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Deux filles d'une vingtaine d'années, bras dessus, bras dessous, passèrent et le regardèrent d'abord distraitement, mais lorsqu'elles réalisèrent ce qu'elles voyaient, elles sursautèrent et s'arrêtèrent même un instant pour le suivre des yeux.

« Et dire que j'ai toujours pris mon petit cousin pour un petit monstre. »

« Et moi, je ne me plaindrai plus jamais de mon petit ami. »

Conor fit la moue et murmura.

« Je vous entends, salopes ! Allez au diable ! »

Alors qu'il traversait les rues, les gens se retournaient sur lui. Et c'était à cause de son look, pas celui qu'il aurait aimé avoir, comme tout adolescent normal, non, c'était plutôt un look si repoussant que même lui en était parfois effrayé et dégoûté.

Il était plus large que la moyenne, pour ne pas dire gros, et petit de surcroît, ses cheveux d'un noir d'encre n'étaient pas de la meilleure qualité, malgré tous les soins que lui et sa mère y apportaient, et enfin ses yeux, d'un gris si clair qu'ils en étaient transparents, étaient toujours assombris par des pensées sombres.

Les filles avaient tellement pitié de lui que la plupart du temps, elles le laissaient tranquille. D'ailleurs, elles ne le voyaient pas. Autant dire qu'il était complètement invisible pour elles. Mais ce n'était pas le cas des garçons, qui voyaient en lui la victime parfaite, et donc le souffre-douleur ultime.

Arrivé devant les immenses portes de son célèbre établissement, Conor s'arrêta et respira profondément. C'était une épreuve qu'il devait vivre tous les jours, franchir la barrière magique qui protégeait tout l'endroit et ne laissait passer que les êtres dotés de magie. Tous les autres la traversaient sans effort, sans même se rendre compte de son existence, alors que pour Conor, bien sûr, c'était une tout autre histoire. C'était un très mauvais moment à passer et il devait le subir tous les jours.

La plupart des élèves ne prenaient même plus la peine de le regarder faire. Mais certains perdaient encore leur précieux temps à le regarder franchir la barrière. Dans de rares cas, c'était devenu un rituel pour eux, surtout s'ils appartenaient, eux aussi, au bas de la pile ; comme pour ces trois-là.

« Toujours pas fatigué de venir ici, l’échec ? »

« J'ai l'impression que c'est de plus en plus difficile pour toi ! »

« Eh, l'échec ! Tu sais que tu es devenu une légende depuis longtemps ? »

« L’échec » ne prit même pas la peine de réfléchir à la façon dont il aurait pu leur répondre. Il était suffisamment occupé et réaliste comme ça.

D'ailleurs, cela devait être un tel soulagement pour eux de voir qu'il y avait pire qu'eux.

Conor aurait probablement fait de même. Hélas pour lui, il n'appartenait à aucune catégorie.

La répulsion que la magie de ce mur invisible et imposant lui infligeait lui faisait mal et lui coupait le souffle. Cela lui prenait au moins dix minutes. Il sortait toujours épuisé, ayant perdu la moitié de ses forces, rien que pour réaliser cet acte si banal pour n'importe quel magicien ; alors, pour les épreuves de magie, il aurait mieux valu qu'il ne les passe pas du tout.

Chaque mois, sa mère recevait une notice rouge à son sujet, et pas seulement sur ses résultats.

Ce jour-là, le jeune magicien s'arrêta un instant pour contempler l'école où il étudiait.

Cette fois-ci, il n'avait pas à craindre de se ridiculiser davantage, car tout le monde était arrivé. Il était le dernier, comme d'habitude, comme en toute chose.

Il se tenait devant la grande entrée d'Ogemos qui le dominait comme un ancien palais. Ses yeux balayèrent l'architecture ornée, observant les sculptures complexes et les lustres scintillants qui jetaient une lumière chaude sur la cour animée. L'air semblait bourdonner d'une énergie électrique, d'un sentiment palpable d'ambition et de potentiel qui l'impressionnait et l'intimidait à la fois.

En franchissant l'imposante arche, Conor sentit sa poitrine se serrer comme à l'accoutumée. C'était tout sauf un endroit ordinaire ; c'était un bastion de l'excellence académique, un lieu où seuls les étudiants les plus brillants et les plus motivés étaient accueillis. Leurs visages débordaient de confiance, leurs yeux étaient fixés sur leurs objectifs avec une grande détermination.

Même les élèves qui ne cessaient de l'insulter et de le harceler comme à la barrière n'avaient sûrement rien à craindre.

Et le voilà, modeste garçon ordinaire, voire moins qu'ordinaire, soudain projeté dans un monde de privilèges et de prestige où tout le monde pensait qu'il n'avait pas sa place. Y compris lui-même.

Conor s'appuya lourdement sur son casier, sur lequel était clairement inscrit « ÉCHEC », et sortit de son sac une gourde dont il but goulûment le contenu, car il s'agissait d'un liquide revigorant spécialement concocté par sa merveilleuse mère - l'une des plus incroyables sorcières de la nature, célèbre pour ses remèdes.

Le liquide fonctionnait, mais pas aussi bien qu'il l'aurait dû, vu l'état du jeune magicien.

Les autres riaient en le regardant vider sa bouteille, et les filles ne pouvaient toujours pas s'empêcher de lui lancer un regard de pitié et de moquerie.

Conor ouvrit son casier et prit sa baguette et sa tenue de combat pour les examens de la journée.

Le couloir grouillait d'élèves qui se mirent soudain au garde-à-vous de part et d'autre.

Conor ferma les yeux un instant et appuya son front contre la porte de son casier, sachant ce que cela signifiait.

« Arrête de le regarder comme s'il valait quelque chose », ordonna une voix autoritaire et magique non loin du jeune garçon.

Conor soupira et se tourna vers le nouveau venu qui n'était autre que Deryl, le major de leur classe, un vrai fils à papa, pourri gâté, mais tellement doué que c'en était injuste, sans compter qu'il était beau, blond avec des yeux bleus comme la mer. Bref, il était tout ce que Conor aurait voulu être, mais qu'il ne sera jamais, hélas. C'était la différence entre un ver de terre et une étoile.

La vie était trop impitoyable.

Il était accompagné, comme toujours, de ses deux amis et larbins - Rod et Ayden, eux aussi issus de familles riches et influentes, bien que moins que leur beau et talentueux leader.

Deryl vint s'appuyer sur le casier à côté de celui de Conor et le regarda de ses yeux rieurs et cruels.

« Alors, déjà épuisé tôt le matin, échec ? »

« Tu m'as déjà demandé ça plein de fois, Deryl. »

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Oscar François de Jarjayes

Oscar François de Jarjayes

plein d'émotions

2024-11-02

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