Chapitre 11 : Les Ombres et la Lumière

Les jours passaient, rythmés par la musique qu’Art’héna laissait doucement s’échapper de son âme. Chaque mélodie qu’elle composait semblait ouvrir une nouvelle porte à l’intérieur d’elle-même, révélant des souvenirs, des peurs et des désirs enfouis. Pourtant, une ombre persistait : un sentiment d’inachevé, une question sans réponse qui continuait de peser sur son cœur.

Un soir, alors qu’elle écrivait dans son journal au clair de lune, une phrase s’imposa à elle : *Pourquoi as-tu oublié ?* Ce rêve, bien qu’éphémère, continuait de résonner comme un écho. Qu’avait-elle oublié ? Était-ce un moment précis, une personne, ou une partie d’elle-même qu’elle avait laissée derrière dans sa quête de succès ?

Le lendemain, elle se rendit au marché du village, un endroit animé où les couleurs, les voix et les odeurs se mélangeaient en une harmonie chaotique. Là-bas, elle croisa à nouveau le vieil homme qu’elle avait rencontré près de la rivière.

« Tu cherches encore ? » demanda-t-il avec un sourire énigmatique.

Art’héna hocha la tête. « Il y a une question qui me hante, mais je ne sais pas comment y répondre. »

Le vieil homme l’observa un instant, puis désigna un étal rempli de miroirs artisanaux. « Regarde-toi, mais pas comme tu te vois d’habitude. Regarde au-delà. »

Intriguée, Art’héna s’approcha d’un miroir. Ce n’était qu’un simple cadre de bois entourant une surface polie, mais lorsqu’elle se pencha pour voir son reflet, une étrange sensation l’envahit. Ce n’était pas seulement son visage qu’elle voyait, mais toutes les versions d’elle-même qu’elle avait été : la petite fille curieuse qui chantait sous la pluie, l’adolescente pleine de rêves, la jeune femme qui courait après la reconnaissance.

Un souvenir enfoui refit surface. Elle se revit, enfant, dans un petit jardin derrière la maison de ses parents. Elle tenait une boîte en métal entre ses mains, un trésor qu’elle avait caché. À l’intérieur, il y avait des lettres qu’elle s’écrivait à elle-même, des promesses qu’elle s’était faites.

Art’héna quitta le marché précipitamment, son cœur battant à tout rompre. Était-il possible que cette boîte existe encore ?

De retour chez elle, elle ne put s’empêcher de fouiller dans son sac pour retrouver son journal. Elle y griffonna frénétiquement : *Et si mes réponses étaient là-bas, dans ce jardin oublié ?*

### **Le Retour aux Racines**

Deux jours plus tard, elle reprit la route. Ce voyage était différent. Elle ne fuyait plus ; elle revenait à elle-même. Lorsqu’elle arriva devant l’ancienne maison de son enfance, son cœur se serra. Le jardin était envahi par les mauvaises herbes, mais l’arbre sous lequel elle avait enterré la boîte était toujours là.

Elle s’agenouilla et, avec ses mains, commença à creuser. La terre était dure, mais elle continua, poussée par une force qu’elle ne comprenait pas complètement. Finalement, ses doigts rencontrèrent le métal froid. Essoufflée mais euphorique, elle sortit la boîte et l’ouvrit.

À l’intérieur, elle trouva des lettres jaunies par le temps. Elle en déplia une, écrite dans une écriture maladroite mais familière :

*« À la grande Art’héna du futur,

Si tu lis ceci, promets-moi de ne jamais oublier pourquoi tu aimes la musique. Ce n’est pas pour être célèbre, ni pour être aimée. C’est parce que la musique, c’est ton refuge, ta vérité. Ne laisse jamais le monde te faire oublier qui tu es.

Avec tout mon amour,

Toi, petite fille pleine de rêves. »*

Les larmes montèrent aux yeux d’Art’héna. Cette simple lettre venait de réveiller quelque chose qu’elle avait perdu : la pureté de son amour pour la musique, libre des attentes et des jugements.

Assise dans ce jardin, avec le crépuscule qui baignait tout d’une lumière dorée, elle comprit enfin que ce qu’elle cherchait n’avait jamais été hors d’elle. Ce voyage, ces doutes, ces rencontres, tout l’avait ramenée à cette vérité essentielle : elle devait créer pour elle-même, pour la joie et la paix que cela lui apportait, et non pour satisfaire le regard des autres.

Ce soir-là, Art’héna joua une mélodie sur un vieux clavier qu’elle avait retrouvé dans un coin de la maison. Les notes s’envolèrent dans l’air, pleines d’espoir et de renaissance. C’était la plus belle musique qu’elle ait jamais créée, non parce qu’elle était parfaite, mais parce qu’elle était sincère.

Elle sourit, le cœur enfin apaisé. Une nouvelle phase de sa vie commençait, une phase où elle vivrait non pour atteindre un objectif, mais pour savourer chaque instant, pleinement, authentiquement.

Et pour la première fois depuis longtemps, elle se sentit entière.

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