L’aube des sentiments.

Point de vue Enzo]

La porte s’était refermée depuis une éternité, et pourtant, chaque tic-tac de l’horloge semblait résonner comme un écho du baiser de Hazel. Dans le silence de son appartement faiblement éclairé, Enzo restait assis sur le rebord de son lit, la joue encore brûlante du contact léger, le cœur battant la chamade.

Il se rappelait la douceur du baiser, l’absence de violence, la délicatesse d’un geste qui venait d’effleurer toutes ses défenses. Depuis des années, il s’était enfermé derrière un mur de contrôle, de froideur, pour se protéger de la douleur et du rejet. Et maintenant, Hazel, par sa présence patiente et ses mots sincères, avait réussi à faire trembler ce mur.

« Pourquoi est-ce que je ressens cela ? » se demandait-il, la voix intérieure tremblante, presque étrangère à son habitude de maîtrise. Ce sentiment d’être à la fois vulnérable et vivant, c’était une sensation nouvelle, et terrifiante. Il se sentait déstabilisé par l’idée même que quelqu’un puisse vouloir voir au-delà de ses façades, s’intéresser véritablement à l’homme qu’il était derrière ses habitudes rigides.

Il se leva lentement et s’avança vers la grande baie vitrée donnant sur la ville encore endormie. Le silence de la nuit contrastait avec la tempête qui faisait rage en lui. Chaque souvenir de son passé, chaque instant où il s’était refermé pour se protéger, se bousculait en lui. Mais, étrangement, cette agitation ne le paralysait pas. Elle éveillait quelque chose qu’il croyait avoir perdu : l’envie de vivre, de ressentir pleinement, même si cela faisait peur.

« Je veux le revoir, » murmura-t-il dans le vide, sans même savoir si cette phrase était un aveu ou un défi. Son esprit revenait inlassablement à ce moment précis où Hazel avait posé ses mots, posé une porte entrouverte dans son existence soigneusement verrouillée.

Pour la première fois depuis longtemps, Enzo envisageait l’idée de prendre un risque, de s’ouvrir, même timidement, à cet inconnu qui avait su trouver ses points faibles. Le doute et la peur se mêlaient à une irrésistible curiosité. Il se surprenait à imaginer les conversations à venir, les instants volés entre le doute et l’espoir.

Il retourna s’asseoir, ses pensées tourbillonnant. Ce n’était pas seulement un désir physique, ni une simple attirance superficielle. C’était une envie d’être vu, d’être reconnu pour ce qu’il était réellement, malgré les cicatrices et les silences du passé.

Alors qu’il s’allongeait dans le lit, le cœur léger et lourd à la fois, il se promit de ne pas laisser cette nuit s’effacer comme une simple lueur dans l’obscurité. Il voulait la retrouver, la redécouvrir, et surtout, découvrir la part de lui-même qu’il avait toujours tenté de dissimuler.

Au petit matin, la lumière pénétrant doucement dans la pièce, Enzo savait que sa vie venait de changer. L’ombre de Hazel planait désormais sur ses pensées, et malgré la peur, il ressentait une force nouvelle l’envahir.

« Demain, je chercherai un signe, » pensa-t-il en fermant les yeux, l’espoir fragile illuminant ses rêves.

Le dîner décisif

[Point de vue Hazel]

Ce soir, l’atmosphère était différente.

Hazel avait réservé une table dans un petit bistrot feutré, loin du tumulte habituel. L’intimité du lieu lui offrait la liberté de parler sans artifice, de déposer enfin le masque qu’il portait depuis si longtemps.

Assis face à Enzo, dont le regard réservé contrastait avec l’éclat de ses yeux dans la lumière tamisée, Hazel sentit ses émotions se bousculer. Il prit une profonde inspiration et déclara :

« Enzo, j’aimerais qu’on passe la soirée ensemble, sans la pression du restaurant… juste nous, pour discuter vraiment. »

Enzo, surpris mais visiblement touché, acquiesça d’un signe discret. Le dîner débuta dans un silence complice, ponctué de petites attentions : un regard échangé sur un plat délicat, un sourire timide lorsqu’un serveur les laissa seuls. Peu à peu, la barrière habituelle s’amincit.

À mi-parcours, alors que les verres de vin se vidaient lentement et que la lumière du bistrot se faisait encore plus douce, Hazel posa sa tasse et, d’une voix basse, plus vulnérable qu’à l’accoutumée, lança :

« Il y a quelque chose que tu devrais savoir sur moi, Enzo… »

Il marqua une pause, cherchant ses mots, le regard fuyant un instant vers la fenêtre avant de revenir sur celui d’Enzo, qui l’invitait silencieusement à continuer.

« J’ai longtemps détesté les omégas. »

Le silence se fit lourd.

« Tu vois, mon ex… c’était une oméga. Et elle m’a brisé, d’une manière que je ne pouvais comprendre. Elle incarnait tout ce que je rejetais : une dépendance, des promesses non tenues, une fragilité que je ne voulais pas partager. »

Les mains d’Hazel tremblaient légèrement – un détail qu’Enzo ne pouvait ignorer.

« Je me suis juré de ne plus jamais laisser un oméga s’immiscer dans ma vie, de ne plus faiblir. »

Un frisson parcourut l’alpha, mêlant colère et douleur. Puis, d’une voix plus douce, presque hésitante :

« Jusqu’à ce soir, avec toi. Tu es différent, Enzo. Tu ne corresponds pas à ce que j’imaginais… et c’est terrifiant. »

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