors de jeux vidéo.

C'était le rêve, un rêve à jamais hors de sa portée.

Il soupira, comme tous les matins, constatant que les réveils étaient de plus en plus difficiles.

Un léger coup frappé à la porte interrompit la rêverie de Conor. Sa mère, Marion, entra, les sourcils froncés par l'inquiétude, une expression devenue quotidienne.

« Conor, mon chéri, le petit déjeuner est prêt. Dépêche-toi ou tu seras en retard... »

Conor ne put retenir un petit rire ironique.

« En retard ? Comme si le fait d'être ou de ne pas être en retard allait changer quoi que ce soit ! »

« Conor ! »

« Oh, je t'en prie !  Je sais que tu n'es pas venu juste pour me dire que le repas est prêt ! D'habitude, tu envoies une de tes peluches volantes ! Ma préférée est mon ancienne nounou qui soit dit en passant, semble devenir plus rouge avec l'âge. »

Marion regarda son fils avec des yeux brillants et indéchiffrables.

« Bébé, j'ai entendu parler de tes résultats d'examens. Pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu avais encore des difficultés ? » Sa voix est teintée d’une certaine mélancolie et de déception. Elle aussi s’y était habituée, mais ne le réalisait pas encore.

Conor, toujours assis sur le bord de son lit, regarda sans rien faire les manuels ouverts sur son bureau. Les pages usées, ornées de diagrammes fluides et de runes complexes, se moquaient de lui et de son incapacité à mettre en pratique la magie la plus fondamentale. Alors que ses camarades de la prestigieuse école de mage d'Ogemos manipulaient sans peine les éléments, invoquant des flammes, conjurant des rafales de vent et tissant des sorts avec une élégance sans faille, Conor ne parvenait qu'à changer la couleur de son stylo - une démonstration bien maigre et embarrassante de ses lacunes en matière de magie.

Conor détourna le regard, ses doigts tripotant nerveusement l'ourlet de sa chemise.

« Le petit déjeuner est prêt, tu as dit… »

 Conor sourit cyniquement.

« Et quoi d'autre ? »

« Quoi d'autre ? »

« Maman, tu ne viens jamais m’annoncer le petit-déjeuner. Tu envoies ces créatures rondes et volantes qui sont un peu trop lumineuses à mon goût, pour le faire. Ma préférée reste encore la grincheuse indigo et rouge qui me sert de nounou jusqu’à aujourd’hui. Ce qui veut dire qu'il se passe autre chose, et comme il s'agit sans doute de moi, c'est probablement grave. »

Marion hésita et va s'asseoir à côté de son fils sur le lit.

« Le directeur m'a appelé personnellement ce matin. À propos de tes résultats. »

« Il a tardé à le faire. »

« Pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu avais des problèmes à l'école ? »

Conor regarda sa mère comme si elle avait perdu la tête.

« C'est une blague ! »

« Non, bien sûr que non. »

« Et moi, je pense que si ! Tu crois que je vais te dire que je suis nul à l'école ! »

« Pourquoi ne le ferais-tu pas ? Je pourrais…»

« Parce que ça ne sert à rien. L'école t'informe toujours, et surtout, ça ne changera rien. Tu ne peux rien faire pour moi. »

« Ne dis pas ça ! »

« Maman, je suis différent ! Non, soyons encore plus clairs, je suis un loser. Et tu ne peux rien y faire. Il n'y a rien qu'une école puisse faire. »

« Oh, mon chéri ! Tu ne dois pas penser comme ça, tu ne dois pas perdre espoir ! »

« Je me demande si parfois, tu ne t'entends pas toi-même, maman. Tu ressembles vraiment à une boîte cassée qui ne peut que répéter la même chose, même si ce qu'elle répète a perdu tout son sens depuis longtemps. »

Sa mère était visiblement sidérée et blessée par ces paroles dures et quelque peu vraies, mais elle ne se laissa pas abattre pour autant et tenta à nouveau de le consoler.

« Mon amour, tu t'en remettras, tu verras ! Tu le sais n’est-ce-pas ? »

« De quoi maintenant ? »

« Que tu n'es pas défini par la magie. »

« Et par quoi devrais-je l’être ? »

« Tu as tellement d'autres options ! Tu as tellement d'autres talents ! »

« Ah oui, comme quoi par exemple ? »

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