Chapitre 15 : La lueur dans les ombres

La nuit étendait son manteau ténébreux sur la chambre, enveloppant chaque recoin d’une quiétude presque irréelle. La bougie posée sur la table basse projetait des ombres dansantes sur les murs, comme si elles se livraient à une chorégraphie silencieuse, rythmée par le crépitement irrégulier de la flamme. La pièce, petite et sobre, semblait isolée du reste du monde, un refuge fragile contre les tempêtes extérieures – et intérieures.

Assise près de la fenêtre, Layla observait l’obscurité au-delà des vitres. Sa silhouette, droite et figée, trahissait une tension qu’elle ne parvenait pas à apaiser. Une main reposait sur le rebord de bois usé, ses doigts tapotant doucement dans un rythme irrégulier, comme si elle cherchait à organiser le chaos dans son esprit. Son visage, partiellement éclairé par la lumière vacillante de la bougie, restait impassible, mais ses yeux rouges, brillants comme deux braises, trahissaient une tempête intérieure.

Hanna, quant à elle, était assise sur le bord du lit, ses mains croisées sur ses genoux. Elle observait Layla avec une patience qui semblait infinie, son regard à la fois serein et perçant. Pourtant, une lueur d’inquiétude dansait dans ses yeux – non pas pour elle-même, mais pour la démone. Elle pouvait sentir le poids invisible qui pesait sur les épaules de Layla, un poids qu’elle ne comprenait pas totalement mais qu’elle était prête à partager.

Le silence, bien que paisible en apparence, était lourd de non-dits. Hanna finit par le briser, sa voix douce se frayant un chemin à travers l’atmosphère dense.

— Tu regrettes, n’est-ce pas ? demanda-t-elle, sans agressivité, mais avec une curiosité sincère.

Layla tourna lentement la tête vers elle, son regard rougeoyant s’accrochant au sien. Elle resta un instant silencieuse, cherchant des mots qu’elle n’avait jamais appris à dire. Finalement, elle se leva d’un mouvement brusque, commençant à arpenter la pièce. Ses pas étaient rapides, presque fébriles, et le léger grincement du plancher rythmait ses pensées tourmentées.

— Ce n’est pas aussi simple, murmura-t-elle, sa voix rauque à peine audible. Rien n’est jamais simple.

Hanna inclina légèrement la tête, ses yeux ne quittant pas Layla. Elle ne répondit pas immédiatement, laissant la démone chercher ses propres mots. Mais lorsque Layla passa une nouvelle fois devant elle, Hanna se redressa légèrement, comme pour capter son attention.

— Rien n’est jamais simple, c’est vrai, concéda-t-elle d’une voix calme. Mais cela ne signifie pas que c’est mauvais.

Layla s’arrêta net, comme figée par ces mots. Elle se retourna lentement, faisant face à Hanna. Ses mâchoires étaient serrées, et ses mains, crispées en poings, trahissaient la lutte intérieure qu’elle menait. Elle inspira profondément, cherchant à contenir l’émotion qui montait en elle.

— Tu ne comprends pas, répliqua-t-elle d’un ton plus ferme, presque dur. Ce que je ressens… ce que je suis... Tout ça, ça finit toujours par détruire. Toujours.

Hanna se leva alors, ses mouvements mesurés et lents, comme si elle s’approchait d’un animal sauvage prêt à fuir. Elle avança de quelques pas, s’arrêtant juste devant Layla. Elle ne la toucha pas tout de suite, respectant cette barrière fragile entre elles.

— Peut-être que c’est vrai, murmura Hanna, son regard plongeant dans celui de Layla. Peut-être que tu penses que c’est tout ce que tu es. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas essayer. Ce n’est pas une raison pour ne pas laisser quelqu’un t’aimer.

Ces mots, simples mais d’une sincérité désarmante, frappèrent Layla de plein fouet. Elle détourna le regard, incapable de soutenir celui d’Hanna. Son souffle s’accéléra légèrement, comme si elle portait un poids qu’elle ne savait plus comment porter.

— Je ne suis pas sûre d’en être capable, avoua-t-elle finalement, sa voix à peine plus forte qu’un murmure.

Hanna fit alors un geste qui, bien que simple, portait en lui une signification immense. Elle tendit une main et posa doucement ses doigts sur l’épaule de Layla. Cette connexion, légère mais tangible, semblait faire taire les murmures incessants de doute dans l’esprit de la démone.

— Alors laisse-moi t’apprendre, dit Hanna d’une voix douce mais ferme. Laisse-moi être à tes côtés, peu importe combien de temps cela prendra.

Layla releva lentement les yeux, plongeant son regard écarlate dans celui d’Hanna. Pour la première fois, elle sentit cette lumière que l’ange portait en elle, une lumière douce mais puissante, qui semblait chasser les ombres les plus profondes de son être.

Elle hocha la tête, un geste presque imperceptible, mais qui portait en lui une promesse silencieuse. Incapable de parler, elle laissa ce silence parler à sa place. Et dans ce moment suspendu, une compréhension naquit entre elles. Une promesse d’espoir, une promesse de rédemption.

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