14

« Ce n’est pas drôle, mon chéri. »

« Je sais. » fit-il comprendre.

« Ne te laisse pas décourager, mon chéri. »

« Non, bien sûr. Je suis un mage sans magie, mais ça ira. »

« Si tu n'es pas partante pour le voyage, pourquoi ne pas retourner à l'école pour finir l'année ? »

« Et quelle école de magie va encore accepter de me prendre ? »

« Je n'ai jamais dit que c'était une école de magie. »

Conor était abasourdi.

« Quoi ? »

Marion esquissa un petit geste de la tête.

« Une école sans magie. »

Le jeune mage avala sa salive.

« Tu veux dire un lycée normal ? »

« Oui. Tu pourras y aller la semaine prochaine. »

« Mais quand est-ce que tu m'as inscrit ? » demanda-t-il, sentant son cœur s'arrêter un court instant.

« Moi, mais depuis le début de l'année scolaire ! Mais en fait, je t’y inscris tous les ans.»

Le jeune magicien sentit son esprit vaciller, se paralyser, et sa voix mourir dans sa gorge avant qu'il ne déglutisse et puisse demander.

« En d'autres termes, tu savais déjà que j'allais échouer. »

C'était une simple déclaration. Malgré tout, elle lui fit mal.

« Non, mon chéri. Mais il faut toujours avoir une porte de secours. »

Conor rit en faisant un geste de la tête.

« C'est une façon de voir les choses, je suppose. »

« Alors, tu iras ? »

« Parce que j'ai d'autres options ? »

« Oui, bien sûr ! Tu as tellement d'autres options, tout comme les humains ! »

Le jeune garçon n'en croyait pas ses oreilles, mais sa mère n'avait pas encore fini.

« Nous, les mages, ne sommes pas définis par notre magie, tout comme les humains ne sont pas définis par leur absence de magie. »

« Tes paroles sont profondes, mais si tu veux bien, je vais aller dans ma chambre et m'enfermer un moment comme je l'ai déjà dit. »

« Et l'école ? »

Conor ne répondit pas et se dirigea vers sa chambre.

« Tu sais, il a eu ses problèmes aussi. Il n’était pas parfait. »

Conor s'arrêta et serra les lèvres avant de répondre.

« Qui ? », même s'il savait déjà de qui elle parlait.

« Zion, bien sûr, » confirma-t-elle, « je me suis beaucoup documentée à son sujet aussi. Je le fais depuis longtemps, mais quand tu m'as fait savoir qu'il était ton idéal, ton étoile, j'ai essayé d'apprendre tout ce que je pouvais sur lui. Mais je doute fort que ma connaissance de lui puisse égaler la tienne. »

« Tu m’en diras tant. »

« Il a eu tant de mal à utiliser ses pouvoirs, à les maîtriser, à devenir le meilleur, mais nous sommes tous au courant qu'il y est parvenu, et au-delà de toute attente, si fort qu'il en est devenu invincible. »

Pendant qu'elle parlait, son fils la fixait d'un air étrange.

« Incomparable, en effet. Mais maman, je ne suis pas Zion et je ne le serai jamais. « Maintenant, il n’est plus que mon étoile noire. »

Après ces mots, il entra dans sa chambre et ferma résolument la porte.

***

Le jeune mage regarda sa chambre avec un mélange d'émotions chaotiques et déchirantes.

Il secoua la tête, se sentant si faible et perdu à son âge, c'était vraiment le comble du pathétique.

Puis il posa les yeux sur son livre de magie, ouvert sur sa table de travail.

Un livre usé à force d'être tenu, lu et relu, et qui représentait tant pour lui, un livre sur Zion bien sûr.

Il fallait qu'il s'en débarrasse, il ne lui servait plus à rien, mais il ne le ferait pas maintenant, il n'en avait pas encore la volonté ni la force.

Il s'en approcha, le caressa, le ferma, lança sa sacoche au loin et se jeta sur son lit.

3

Quelques jours plus tard, Conor entra dans le restaurant qu'il connaissait bien. Situé à deux rues de leur immeuble, c'était un endroit assez grand, aménagé comme une maison de campagne pour offrir le plus de familiarité possible, afin de mettre les clients à l'aise et de les inciter à devenir des habitués. Et des habitués, il y en avait à présent d’assez nombreux.

Les murs étaient recouverts de dessins de fées jouant de la musique douce avec divers instruments. Les habituelles créatures volantes colorées servaient discrètement les gens.

Conor prit place au bar, où sa mère s'affairait avec trois autres clients, dont deux étaient ses plus fervents habitués et admirateurs.

« Bonjour maman. »

« Bonjour bébé, tu as bien dormi ? »

La sorcière lui adressa un large sourire teinté de soulagement, car c'était la première fois que Conor sortait depuis son renvoi.

« Pas mal. »

« Tu es venu prendre ton petit déjeuner ? »

Conor secoua la tête, grimaçant de dégoût.

« Rien que d'y penser, ça me retourne l'estomac. »

« Mais tu n'as rien mangé depuis des jours ! »

« Je ne vais pas en mourir. » répondit-il, mettant fin à la discussion sur la nourriture.

En désespoir de cause, sa mère déposa devant lui un thé délicieusement chaud et naturel, qu'il but pour lui faire plaisir. Puis cette dernière reprit.

« Tu ne mourras pas non plus d'avoir été éjecté de ton école de snob. »

Conor serra les doigts sur la tasse et roula des yeux.

« Merci maman, tu peux le crier sur tous les toits tant que tu y es et je te rappelle que c’est toi qui m’y a inscrit et que tu as tout fait pour que j’y entre que j’y reste! »

« Calme-toi, petit », décida l'un des deux habitués assis au bar avec lui en sirotant son thé fort, “on est tous déjà au courant de ta malchance”.

Le jeune mage lui jeta un regard noir. C'était un homme d'âge mûr qui les faisait toujours rire à cause de son style vestimentaire classique, de son costume bien repassé et de ses chaussures toujours parfaitement cirées et brillantes, et dont la vie tournait autour de la reconnaissance professionnelle.

« Oui, Monsieur Mattias, je le sais, mais il y a une grande différence entre le savoir et le dire à haute voix devant des tierces personnes. »

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