La nuit était tombée depuis des heures. La lune projetait une lumière pâle à travers les rideaux entrouverts, dessinant des motifs laiteux sur les murs de la chambre.
Assise sur son lit, Evana fixait le plafond, les bras croisés sur ses genoux repliés. Le silence l’enveloppait, lourd, presque oppressant. Elle sentait ce genre de vide qui n’a pas besoin de bruit pour faire du bruit. Un vide intérieur, trop familier.
Elle pensait à Jinrai, bien sûr. À ce qu’elle ressentait. À ce qu’elle s’obstinait à vouloir provoquer chez lui. Mais elle pensait aussi à elle. À ce qu’elle devenait dans cette course contre l’indifférence.
— Pourquoi est-ce que j’ai toujours besoin qu’on me regarde ? murmura-t-elle.
Elle se détestait parfois pour ça. Pour cette soif d’attention, cette peur d’être invisible. Même Léo, même ses sœurs, même Anna… Ils disaient l’aimer, mais elle doutait. Toujours. Et avec Jinrai, c’était encore pire. Parce qu’il ne donnait rien. Et qu’elle s’accrochait quand même.
Soudain, un frisson remonta dans son dos. Un souvenir. Flou d’abord, puis brutalement clair.
Elle avait quatorze ans. Anna était déjà partie faire ses études, et elle s’était retrouvée seule à la maison avec ses parents qui ne comprenaient pas ce qu’elle ressentait. Ce soir-là, elle avait explosé.
Elle revoyait la scène.
La chambre en désordre. Les tiroirs arrachés. Les cris. La respiration haletante. Cette sensation de n’être plus qu’une tempête sous une peau trop étroite.
— “Arrête de crier !”
— “Mais je suis là ! Je suis là et vous ne me voyez pas !”
Les mots avaient jailli, bruts, déchirants. Elle s’était effondrée au sol, frappant le plancher de ses poings, incapable de reprendre son souffle.
Ce n’était pas la première crise. Mais celle-ci… celle-ci avait laissé une trace. Parce que c’était ce soir-là que sa mère avait pleuré pour la première fois devant elle.
— “Je ne sais pas comment t’aider, Evana…”
Ces mots l’avaient frappée plus fort que n’importe quelle punition. Elle ne voulait pas être un problème. Juste être aimée.
Elle secoua la tête, chassant le souvenir. Mais il s’accrochait à elle, comme une ombre familière.
— Je vais mieux maintenant, pensa-t-elle. Je contrôle. Je gère.
Mais la vérité, c’est qu’elle ne contrôlait rien du tout. Pas ses émotions. Pas ses sentiments pour Jinrai. Pas cette obsession de vouloir qu’il la regarde comme une femme, et pas comme la petite sœur d’Anna.
Elle soupira, puis se laissa tomber sur le matelas, bras en croix, les yeux ouverts sur l’obscurité du plafond.
— “J’ai envie d’exister autrement…” souffla-t-elle, à personne en particulier.
Mais comment y parvenir quand on est son propre labyrinthe ?
Elle attrapa son téléphone. Pas pour écrire à Jinrai. Pas ce soir. Juste pour relire un vieux message de Léo :
“Peu importe à quel point tu tombes bas, Ev. Tant que tu te relèves, tu gagnes.”
Elle sourit tristement.
— “Alors je vais gagner. Encore une fois.”
Evana lutte contre ses démons intérieurs… Mais combien de fois pourra-t-elle encore se relever sans céder ? Et si l’amour qu’elle cherche devenait le miroir de ses blessures les plus profondes ?
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