Les heures s’étiraient, interminables, sous le poids de leur marche silencieuse. La forêt s’étendait autour d’elles, sombre et immobile, seulement animée par le bruissement discret du vent dans les branches. La lumière de la lune perçait parfois à travers le feuillage dense, jetant des éclats argentés sur les silhouettes de Layla et Hanna. Mais ni l’une ni l’autre ne semblait prêter attention à la beauté austère du paysage. Une tension invisible, presque palpable, alourdissait l’air entre elles.
Layla marchait en tête, son pas rapide et déterminé trahissant une agitation qu’elle ne voulait pas reconnaître, pas même pour elle-même. Elle se tenait droite, les épaules rigides, comme si chaque mouvement devait témoigner de sa maîtrise d’elle-même. Pourtant, ses pensées étaient loin d’être ordonnées. Les mots de Hanna résonnaient encore dans son esprit, tournant en boucle, refusant de s’effacer : "Tu peux me blesser autant que tu veux, mais ça ne changera rien." Cette phrase, si simple en apparence, semblait avoir trouvé un écho inattendu dans un recoin qu’elle croyait mort en elle.
Elle serra les poings, sentant ses ongles s’enfoncer dans la paume de ses mains gantées. Elle n’aimait pas ce qu’elle ressentait, cette impression d’être mise à nu par un simple regard ou une simple phrase. Cela la rendait furieuse. Pas contre Hanna – enfin, pas uniquement contre Hanna – mais contre elle-même. Contre cette faiblesse qu’elle avait tenté d’éradiquer depuis des siècles et qui, pourtant, persistait à survivre.
Derrière elle, Hanna avançait avec plus de lenteur, son pas moins assuré, mais pas moins déterminé. La douleur à son épaule la lançait à chaque mouvement, mais elle refusait de laisser cela la ralentir davantage. Elle savait que Layla ne lui accorderait aucune pitié si elle montrait des signes de faiblesse – et, plus encore, elle ne voulait pas lui donner cette satisfaction. Pourtant, quelque part au fond d’elle, Hanna ne voyait pas Layla comme une ennemie. Il y avait autre chose sous cette dureté apparente, quelque chose qu’Hanna pouvait presque ressentir, même si elle ne pouvait pas encore le définir.
Alors que le silence se prolongeait, Hanna leva les yeux vers la silhouette de Layla, imposante dans son manteau sombre. Elle hésita, mais finit par se décider. Elle n’était pas du genre à garder ses pensées pour elle.
— Tu sais, dit-elle finalement d’un ton qu’elle voulait détaché, pour quelqu’un qui se vante d’être impassible, tu sembles étrangement tourmentée.
Les mots flottèrent dans l’air, brisant le silence comme une pierre jetée dans une eau immobile. Layla ralentit son pas, mais ne répondit pas tout de suite. Son dos resta tourné, ses épaules tendues. Enfin, elle s’arrêta et tourna légèrement la tête, ses yeux rouges lançant un éclat brillant dans l’ombre.
— Et toi, ange, pour quelqu’un qui prêche la vertu, tu sembles étrangement fascinée par l’obscurité, répliqua-t-elle, sa voix froide mais teintée d’une note presque amusée.
Hanna esquissa un sourire en coin, un sourire qui ne parvint pourtant pas à cacher la fatigue sur son visage. Elle haussa les épaules – du moins autant que sa blessure le lui permettait.
— Peut-être que je me suis lassée de toujours éviter les flammes, répondit-elle calmement. Peut-être que je veux voir jusqu’où elles peuvent brûler.
Cette réplique fit sourire Layla, un sourire froid et calculateur, mais quelque chose dans ses yeux trahissait une émotion plus complexe. Elle se tourna lentement, chaque mouvement chargé d’une maîtrise qui semblait presque féline. En quelques pas, elle réduisit la distance entre elles jusqu’à ne plus se tenir qu’à un souffle d’Hanna. Layla était légèrement plus grande, et l’ange dut lever le menton pour croiser son regard.
— Alors laisse-moi te montrer, murmura Layla, sa voix basse et pleine de menace.
Elle tendit une main, comme pour toucher le visage d’Hanna, mais s’arrêta au dernier moment. Quelque chose dans ses propres gestes sembla la surprendre, et elle recula brusquement. Cette proximité soudaine l’avait perturbée plus qu’elle ne voulait l’admettre. Elle se détourna, reprenant sa marche d’un pas plus rapide, presque précipité.
Hanna resta immobile quelques instants, son cœur battant un peu plus vite qu’elle ne l’aurait voulu. Layla était une énigme, un mélange de danger et de douleur qu’elle ne pouvait s’empêcher de vouloir comprendre. Mais ce jeu, cette tension croissante entre elles, devenait de plus en plus imprévisible, et Hanna n’était pas sûre qu’elle voulait vraiment en connaître l’issue.
Quand elle reprit sa marche, la douleur à son épaule semblait presque secondaire. Ses pensées étaient trop occupées par la figure sombre qui se tenait devant elle, par ce conflit intérieur qu’elle devinait dans chaque mouvement de Layla. Pour une raison qu’Hanna ne comprenait pas encore totalement, elle avait l’impression que leurs destins étaient désormais liés d’une manière qu’aucune d’elles ne pouvait contrôler.
Layla, quant à elle, avançait à grands pas, fuyant autant Hanna que ses propres pensées. Mais ses émotions la rattrapaient. La froideur qu’elle affichait avec tant de ferveur commençait à se fissurer, et cela la terrifiait plus que tout. Pourquoi ce besoin inexplicable de se rapprocher ? Pourquoi cette envie de défier ses propres règles, celles qui l’avaient tenue debout jusqu’ici ?
Elles continuaient leur marche, chacune perdue dans ses propres tourments, chacune portant un poids invisible qui semblait les rapprocher et les éloigner tout à la fois. Une chose était certaine : leur chemin venait de prendre un tournant, et ni l’une ni l’autre ne savait jusqu’où il les mènerait.
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