L’ombre du passé

Levi s’était enfin décidé. Il avait rejeté les avances de l’oméga, mais au fond de lui, il savait qu’il y avait encore une grande partie de lui-même qu’il devait comprendre avant de pouvoir aller de l’avant. Et, bien que la situation avec l’oméga fût désormais réglée, une autre présence persistait dans son esprit : Elio.

Cela faisait plusieurs semaines maintenant que Levi n’avait pas revu Elio. Après leur dernière rencontre, Elio s’était replié encore plus sur lui-même. Leur amitié, ou ce qui en tenait lieu, semblait avoir disparu dans les brumes de leur passé commun. Levi, bien qu’il ait pris ses distances de l’oméga, se sentait toujours enchaîné à cette idée qu’il n’avait pas fini avec Elio.

Un après-midi, alors que le soleil frappait fort, Levi se rendit au marché de la ville, sa journée étant plus calme que d’habitude. Il déambula entre les étals, cherchant des légumes frais pour le dîner, quand il aperçut quelqu’un à l’angle d’une ruelle. C’était Elio. Il se tenait là, seul, son regard plongé dans le vide, les mains enfoncées dans ses poches.

Levi s’arrêta un instant, son cœur battant plus fort. Il avait l’impression que les mois d’isolement d’Elio étaient gravés sur son visage. Ce n’était pas seulement la solitude, c’était comme si chaque moment passé sans émotion l’avait miné un peu plus. Et malgré tout, une partie de lui ressentait une sorte de culpabilité de l’avoir laissé dans cet état, sans jamais prendre le temps de voir comment il allait réellement.

Il se força à avancer, sans trop savoir ce qu’il allait dire. La dernière fois qu’ils s’étaient vus, les choses étaient tendues, et depuis, Levi s’était fait à l’idée que leur relation restait à distance. Mais ce jour-là, quelque chose semblait différent. Il ne savait pas quoi, mais il avait ce besoin de parler à Elio, de vérifier que tout allait bien, même si les circonstances étaient encore floues.

Il s’approcha lentement de lui.

— “Elio…” lança Levi d’une voix hésitante, presque une question.

Elio tourna la tête brusquement. Ses yeux étaient perçants, mais ce n’était pas de la froideur qu’il y avait, c’était plus de l’indifférence. Ses traits étaient marqués, comme s’il portait un fardeau invisible.

— “Levi.” Le ton d’Elio était plat, presque distant. “Tu es loin d’ici.”

Levi haussait un sourcil, pris par surprise. Cela faisait longtemps qu’Elio ne s’était pas montré aussi déconnecté. Ses mots étaient comme un écho du passé, où Elio s’était toujours montré ferme et dominant.

— “J’étais en ville. Je voulais juste voir comment tu allais.”

Elio le fixa un instant, puis détourna le regard. Il y avait un malaise évident entre eux, un silence lourd, un peu gênant, comme si le temps et les non-dits avaient tout obstrué.

— “Je vais bien.” La réponse d’Elio était courte, mais elle ne convainquait pas Levi. Il y avait quelque chose dans son regard, un vide, un abîme qu’il ne pouvait ignorer.

Levi se força à faire un pas de plus. Il n’avait pas l’intention de pousser Elio à parler, mais il ne pouvait pas non plus ignorer ce qui était évident. Il fallait qu’Elio se réveille de cette torpeur. Levi avait l’impression qu’il luttait avec un poids qu’il refusait de partager.

— “Si tu veux qu’on parle, je suis là,” dit-il, plus sincèrement qu’il ne l’avait prévu. “Je ne veux pas que tu te refermes encore plus.”

Un moment de silence s’installa entre eux. Elio, comme s’il pesait chaque mot, sembla hésiter avant de répondre.

— “Je n’ai pas besoin de parler, Levi.” Cette fois-ci, sa voix était plus froide, plus tranchée. Il fixait Levi, mais son regard semblait plus distant que jamais. “Tu sais, je me suis isolé pour une raison.”

Levi sentit la tension monter en lui. Il savait que les événements qui avaient marqué la vie d’Elio n’étaient pas faciles à aborder, mais il n’avait pas l’intention de fuir cette conversation.

— “Je sais, mais ça ne veut pas dire que tu dois tout porter seul.” Levi sentit une touche de frustration dans sa voix. Il ne comprenait pas pourquoi Elio persistait dans ce mutisme.

— “Je ne t’ai pas demandé de m’aider, Levi.” Elio se tourna enfin, croisant ses bras avec un air de défi. “Tu veux m’aider ? Alors va et occupe-toi de ta vie. Ne viens pas ici, à chaque fois, essayer de changer les choses.”

Levi recula d’un pas, l’impression d’avoir touché un point sensible qu’il n’aurait pas dû effleurer. La colère d’Elio n’était pas dirigée contre lui, mais plutôt contre tout ce qui avait causé sa souffrance. Et cela, Levi le savait, ne pouvait être réparé par de simples paroles.

— “Si tu as besoin de moi, tu sais où me trouver,” dit Levi, avant de se détourner lentement, se résignant à ne pas insister.

Il sentit un nœud dans son estomac. Ce qu’Elio venait de dire, tout ce qu’il avait mis sur le tapis, résonnait profondément en lui. Peut-être qu’il y avait encore beaucoup plus qu’il ne voulait admettre, mais pour l’instant, tout ce que Levi pouvait faire, c’était respecter le silence d’Elio.

Et dans la rue animée de la ville, alors qu’il s’éloignait, il savait que la situation était loin d’être résolue. Mais pour la première fois, il acceptait qu’il n’avait pas toutes les réponses.

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