Chapitre 3 : Les chaînes invisibles

Layla se redressa lentement, essuyant le sang noir qui maculait la lame de sa dague. Sa respiration était encore irrégulière, mais elle affichait un sourire satisfait. L’idée même d’une alliance improbable, qui avait à peine commencé à germer dans les échanges silencieux entre elle et Hanna, l’irritait déjà. Elle méprisait cette faiblesse qu’elle percevait dans l’ange. Une alliance, oui… mais seulement si cela pouvait la servir, et rien de plus.

Hanna, debout à quelques pas, s’efforçait de ne pas vaciller malgré la fatigue qui s’abattait sur elle. La lumière douce qui émanait encore de ses ailes vacillait légèrement, comme une bougie près de s’éteindre. Elle tentait de capter le regard de Layla, mais la démone évitait soigneusement tout contact visuel.

— Nous devrions bouger, dit Hanna finalement, sa voix plus ferme qu’elle ne l’aurait cru. Si d’autres arrivent, ils ne nous laisseront pas le temps de nous reposer.

Layla lui lança un regard glacial, une étincelle de mépris dans ses yeux rouges.

— « Nous » ? répéta-t-elle avec un ricanement. Ne te méprends pas, ange. Ce que tu appelles une alliance, je le vois comme une obligation temporaire. Si tu deviens un poids, je n’hésiterai pas à te laisser derrière.

Hanna déglutit, mais garda le silence. Elle savait que ce n’était pas le moment de riposter. Pourtant, quelque chose en elle lui murmurait que cette haine apparente n’était qu’un masque. Layla elle-même semblait se débattre contre des chaînes invisibles, mais Hanna n’avait pas encore trouvé la clé pour les briser.

Alors qu’elles se mettaient en marche à travers les bois, l’atmosphère pesait lourdement. Chaque craquement de branche, chaque bruissement de feuilles déclenchait un sursaut dans le cœur de Hanna. Layla, elle, avançait comme un prédateur, ses sens aiguisés, sa main toujours prête à dégainer.

Elles atteignirent une clairière où la lumière de la lune éclairait un petit étang. Layla s’arrêta net, scrutant les environs. Quelque chose dans son regard laissait présager une tension nouvelle, mais elle ne partagea aucune de ses inquiétudes avec Hanna.

— Bois, ordonna-t-elle en désignant l’eau de l’étang. Tu sembles sur le point de t’effondrer, et je n’ai pas envie de te porter.

Hanna hésita. Elle savait que Layla ne s’embarrassait pas de tact, mais elle percevait aussi une pointe d’agacement dans sa voix. Ignorant la froideur du ton, elle s’agenouilla près de l’eau et tendit la main, ses doigts effleurant la surface scintillante.

Mais avant qu’elle n’ait pu boire, une douleur fulgurante traversa son épaule. Hanna poussa un cri de surprise et de douleur, se retournant pour voir Layla, la dague encore levée. Du sang s’écoulait doucement de la blessure infligée par la démone.

— Qu’est-ce que tu fais ? s’exclama Hanna, les yeux écarquillés.

Layla la fixa, implacable. Son expression était un mélange de colère et de froideur, comme si elle cherchait à se convaincre elle-même de la nécessité de cet acte.

— Si tu veux survivre, grogna-t-elle, il va falloir que tu apprennes à ressentir plus que de la résignation. À chaque fois que tu te tiens devant moi avec cet air de martyr, ça me donne envie de te briser encore plus. Alors lève-toi. Et montre-moi que tu es capable de te battre, ou reste ici et attends qu’ils viennent te chercher.

Hanna, tremblante, porta une main à sa blessure. La douleur était vive, mais quelque chose de plus profond se réveillait en elle. Une rage sourde, longtemps enfouie, commençait à bouillonner. Pour la première fois, elle releva le menton, défiant le regard de Layla.

— Tu penses que la force vient de la colère, répondit-elle d’une voix faible mais résolue. Mais peut-être qu’un jour, tu réaliseras qu’elle peut venir d’ailleurs.

Layla ne répondit pas. Elle se détourna, avançant vers les arbres comme si rien ne s’était passé. Mais dans ses yeux, une ombre différente s’était glissée – un écho de culpabilité qu’elle ne voulait pas admettre.

Hanna, toujours à genoux, prit une profonde inspiration. Elle savait que ce chemin serait long et dangereux, mais elle n’avait pas encore dit son dernier mot. Pas avec Layla. Pas avec elle-même.

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