L’amitié comme ancrage

— Tu te souviens de la fois où tu as failli te battre pour moi à la fête du lycée ?

Installés sur le tapis du salon, entourés de restes de nourriture à emporter, Evana lança un regard amusé à Léo, recroquevillé sur le canapé, les pieds nus posés sur la table basse.

— “Failli” ? répéta-t-il en arquant un sourcil. J’ai balancé un verre d’eau au visage de ce mec ! C’est moi qui ai fini en retenue, pas toi.

Evana éclata de rire.

— Tu l’avais cherché. Il t’avait juste dit que tes chaussures brillaient trop.

— C’était des bottines en cuir rose fuchsia. C’est un statement, pas un crime.

Ils rirent ensemble, un rire franc, complice. Ce genre de moments entre eux était rare ces derniers temps. Le quotidien, les obligations, les secrets… Tout semblait peser un peu plus lourd sur leurs épaules. Mais ce soir, dans cette bulle de souvenirs et de réconfort, tout redevenait simple.

— Tu m’as toujours défendue, Léo. Même quand je ne méritais pas vraiment. souffla Evana après un petit silence.

Léo la fixa avec douceur, posant sa tête contre le dossier.

— Tu m’as sauvé aussi, Ev. Tu sais que j’étais ce gamin un peu paumé, avec un père absent et une mère débordée. Toi et ta famille, vous m’avez offert un peu de normalité.

Elle hocha la tête, touchée.

— Je crois que c’est pour ça que je n’ai jamais eu besoin de t’expliquer ce que je ressens… Tu as toujours deviné.

— Et je continue de le faire. répondit-il doucement. Tu sais, je suis heureux avec Matt. Vraiment. Mais toi… toi, tu vis toujours entre la lumière et l’ombre. Je te vois te battre, Evana. Et parfois, j’ai peur que tu perdes pied.

Elle baissa les yeux, touchée par la sincérité de son ami.

— Je suis fatiguée, Léo. Fatiguée de courir après quelqu’un qui refuse de regarder derrière lui. Jinrai est comme un mur. Il me laisse entrer un jour, puis me referme la porte au nez le lendemain.

Léo ne dit rien tout de suite. Il tendit simplement la main pour attraper celle d’Evana.

— Et moi, je serai là, à chaque fois que tu frapperas ce mur. Tu le sais, non ?

Elle serra sa main, émue.

— Je le sais. Et j’ai de la chance de t’avoir.

Un moment de silence paisible les enveloppa. Puis, Léo, avec un sourire plein de malice, reprit :

— Par contre, si tu comptes pleurer à nouveau à cause de lui, préviens-moi, que je mette du waterproof.

Evana lui lança un coussin en pleine tête, hilare.

— Crétin.

— Oui, mais ton crétin préféré.

Elle se laissa tomber sur le tapis, les yeux fixés au plafond.

— Tu crois que les choses vont s’arranger, Léo ? Que je vais arrêter de me torturer avec ce que je ressens pour lui ?

Il la rejoignit au sol, posant les mains derrière sa tête.

— Je crois que tu es forte. Et que quand tu décideras que c’est assez, tu sauras te relever. Mais… tu es aussi une passionnée. Et les passionnées, elles tombent fort.

Evana soupira, une demi-sourire aux lèvres.

— Alors j’espère que la chute en vaudra la peine.

— Ou que tu sauras voler. souffla-t-il.

Le silence qui suivit fut doux. Il n’y avait pas de réponse. Juste la chaleur d’une amitié inébranlable, celle qui réconforte quand tout vacille.

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