Le masque fissuré.

Point de vue Hazel]

Le bar était bruyant, mais Hazel avait choisi cette table en retrait. Comme toujours. Il ne supportait plus la foule depuis un moment. Trop d’odeurs, trop de regards. Trop d’ombres du passé.

Face à lui, Joris sirotait sa bière, le regard vissé sur Hazel avec ce petit sourire qui l’agaçait autant qu’il le rassurait.

« Tu vas encore me dire que tu ne couches plus ? » lança-t-il, moqueur.

Hazel leva les yeux au ciel. « Je n’ai pas dit ça. Je couche. Parfois. »

Joris éclata de rire. « Avec autant de conviction qu’un moine sous anxiolytiques. »

Hazel haussa les épaules, indifférent. « Je ne vois plus l’intérêt. Tout le monde joue un rôle. Les omégas veulent être choisis, les alphas veulent contrôler, et les bêtas veulent qu’on les regarde. »

Un silence. Joris pencha légèrement la tête.

« Et toi, tu veux quoi ? »

Hazel répondit sans réfléchir : « La paix. »

Mais au fond de lui, une image s’imposa.

Des yeux gris. Un sourire à peine esquissé. Un oméga qui ne demandait rien, qui ne se vendait pas. Qui restait inaccessible, comme une énigme trop bien gardée.

Enzo.

Joris sembla le sentir, parce qu’il ajouta doucement :

« Depuis quand tu retournes chaque semaine au même resto pour “juste manger” ? »

Hazel ne répondit pas.

Il fixa son verre, la gorge sèche.

Il n’avait pas encore les mots pour l’admettre. Mais il le savait. Enzo, c’était différent.

Et c’est bien ça, le problème.

Flashback : La première fois qui n’a jamais eu lieu

[Point de vue Enzo – 22 ans]

Il faisait chaud ce soir-là. Pas à cause du climat — mais à cause de ce qu’il sentait dans l’air.

Les phéromones. L’envie. L’appel.

Il était allongé dans un lit qui n’était pas le sien, dans une chambre étroite mais accueillante. Le souffle court. La peau brûlante. Il n’avait jamais été aussi proche de se laisser aller.

Lui, l’oméga brillant, froid, impeccable, se retrouvait vulnérable face à Mathis, un alpha plus âgé, plus expérimenté. Ils s’étaient rencontrés lors d’un stage. Mathis avait été doux. Respectueux. Attentif. Enzo, curieusement, s’était senti en sécurité.

Ils s’embrassaient depuis plusieurs minutes. Les vêtements tombaient lentement. L’atmosphère se chargeait. Et pourtant, à chaque baiser, à chaque contact, Enzo sentait une tension intérieure grandir au lieu de se dissiper.

Pas du désir.

De la panique.

Il essaya de l’ignorer. De se convaincre que c’était le bon moment, la bonne personne. Qu’il devait vivre comme les autres. Qu’il avait le droit.

Mais quand Mathis glissa doucement une main sur son ventre, Enzo se crispa. Sa respiration se coupa. Un nœud dans la gorge.

Il recula.

Mathis se figea aussitôt.

« Enzo… ça va ? »

L’oméga mit quelques secondes à répondre. Puis il secoua la tête. Juste un petit mouvement, mais chargé de douleur.

« Je peux pas. »

Mathis ne força pas. Il se contenta d’hocher la tête. Mais le regard qu’il posa sur Enzo… ce regard-là le hanta longtemps.

Un mélange de compassion… et de déception.

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