L'Opposition de Lukas

Chapitre 16

Le lendemain, Clara sentit le poids de sa témérité. En traversant la place du village, elle pouvait sentir les regards furtifs et entendre les murmures qui la suivaient. Le marché, habituellement un endroit où les salutations étaient chaleureuses, s’était transformé en un espace lourd de tension. Au centre de cette inquiétude se tenait Lukas, un fermier influent et respecté.

Lukas était près du stand de légumes, entouré d'un petit groupe de partisans. Sa voix portait au-delà du cercle, suffisamment forte pour que les passants s'arrêtent et l'écoutent.

« Clara pense qu’elle peut tout changer, » dit-il d’un ton grave. « Mais à quel prix ? Elle nous demande de prendre des risques inutiles. De jouer avec notre sécurité, notre stabilité. »

Ses mots résonnèrent dans l’air. Les visages autour de lui, marqués par des années de travail acharné et de vie prudente, exprimaient silencieusement leur accord.

Clara, qui s’était arrêtée à quelques mètres, sentit son estomac se nouer. Elle n’avait pas l’intention de confronter Lukas en public, mais il continua, cette fois en la fixant directement.

« Elle parle de rêves et d’ouverture, mais à quoi bon ouvrir des portes si cela laisse entrer le danger ? Nous avons vu ce qui arrive aux villages qui baissent leur garde : ils disparaissent, engloutis par des promesses vides. »

Un murmure d’approbation parcourut la foule. Clara sentit le poids de leurs regards se tourner vers elle – certains remplis de reproches, d’autres mêlés d’incertitude. Elle baissa les yeux un moment, luttant contre l’envie de répondre immédiatement.

Plus tard, elle chercha refuge dans l’atelier de Mathis, s’effondrant sur un tabouret en bois, épuisée.

« Peut-être que Lukas a raison, » murmura-t-elle, les mains tremblantes. « Peut-être que je vais trop loin. Je voulais les aider, mais tout ce que je fais, c’est semer la discorde. »

Mathis, occupé à polir un morceau de bois, posa son outil et la regarda.

« Lukas incarne la peur, » dit-il d’une voix calme. « Une peur profonde, nourrie par des années de stabilité fragile. Il ne lutte pas contre toi, Clara. Il lutte contre ce qu’il ne peut pas contrôler. »

Clara leva les yeux, cherchant du réconfort dans les paroles du vieux artisan.

« Mais que puis-je faire ? » demanda-t-elle. « Si je me défends, ça ne fera qu’aggraver les choses. Et si je reste silencieuse, ils penseront que j’ai tort. »

Mathis sourit doucement.

« Réagir avec colère ou désespoir ne ferait que prouver que Lukas a raison. Il s’attend à ce que tu répondes, à ce que tu essaies de le convaincre de ton point de vue. Mais Clara, ce que tu dois faire, c’est lui montrer qu’il n’a rien à perdre. »

Elle fronça les sourcils, perplexe.

« Rien à perdre ? »

Mathis hocha la tête, tapotant le bois sur lequel il travaillait.

« Il a peur que tes idées détruisent ce qu’il chérit. Montre-lui que ce n’est pas le cas. Que le changement peut coexister avec ce qu’il valorise. Pas par des mots, mais par des actions. Continue. Organise tes réunions. Implique ceux qui sont prêts. Laisse les résultats parler d’eux-mêmes. »

Clara prit une profonde inspiration. Les paroles de Mathis apaisèrent un peu son tourment, mais elle savait que le défi était loin d’être terminé.

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Le lendemain, elle retourna sur la place du village. Les regards étaient toujours là, et Lukas, fidèle à lui-même, continuait de propager des vues alarmistes. Mais cette fois, Clara ne s’arrêta pas. Elle traversa la foule avec confiance, souriant à ceux qui la saluaient timidement.

Elle savait que convaincre Lukas ne se ferait pas en un jour ni par un seul discours. Mais elle pouvait commencer à montrer, peu à peu, que ses idées n’étaient pas une menace, mais une opportunité.

Dans l’ombre de la peur, elle choisit la patience.

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