『 VII Cette main tendue 』

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PDV HOPE

C'est fou comme une forêt peut paraître incroyable lorsqu'elle n'est regardée que par la petite fenêtre du premier étage. Le monde est si grand et pourtant, nous avons parfois l'impression qu'il ne se résume qu'à quatre murs tintés de gris s'alliant entre le foncé et le clair ; il n'y a aucune trace blanche ou noire.

De toute manière, ces deux couleurs n'existent pas dans ma philosophie. Personne n'est que blanc ou noire. Un meurtrier est vu comme quelqu'un d'abominable et possédant une âme aussi noire que Lucifer. Pourtant, je pense que c'est juste une teinte grise tirant plus vers le foncé que le clair. La noirceur ayant obscurcit son cœur se marie avec le blanc de sa jeunesse et ses quelques instants de bonheur afin de se mélanger et former un nuancier comportant toutes les teintes grises existantes. Gris.

Voilà la couleur que je fixe depuis maintenant des heures. Entre les vieux murs de la chambre et l'inquiétant spectacle que le ciel commence à mettre en place depuis les vingt minutes ayant suivi mon réveil, cette couleur ne semble pas vouloir me lâcher. J'ai besoin de réponses. Est-ce que moi, je veux rester vivre chez ces inconnus semblant être de dangereux tueurs ?

Mais je ne peux rien y faire ; quelque chose m'attire dans cette maison.

Lorsque mes yeux se posent sur l'armoire à mes pieds, l'image de mon sac et manteau étant toujours sur la falaise se jette dans mon esprit ; cette fois-ci, j'y vais. D'un geste lent et paresseux, je quitte non sans mal ce lit douillet pour poser mes pieds au sol. Mes jambes tremblent légèrement, j'ai déjà passé plusieurs jours sans manger mais là, je commence à atteindre mes limites.

Au même moment, la porte de la chambre s'ouvre en coup de vent par un Garett visiblement pressé :

   — Réveille-toi Hope, on doit te parler et—, un gargouillement le coupe dans son élan. Woah, c'est ton ventre ce bruit ou le tonnerre ? finit-il en fronçant les sourcils.

Je me contente de hausser les épaules sans répondre, pas même gênée pour le suivre tandis qu'il quitte la pièce aussi vite qu'il y est entré. En arrivant dans le salon, je remarque que Earl, Akke et Mather y sont aussi, dans les canapés et fauteuils en train de discuter tranquillement.

En me voyant, les discussions se coupent directement pour laisser place à un court silence pesant, vite stoppé par Garett. Pendant ce temps, je fais attention à ne surtout pas regarder Mather, ayant trop peur de ce que son intense regard peut faire sur moi :

   — Viens, tu dois manger un truc avant tout, la nourriture c'est sacré ici.

   — Parle pour toi, résonne la voix de Akke plus loin.

Le salon est séparé de la cuisine par un bar accompagné de chaises hautes. Garett me demande gentiment de me placer sur l'une d'entre elles pendant qu'il sort quelque chose du réfrigérateur. Je ne m'y oppose pas, j'ai beaucoup trop faim pour ça. Quelques minutes dans un silence pesant où je n'entendais que le micro-onde tourner, mes yeux regardant l'aiguille de l'horloge tourner et indiquer un peu plus de midi. Heureusement pour moi, les chaises sont dos au salon, je ne peux donc voir les garçons.

   — Tiens, fait Garett en posant un plat de pâtes fumant devant moi avec des couverts et de l'eau.

Je cherche l'ardoise du regard pour le remercier mais ne la trouvant pas, me contente d'un simple hochement de tête significatif. Comprenant ce geste, Garett se munit d'un bloc-notes et d'un stylo qu'il me tend.

« Merci beaucoup. »

En réponse, j'ai le droit à un petit clin d'œil avant qu'il ne parte s'asseoir sur les fauteuils derrière moi. La télévision s'allume dans mon dos mais je n'y prête pas attention, trop occupée à regarder étrangement l'assiette devant moi. C'est une portion énorme, digne de trois jours de nourriture pour moi si j'avais encore été chez mes parents adoptifs.

Comme prévu, je me sens rassasiée en à peine cinq bouchées. Le plat n'a pratiquement pas perdu en contenance et pourtant, cela fait longtemps que je n'ai pas autant mangé. Comme je ne bouge plus et qu'une dizaine de minutes vient de s'écouler, Garett revient vers moi avec un sourire. Mais ce dernier se fane directement lorsque ses yeux se baissent sur mon assiette.

   — Pourquoi tu ne manges pas ? T'aimes pas les pâtes ? me demande-t-il, horrifié.

Je m'empresse de secouer négativement la tête.

« Je n'ai plus faim. »

   — Déjà ? C'est bizarre...

Je me lève, ayant déjà regagné des forces depuis ce matin. Je peux voir les yeux de Garett me sonder de haut en bas, s'attardant sur mes mains, mon coup, la peau qui est découverte par ce gros sweatshirt et ce jogging trop grands pour moi. Puis, son regard s'agrandît, pour retourner vers mon visage, comme s'il venait de réaliser quelque chose.

   — Hope, es-tu une enfant mal—

   — Garett, t'as bientôt fini avec la môme ? le coupe soudainement Mather.

Le concerné sursaute, ne s'attendant visiblement pas à être interrompu. Je remercie intérieurement cet homme, qu'il ait fait ou non exprès, il vient de me sortir d'une question que je n'aurai pas supporté. Sans rien de plus, nous rejoignons donc les garçons devant la télévision de nouveau éteinte. Je m'assois sur un fauteuil vide en ne quittant pas mon regard du sol.

   — Bon, commence Earl. On connaît rien sur toi et finalement, j'ai changé d'avis sur le compte de ma sœur. Je ne te crois pas. Et comme t'as vu Akke tuer un cagoulé hier, on a tous décidé de te tuer. Je dis bien tous, insiste-t-il sur le dernier mot en regardant Garett.

Lorsque je fais de même, ce dernier semble à la fois gêné et désolé, comme s'il s'excusait de vouloir me tuer. Je n'ai pas le temps de réaliser ce qu'il se passe qu'une poigne attrape déjà mes cheveux roux pour me faire me lever, Akke. Je retiens par habitude de montrer ma douleur, je suis habitée à ce que l'on me tire les cheveux, ce n'est rien. Une fois debout tous les deux face à face avec comme spectateurs, Earl, Garett et j'imagine Mather, Akke me lâche enfin pour reculer d'un pas et sortir un revolver de son sweatshirt gris.

   — Tu peux crier ou nous supplier, on changera peut-être d'avis si t'es convaincante, s'amuse Earl en me tendant le bloc-notes de tout à l'heure.

Certes, je ne voulais pas mourir tout de suite, mais je ne compte pas me battre pour survivre. Il y a longtemps que je me suis faite à l'idée que je pourrais ne pas me réveiller une fois évanouie sur le sol de la cuisine, la mort ne me fait plus peur. Donc pour cela, je balaye rapidement l'objet de papier toujours tendu dans les mains du garçon, le faisant tomber au sol pour ensuite foudroyer Earl par la pensée, autorisant mon corps à laisser paraître cette haine envers le frère de ma meilleure amie.

Le regard que je lance en ce moment me fait du bien, il y a tellement longtemps que je ne l'ai plus fait : Le Killer. C'était le nom « pas du tout original » qu'avait trouvé Kerry en me voyant l'utiliser pour la première fois. Elle disait qu'il faisait tellement peur qu'il tuerait un jour quelqu'un.

En repensant à tout ça, une boule se forme dans ma gorge, que je m'empresse de chasser. Je fais le vide dans mon esprit, les deux seules choses pouvant me retenir en vie sont Kerry et mon sac sur la falaise. Comprenant que je ne reverrai jamais ces deux, mon esprit se ferme pour de bon, oubliant presque mon prénom.

Je ne fais pas attention à sa réaction, me contentant d'observer Akke qui lève pour la deuxième fois son arme devant moi. Sauf que cette fois, elle m'est adressée. C'est étrange de se dire que la prochaine balle contenue dans ce revolver sera pour moi. Mes yeux se plongent dans ceux de l'homme en face de moi. Et comme dernière action de mon vivant, je décide de faire un pas vers mon passé.

Ma main droite se pose sur l'arme et l'avance pour coller le canon sur mon front. Tandis que les doigts de l'autre viennent se poser sur les deux de Akke posée sur la détente. Je préfère me suicider que d'être tuée par un inconnu. Nos regards ne se débloquent pas, ses yeux châtain-clair ne quittent pas les miens, même si je vois ses sourcils se froncer.

Et alors que j'inspirais profondément, fermais les yeux et appuyais enfin sur ses doigts, un petit « clic » se fait entendre et l'arme tombe au sol dans un bruit sourd. Quoi ?

Je ne comprends pas, mes bras retombent le long du corps et mes yeux cherchent partout dans la pièce quelque chose pouvant me faire comprendre pourquoi je ne suis pas en ce moment, allongée sur le sol dans une mare de sang et inconsciente. Sous la pression, mes jambes me lâchent et je tombe sur les genoux dans un soupir.

Pour la première fois aujourd'hui, mes yeux se posent sur Mather. Ce dernier m'observe étrangement, intrigué et... impressionné ?

   — Bravo, fait une voix derrière moi.

Sursautant, je tourne la tête pour voir Akke, un sourire sincère aux lèvres et une main tendue dans ma direction, cette fois vide :

   — Tu viens de réussir notre test, bienvenue chez nous Hope !

Oui, ces mots me font peur. Je ne sais pas si cette décision est la bonne, la seule chose m'étant non-inconnue pour l'instant est qu'elle est prise. Et même si je n'arrive pas à sourire, ni à parler, j'ai la forte impression qu'avec eux à mes côtés, je pourrai vivre à nouveau.

Sans aucune hésitation, j'attrape pour la deuxième fois de ma vie, la main que l'on m'a tendue.

❝ Cette route me mènera-t-elle à un feu rouge ? J'ai un peu peur, mais je la prendrai tout de même. Car c'est ça espérer, c'est tenter l'impossible malgré la peur d'échouer. ❞

© 2019-M

∞

Désolée pour ce retard.

À cause de mes cours et devoirs, on prend le rythme d'un chapitre tous les lundis. Pour bien commencer la semaine haha

Alors ce chapitre ?

J'ai beaucoup aimé la fin !

On se revoit dans une semaine,

prenez soin de vous

𝕃𝕠𝕧𝕖 𝕪𝕠𝕦 𝕞𝕠𝕣𝕖 𝕥𝕙𝕒𝕟 𝕚𝕥'𝕤 𝕡𝕠𝕤𝕤𝕚𝕓𝕝𝕖

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