Les Premiers Pas

Chapitre 14

Les jours suivant la réunion étaient emplis d'une étrange tension. L’air semblait plus lourd, comme si le monde entier retenait son souffle, attendant que la première pierre soit posée sur le chemin de la transformation. Clara se réveillait chaque matin avec un mélange d’espoir et d'appréhension, consciente que chaque geste, chaque mot, chaque regard pouvait être celui qui ferait basculer la situation. Elle avait parlé, oui, mais maintenant il était temps d’agir, de s’assurer que les mots se concrétiseraient en réalité.

Les réactions initiales des villageois étaient partagées. Certains l’évitaient, chuchotant dans les coins, préoccupés par les risques impliqués dans ce qu’elle avait proposé. D’autres, plus jeunes et audacieux, semblaient intrigués, prêts à essayer quelque chose de nouveau, mais restaient prudents, observant en silence. La plupart, cependant, demeuraient figés, suspendus entre le désir de changement et la peur d’un échec écrasant. Leurs visages étaient marqués par l’hésitation, comme s’ils attendaient tous un signe, un autre éclair de vérité qui leur donnerait le courage de franchir le pas.

Un matin, Clara se rendit chez l'artisan du village, un homme sage et calme nommé Mathis. Il avait vu passer la plupart des changements dans la vallée, mais il ne se précipitait jamais dans ses décisions. Il choisissait d'observer, d'étudier, avant de prendre la parole. Son avis comptait, et Clara savait que si elle parvenait à le convaincre, d’autres suivraient peut-être.

Mathis sculptait un morceau de bois dans une lumière douce, son regard concentré. Il leva les yeux lorsqu’elle entra, lui offrant un léger sourire, mais ne dit rien.

« Tu es ici pour parler du projet ? » demanda-t-il finalement.

Clara s'assit à côté de lui, observant le mouvement habile de ses mains, la précision de son geste.

« Oui, » répondit-elle. « Je suis venue te demander si tu serais prêt à nous aider. M’aider. »

Il posa son outil et la regarda attentivement, ses yeux bleus profonds comme l'eau d'un lac. On aurait dit qu'il cherchait une vérité cachée dans ses paroles.

« Et quel projet, exactement ? » demanda-t-il après un long silence.

Clara prit une grande inspiration. « Celui qui consiste à ouvrir nos yeux sur ce qui se trouve au-delà de nos peurs. Celui qui consiste à reconstruire ce que nous avons perdu. Faire un premier pas, même petit, vers un avenir incertain. »

Mathis réfléchit un instant. Puis, il hocha lentement la tête.

« Tu sais, Clara, les gens viennent ici chercher des réponses à leurs peurs. Et nous, les anciens, avons toujours cru qu’il valait mieux retenir ces peurs que de les affronter. La sécurité, la stabilité… c’est tout ce que nous avons jamais connu. Mais ça, ce n’est pas vivre. Tu as raison sur un point : survivre, ce n’est pas vivre. »

Clara sentit un éclair d'espoir la traverser. Il ne rejetait pas l’idée. « Alors, tu es prêt à nous aider ? »

« Pas tout de suite, » dit-il en se levant et en s’appuyant sur son établi. « D’abord, il faut voir si le terrain est prêt à accueillir ces changements. Les racines doivent être solides avant qu’on puisse planter les graines. »

Elle le regarda, intriguée. « Que veux-tu dire par là ? »

Mathis sourit légèrement. « Je veux dire qu’il y a un chemin à suivre, Clara. Un chemin où chaque acte doit être réfléchi. La peur, tu vois, ne disparaît pas du jour au lendemain. Elle doit se dissoudre progressivement, comme la brume qui se lève lentement le matin. Nous devons d’abord apprendre aux villageois à regarder leurs peurs en face, puis à apprendre à les apprivoiser. »

Clara réfléchit à ses paroles. Il avait raison. La peur ne disparaîtrait pas instantanément. Il faudrait du temps, de la patience, et un cadre dans lequel chacun pourrait l’affronter à son propre rythme. Elle devait guider les autres, non pas en leur imposant ses idées, mais en marchant à leurs côtés dans leur propre processus.

« D’accord, Mathis. Alors, par où commençons-nous ? » demanda-t-elle, un sentiment de légèreté envahissant son cœur.

Mathis désigna le morceau de bois qu’il avait mis de côté. « Commence par la simplicité. Un premier geste, sans prétention. Un rassemblement, un espace pour partager. Il ne s’agit pas d’imposer un grand bouleversement tout de suite, mais d’inviter les gens à voir qu’il existe autre chose. Tu dois commencer par de petits pas. Par des actions qui ne semblent pas menaçantes. »

Clara hocha la tête, déterminée. « De petits pas. C’est ce qu’il nous faut. Je vais parler au conseil. Peut-être pourrions-nous organiser des rassemblements, de petites réunions où chacun pourrait exprimer ses doutes et ses idées. On commencera par là. »

Mathis hocha la tête. « Oui. Mais n’oublie pas, Clara : il faut du temps pour que la graine prenne racine. Il te faudra être patiente. Et persévérante. »

Elle le regarda, un léger sourire sur les lèvres. « Je suis prête. »

En quittant l'atelier, le vent soufflait doucement, emportant quelques feuilles mortes avec lui. Clara leva les yeux vers le ciel, un ciel d’automne juste effleuré par le soleil levant. Le chemin semblait encore flou, mais pour la première fois, elle se sentait prête à le suivre.

Les premiers pas seraient modestes. Mais le changement était en marche.

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