SEIGNEUR CAVERSHAM. Parce qu'il mène une vie si oisive.
MABEL CHILTERNE. Comment peux-tu dire une chose pareille ? Eh bien, il monte dans le Row à dix heures du matin, va à l'Opéra trois fois par semaine, change de vêtements au moins cinq fois par jour et dîne au restaurant tous les soirs de la saison. Vous n'appelez pas cela mener une vie oisive, n'est-ce pas ?
SEIGNEUR CAVERSHAM. [La regardant avec une étincelle bienveillante dans ses yeux.] Vous êtes une jeune femme très charmante !
MABEL CHILTERNE. Comme c'est gentil de dire cela, Lord Caversham ! Venez nous voir plus souvent. Tu sais que nous sommes toujours à la maison le mercredi, et tu es si belle avec ta star !
SEIGNEUR CAVERSHAM. Ne va jamais nulle part maintenant. Malade de la société de Londres. Cela ne devrait pas déranger d'être présenté à mon propre tailleur ; il vote toujours du bon côté. Mais opposez-vous fortement à être envoyé dîner avec la modiste de ma femme. Jamais pu supporter les bonnets de Lady Caversham.
MABEL CHILTERNE. Oh, j'adore la London Society ! Je pense que ça s'est énormément amélioré. Il est entièrement composé maintenant de beaux idiots et de brillants fous. Juste ce que la société devrait être.
SEIGNEUR CAVERSHAM. Hum! Qu'est-ce que Gôring ? Bel idiot, ou l'autre chose ?
MABEL CHILTERNE. [Gravement.] J'ai été obligé pour le moment de mettre Lord Goring dans une classe à part. Mais il évolue avec charme !
SEIGNEUR CAVERSHAM. Dans quoi?
MABEL CHILTERNE. [Avec une petite révérence.] J'espère vous le faire savoir très bientôt, Lord Caversham !
LE MAÇON. [Annonce les invités.] Lady Markby. Mme Cheveley.
[Entrent LADY MARKBY et MME. CHEVELEY. LADY MARKBY est une femme agréable, bienveillante, populaire, avec des cheveux gris à la marquise et une belle dentelle. MME. CHEVELEY, qui l'accompagne, est grand et plutôt mince. Lèvres très fines et très colorées, un trait écarlate sur un visage blafard. Cheveux roux de Venise, nez aquilin et gorge longue. Le rouge accentue la pâleur naturelle de son teint. Yeux gris-vert qui bougent sans relâche. Elle est en héliotrope, avec des diamants. Elle ressemble plutôt à une orchidée et demande beaucoup à la curiosité. Dans tous ses mouvements, elle est extrêmement gracieuse. Une œuvre d'art, somme toute, mais montrant l'influence de trop d'écoles.]
DAME MARKBY. Bonsoir, chère Gertrude ! Si gentil de votre part de me laisser amener mon amie, Mme Cheveley. Deux femmes si charmantes devraient se connaître !
DAME CHILTERN. [Avance vers MRS. CHEVELEY avec un doux sourire. Puis s'arrête soudainement et s'incline assez loin.] Je pense que Mme Cheveley et moi nous sommes déjà rencontrés. Je ne savais pas qu'elle s'était mariée une seconde fois.
DAME MARKBY. [Génialement.] Ah, de nos jours les gens se marient aussi souvent qu'ils le peuvent, n'est-ce pas ? C'est le plus à la mode. [À la DUCHESSE DE MARYBOROUGH.] Chère duchesse, et comment va le duc ? Le cerveau est encore faible, je suppose ? Eh bien, il fallait s'y attendre, n'est-ce pas ? Son bon père était pareil. Il n'y a rien comme la race, n'est-ce pas ?
MME. CHEVELEY. [Jouer avec son éventail.] Mais nous sommes-nous vraiment rencontrés auparavant, Lady Chiltern ? Je ne me souviens plus où. Je suis hors d'Angleterre depuis si longtemps.
DAME CHILTERN. Nous étions à l'école ensemble, Mme Cheveley.
MME. CHEVELEY [Supercily.] En effet ? J'ai tout oublié de mes années d'école. J'ai la vague impression qu'ils étaient détestables.
DAME CHILTERN. [Froidement.] Je ne suis pas surpris !
MME. CHEVELEY. [Dans sa manière la plus douce.] Savez-vous, je suis très impatient de rencontrer votre mari intelligent, Lady Chiltern. Depuis qu'il est au ministère des Affaires étrangères, on a tant parlé de lui à Vienne. En fait, ils réussissent à épeler son nom dans les journaux. C'est en soi la renommée, sur le continent.
DAME CHILTERN. Je ne pense pas qu'il y aura grand chose en commun entre vous et mon mari, Mme Cheveley ! [Éloigne.]
VICOMTE DE NANJAC. Ah ! chère madame, file d'attente surprise ! Je ne t'ai pas vu depuis Berlin !
MME. CHEVELEY. Pas depuis Berlin, Vicomte. Il y a cinq ans!
VICOMTE DE NANJAC. Et tu es plus jeune et plus belle que jamais. Comment gères-tu ça?
MME. CHEVELEY. En faisant comme règle de ne parler qu'à des personnes parfaitement charmantes comme vous.
VICOMTE DE NANJAC. Ah ! tu me flattes. Vous me beurrez, comme on dit ici.
MME. CHEVELEY. Ils disent ça ici ? Quelle horreur de leur part !
VICOMTE DE NANJAC. Oui, ils ont une langue merveilleuse. Il devrait être plus connu.
[SIR ROBERT CHILTERN entre. Un homme de quarante ans, mais paraissant un peu plus jeune. Rasé de près, avec des traits finement coupés, les cheveux noirs et les yeux noirs. Une personnalité de marque. Peu de personnalités populaires le sont. Mais intensément admiré par quelques-uns et profondément respecté par le plus grand nombre. La note de ses manières est celle d'une distinction parfaite, avec une légère touche de fierté. On sent qu'il est conscient du succès qu'il a fait dans la vie. Un tempérament nerveux, avec un regard fatigué.
La bouche et le menton fermement ciselés contrastent de manière frappante avec l'expression romantique des yeux enfoncés. L'écart suggère une séparation presque complète de la passion et de l'intellect, comme si la pensée et l'émotion étaient chacune isolées dans leur propre sphère par une certaine violence de la volonté. Il y a de la nervosité dans les narines et dans les mains pâles, fines et pointues. Il serait inexact de le qualifier de pittoresque. Le pittoresque ne peut survivre à la Chambre des communes. Mais Vandyck aurait aimé se peindre la tête.]
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