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Tinaugus, le couturier

Livi ne sut quoi faire dans un premier temps. Elle se serait bien tirée par la porte la plus proche, mais celle-ci menait droit sur le salon où se trouvait les autres, et il n'y avait qu'une fine fenêtre longue en haut du mur dans la pièce, par où elle ne pouvait pas s'échapper. La jeune femme s'enferma finalement dans la chambre en mettant le loquet et s'assis sur le lit. L'endroit de taille moyenne était meublé et de couleur blanche comme le reste du bâtiment.

La situation n'aurait pu être pire. Elle se retrouvait seule, dans un lieu, sans avoir la moindre idée du comment et du pourquoi elle était ici. En fait elle ne se souvenait de pas grand chose et son dernier souvenir remontait à ce petit déjeuner qu'elle avait pris un mardi matin. Pourtant Livi était persuadée qu'aujourd'hui n'était pas mercredi... Et elle ne pensait pas que sa famille s'alarmerait de sa soudaine disparition. Il faut dire que depuis son adolescence, elle avait l'habitude de partir de la maison pour des durées indéterminées, sans compter qu'elle était majeure. En ce moment elle n'arrivait pas à imaginer un quelconque futur, et se demandait même si elle sortirait un jour d'ici. Les vampires étaient des êtres qui vivaient durant des centaines d'années, ceux qui emplissaient cette bâtisse devaient sans doute avoir vécu un siècle, voire plus, si elle en jugeait par leur vêtement. Les vampires étaient particulièrement têtus. Ils faisaient ce dont ils avaient envie, quand il le voulait, puis que ce n'était pas les petits humains qu'ils étaient qui pouvaient les arrêter.

Livi n'avait jamais ressenti ça. Un vide qui lui donnait l'impression de sortir d'un long sommeil. Toutes ces réflexions commencèrent à lui donner mal à la tête, et elle finit par s'endormir à moitié allongé sur le lit.

Son sommeil se fit léger et plutôt reposant, comme si elle récupérait l'énergie qu'elle avait perdue, mais fut abrégé lorsqu'elle ouvrit soudainement les yeux. Sur ces gardes, ces iris mitraillèrent la pièce. Il n'y avait personne, pourtant ses oreilles avaient bien entendu quelque chose. Le bruit d'un cognement de porte fit de nouveau écho, plus fort et plus vif. De pas lents, elle finit par ouvrir, mais se dégagea rapidement de l'entrée, laissant passer le couturier enjoué accompagné de deux femmes portant des sacs. Le vampire prit soin de fermer la porte avant de se retourner vers elle avec un grand sourire.

– Vous ne devinerez jamais sur quoi je suis tombé ! J'en étais tellement content que j'en ai failli perdre mes canines ! Je me suis soudainement souvenu de cette ligne de vêtements que j'avais confectionnée il y a un moment et qui n'avait jamais servi finalement. Essayez-moi tout ça, je suis sûr que ça vous ira, et ça sera bien plus convenable que... Vos vêtements...déballa-t-il d'un ton rapide et euphorique.

Les deux filles qui l'accompagnaient se moquèrent doucement de sa tenue en déposant les sacs au sol. La blonde détailla leur tenue pour le moins victorienne. Ces habits semblaient dater d'il y a plusieurs siècles et lors de sa visite guidée, en compagnie de cette très chère intendante dont elle ne connaissait pas le nom, Livi avait vu qu'elle était la seule à porter un jean. Pour la discrétion elle y repassera, et même si elle avait bien la pensée de ne pas s'éterniser ici, elle jeta un coup d'œil à ces vêtements.

– Allons dépêchez-vous, que je vois si cela vous va.

Lui donnant son dos après quelque seconde d'hésitation, la jeune femme commença à se dévêtir. L'humaine n'était pas vraiment pudique, et elle était convaincue que ce n'était pas le premier corps de femme nu qu'il voyait. Elle demanda tout de même aux deux filles d'étendre un drap pour qu'elle puisse essayer les sous-vêtements en toute tranquillité. Ce vampire avait pensé à tout : aux sous-vêtements, en passant par des maillots de bain, aux pantalons, aux chaussettes, aux t-shirts et même à des robes.

Sans compter qu'il notait tout : ces remarques concernant les paires de chaussettes grattantes, son tour de hanche plutôt important qui lui interdisait d'entrer dans ces jeans taille 38, son antipathie pour les couleurs pastel pour le plus grand bonheur du couturier, son affection pour les chaussures sans talons pour son plus grand désenchantement, ces gouts en matière de bijoux...

Bien que son sourire n'eut rien de maléfique, l'humaine se distança du couturier à chaque fois qu'elle voyait ces canines. D'un geste non réfléchi, elle portait ses mains à son cou. Livi avait sans cesse l'impression qu'il allait y planter ces crocs d'un instant à l'autre ; et comme à chaque fois qu'il la voyait faire ce geste, il éclata de rire.

– Je ne vais pas vous croquer, vous savez. Le roi me ferait enfermer pour bien moins que ça, alors je ne risque pas de le faire, fit Tinaugus en caressant sa moustache.

– Ça c'est vous qui le dîtes. Vos yeux sont devenus rouges, vous ne cessez de vous mordiller la joue et à chaque fois que je prends un linge vous en profitez pour renifler ma peau, rétorqua-t-elle en essayant un bijou.

– Je vous prie alors de m'excuser pour cet embarrassement. Mais votre sang est délicieusement parfumé. N'est-ce pas mesdemoiselles ?

La première rougit sans répondre et continua à ranger les vêtements. La seconde elle, bien plus dégourdie, se lécha la lèvre inférieure.

– Voyons Aramis, un peu de tenue, tu vas la mettre mal à l'aise, rigola le couturier.

Livi ne lâcha pas du regard la deuxième vampire durant le reste de cette activité, bien plus longtemps qu'elle ne l'aurait pensé. En même temps Tinaugus, ainsi était nommé ce vampire au grand sourire, changeait sans cesse d'avis lui faisant essayer toute sorte de combinaison. C'était sans doute la première fois qu'elle essayait autant de vêtements de toute sa vie. Elle enfilait un collant lorsque le son de l'horloge leur fit cesser toute activité. C'était l'heure du repas.

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