Episode 11

SIR ROBERT CHILTERN. Gertrude, tu n'as pas le droit d'utiliser ce mot. Je vous ai dit que c'était une question de compromis rationnel. Ce n'est pas plus que ça.

DAME CHILTERN. Robert, c'est très bien pour les autres hommes, pour les hommes qui traitent la vie simplement comme une spéculation sordide ; mais pas pour toi, Robert, pas pour toi. Tu es different. Toute votre vie, vous vous êtes tenu à l'écart des autres. Vous n'avez jamais laissé le monde vous souiller. Pour le monde, comme pour moi, tu as toujours été un idéal. Oh! être cet idéal encore. Ce grand héritage ne jette pas, cette tour d'ivoire ne détruit pas.

Robert, les hommes peuvent aimer ce qu'il y a au-dessous d'eux, des choses indignes, souillées, déshonorées. Nous, les femmes, adorons quand nous aimons ; et quand nous perdons notre culte, nous perdons tout. Oh! ne tue pas mon amour pour toi, ne tue pas ça !

SIR ROBERT CHILTERN. Gertrude !

DAME CHILTERN. Je sais qu'il y a des hommes avec d'horribles secrets dans leur vie - des hommes qui ont fait quelque chose de honteux, et qui, à un moment critique, doivent payer pour cela, en faisant un autre acte de honte - oh ! ne me dis pas que tu es comme eux ! Robert, y a-t-il dans ta vie un déshonneur ou une disgrâce secret ? Dites-moi, dites-moi tout de suite, que SIR ROBERT CHILTERN. C'est quoi ?

DAME CHILTERN. [Parlant très lentement.] Que nos vies puissent s'éloigner.

SIR ROBERT CHILTERN. S'éloigner ?

DAME CHILTERN. Qu'ils puissent être entièrement séparés. Ce serait mieux pour nous deux.

SIR ROBERT CHILTERN. Gertrude, il n'y a rien dans ma vie passée que tu ne saches peut-être pas.

DAME CHILTERN. J'en étais sûr, Robert, j'en étais sûr. Mais pourquoi avez-vous dit ces choses horribles, des choses si différentes de votre vrai moi ? Ne nous laissons plus jamais reparler du sujet. Vous allez écrire, n'est-ce pas, à Mme Cheveley, et lui dire que vous ne pouvez pas soutenir son projet scandaleux ? Si vous lui avez fait une promesse, vous devez la reprendre, c'est tout !

SIR ROBERT CHILTERN. Dois-je lui écrire et lui dire ça ?

DAME CHILTERN. Sûrement, Robert ! Qu'y a-t-il d'autre à faire ?

SIR ROBERT CHILTERN. Je pourrais la voir personnellement. Ce serait mieux.

DAME CHILTERN. Tu ne dois plus jamais la revoir, Robert. Ce n'est pas une femme à qui tu devrais jamais parler. Elle n'est pas digne de parler à un homme comme toi. Non; vous devez lui écrire tout de suite, maintenant, en ce moment, et que votre lettre lui montre que votre décision est bien irrévocable !

SIR ROBERT CHILTERN. Écrivez ce moment !

DAME CHILTERN. Oui.

SIR ROBERT CHILTERN. Mais il est si tard. Il est près de midi.

DAME CHILTERN. Cela n'a pas d'importance. Elle doit savoir tout de suite qu'elle s'est trompée sur vous et que vous n'êtes pas homme à faire quoi que ce soit de bas, de sournoise ou de déshonorant. Écrivez ici, Robert. Écrivez que vous refusez de soutenir son projet, car vous le considérez comme un projet malhonnête.

Oui, écrivez le mot malhonnête. Elle sait ce que signifie ce mot. [SIR ROBERT CHILTERN s'assoit et écrit une lettre. Sa femme le prend et le lit.] Oui; ça fera l'affaire. [La cloche sonne.] Et maintenant l'enveloppe. [Il écrit l'enveloppe lentement. Entre MASON.] Faites envoyer cette lettre immédiatement à l'hôtel Claridge. Il n'y a pas de reponse. [Sortir MASON. LADY CHILTERN s'agenouille à côté de son mari et l'entoure de ses bras.] Robert, l'amour donne un instinct aux choses. Je sens ce soir que je vous ai sauvé de quelque chose qui aurait pu être un danger pour vous, de quelque chose qui aurait pu faire que les hommes vous honorent moins qu'eux. Je ne pense pas que vous vous rendiez suffisamment compte, Robert, que vous avez introduit dans la vie politique de notre temps une atmosphère plus noble, une attitude plus raffinée envers la vie, un air plus libre d'objectifs plus purs et d'idéaux plus élevés - je le sais, et pour cela je je t'aime, Robert.

SIR ROBERT CHILTERN. Oh, aime-moi toujours, Gertrude, aime-moi toujours !

DAME CHILTERN. Je t'aimerai toujours, parce que tu seras toujours digne d'amour. Nous devons aimer le plus haut quand nous le voyons ! [L'embrasse et se lève et sort.] [SIR ROBERT CHILTERN marche de long en large pendant un moment; puis s'assied et enfouit son visage dans ses mains. Le serviteur entre et commence à éteindre les lumières. SIR ROBERT CHILTERN lève les yeux.] SIR ROBERT CHILTERN. Éteignez les lumières, Mason, éteignez les lumières !

[Le Serviteur éteint les lumières. La pièce devient presque sombre.

La seule lumière qui y règne vient du grand lustre qui surplombe l'escalier et illumine la tapisserie du Triomphe de l'Amour.]

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