chapitre 6

Il s'était assis. Le médecin lui avait laissé un flacon d'anti-douleur, ou devrais-je dire, de drogue forte. Il n'allait pas, mais au moins, il n'avait plus mal. Je suis allé m'asseoir à sa droite et je l'ai doucement serré contre moi. Ses bras m'entourent alors qu'il s'excusait de m'avoir fait aussi peur. Puis, j'ai senti une larme chaude toucher mon épaule. Puis une autre. Il enfouit son visage dans ma chevelure et se laissa pleurer silencieusement. Je n'ai pas su quoi dire. Je l'ai repoussé au bout de quelques minutes et j'ai essuyé ses larmes du revers de la main avant de l'embrasser sur la joue. Il sait que je l'aime, mais il ne sait pas à quel point. 

-Comment tu te sens?

-Pas terrible. J'hallucine des choses, je te vois lorsque tu n'es pas là. J'ai vu un fantôme aussi. Elle m'a approché et m'a enlevé ma douleur… Mais, lorsqu'on y repense, je suis sous de fortes drogues, donc ça n'aide pas à rien.

Il le disait d'un ton à la fois déçu et amusé. Il m'inquiétait. Il avait vu un fantôme. Une jeune fille. La jeune fille du tableau, peut-être. Lorsque je lui demandais à quoi elle ressemblait, ses descriptions correspondaient bien à elle. Mais qui est-elle? 

Il se coucha. Suan avait besoin de repos. Alors je sortis par son balcon et planai doucement au-dessus des jardins. Je cherchais l'endroit où mes malheurs ont commencé. C'est à peu près là que j'ai réalisé que la propriété était beaucoup plus vaste que je ne le pensais. J'y ai trouvé un petit village où plusieurs domestiques s'y promenaient. Possiblement là où ils logeaient et, encore plus loin du palais, ce site maudit apparut. J'atterris sur le sol humide. Il y avait une très grande rétention d'eau. Le sol spongieux et bruyant enfonçait sous mes pieds alors que je me dirigeais sous l'arbre mort. La nature avait repris ce qu'il lui revenait de droit, les rosiers non entretenus depuis des années. La fontaines était à sec, les vignes s'emparaient d'elle. Les dalles de béton, formant de fabuleux motifs, avaient craquées et de l'herbe poussait entre ses joints. Puis, j'ai vu le sang. Il y avait une grande tache de sang, face à la fontaine, là où elles sont mortes. Je m'y suis effondrée, m'efforçant de comprendre un peu mieux qui elle était. Qui était cette petite fille à peine plus âgée que moi. 

Je me suis mise à prier. Je ne sais pas pourquoi, c'est ce que nous faisions lorsque nous venions. Puis, à force, je me suis connectée avec la nature, les plantes étaient sous mon commandement. J'ai remis de l'ordre dans ce jardin, j'ai placé les plantes de façon à retrouver ce luxe d'antan. J'ai ravivé le saule pleureur, j'ai ramené l'eau du terrain à la fontaine, les nénuphars desséchés ont à nouveau fleuri. Bien que ce n'était toujours pas digne du palais, c'était plus esthétique. J'ai aussi concentré une partie de ma magie dans l'eau pour aucune raison. C'était seulement joli de la voir briller de toutes les couleurs.  

Puis, de l'autre côté du mur qui séparait les jardins de la forêt, j'ai détecté des hommes. Des humains. Ils nous entouraient. Ils étaient armés. Je me suis levée et leur pluie de flèches se multiplia et se retourna contre eux. J'en ai maintenant le pouvoir. Les hommes mourants furent retenus au sol par les vignes et leurs hurlements de douleur et de peur me rendaient nostalgique. Ils ont reproduit le passé pour moi. Sauf que j'ai gagné cette fois. J'ai pris la fuite, mes ailes fatiguées d'avoir volé et ma magie épuisée. J'ai couru le plus rapidement possible vers le petit village que j'ai traversé en moins de temps que je ne le croyais, puis j'ai emprunté le sentier menant au château. Tout essoufflé, je me suis précipitée dans la salle du trône où les dirigeants prenaient le thé. 

-Nous sommes encerclés, ai-je lancé sans aucune formalité.

Allan s'est relevé et est sorti le plus vite possible par la terrasse. Il m'a ordonné de rester avec les nobles, mais je ne l'ai pas écouté. Je n'écoutais pas les ordres qu'on me donnait. Je suivais ma raison, pas celle de Nyx, la mienne. Laniel s'est mis à me suivre, lui-même suivi de plusieurs autres gardes. Éventuellement, nous nous sommes rendu de l'autre côté du mur, là où gisait des hommes Nithiens, morts et blessés, attachés par mes vignes. Les flèches que j'avais renvoyé de l'autre côté du mur avaient touché la plupart des hommes qui se tapissaient dans la forêt. Les paladins de l'armée du Lys prirent quelques hommes en otage, d'autres étaient emprisonnés. Les morts étaient retournés à la terre par mes pouvoirs, m'affaiblissant un peu plus.

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