Chapitre 10 : L'Éveil au Silence

Art’héna quitta la ville à l’aube, un sac léger sur l’épaule, son cœur battant entre l’excitation et l’appréhension. Elle n’avait révélé son projet à personne, pas même à Désiré. Elle savait qu’il comprendrait. Il avait planté la graine de cette quête en elle, mais le voyage devait être le sien.

Le bus cahotait sur les routes bordées de palmiers et de collines, la menant loin de l’agitation de Cotonou. Elle ne savait pas exactement ce qu’elle cherchait, mais chaque kilomètre semblait alléger un peu le poids qu’elle portait. Lorsqu’elle descendit enfin, après des heures de route, elle se retrouva dans un petit village niché au bord d’une rivière paisible. Le bruit du courant et le chant des oiseaux semblaient murmurer des vérités oubliées.

Elle trouva une petite maison en bois à louer, simple mais accueillante, entourée de plantes sauvages. C’était l’endroit parfait pour s’isoler. Pas de réseaux sociaux, pas d’appels incessants, juste le bruit du vent et le temps qui semblait s’écouler différemment. Les premiers jours furent difficiles. Art’héna, habituée à un quotidien surchargé, se sentit rapidement confrontée à un vide oppressant. Elle passait des heures à marcher au bord de l’eau, à contempler les étoiles la nuit, mais son esprit bouillonnait toujours.

Un matin, alors qu’elle s’asseyait près de la rivière, elle rencontra un vieil homme qui pêchait tranquillement. Il portait un large chapeau de paille et avait des gestes précis et lents, comme s’il dansait avec le courant.

« Tu es nouvelle ici, » dit-il d’une voix douce sans détourner les yeux de sa ligne.

Art’héna hocha la tête. Elle était trop fatiguée de ses pensées pour engager une longue conversation.

« Tu as l’air de quelqu’un qui court après quelque chose, mais qui ne sait pas quoi, » ajouta-t-il avec un sourire. Elle haussa un sourcil, légèrement agacée par son intrusion. Mais ses paroles résonnèrent en elle.

« Et vous, qu’est-ce que vous cherchez ici ? » répliqua-t-elle, un brin défensive.

Le vieil homme rit doucement. « Je ne cherche rien. Je suis ici pour être. Le poisson, il vient ou il ne vient pas. Ça n’a pas d’importance. La rivière me parle, même quand elle semble silencieuse. »

Ces mots l’accompagnèrent longtemps après leur échange. Elle commença alors à s’imposer une discipline différente, une discipline du calme. Chaque matin, elle s’asseyait près de la rivière, fermant les yeux, écoutant le bruissement de l’eau et les sons environnants. Peu à peu, une paix qu’elle n’avait jamais connue s’installa. Elle n’avait plus besoin de remplir chaque instant de bruit ou d’action. Elle apprenait à écouter.

C’est alors que les souvenirs commencèrent à affleurer. Des souvenirs d’enfance, de moments oubliés où elle avait ressenti une joie simple et pure, bien avant que la pression des attentes et du succès ne vienne brouiller son chemin. Elle se rappela les heures passées à dessiner seule, les chansons inventées sous les étoiles, et surtout, cet amour pour l’art qui ne dépendait de personne d’autre qu’elle-même.

Une nuit, elle fit un rêve étrange. Elle était dans une salle de concert immense, mais vide. Seule une lumière douce éclairait le piano au centre de la scène. En s’approchant, elle vit son reflet sur les touches noires et blanches, mais ce n’était pas elle qu’elle voyait. C’était une version d’elle-même, plus jeune, insouciante, qui lui souriait.

« Pourquoi as-tu oublié ? » murmura le reflet avant de disparaître.

Lorsqu’elle se réveilla, son cœur battait fort. Elle comprit que ce qu’elle cherchait n’avait jamais été à l’extérieur. Elle avait couru après des rêves imposés, des attentes projetées, oubliant de se reconnecter à la véritable source de son inspiration : elle-même, libre et authentique.

Le lendemain, pour la première fois depuis des années, elle composa une mélodie. Pas pour un concert, pas pour un public, mais simplement pour elle. Les notes coulaient comme la rivière, sans effort, porteuses d’une émotion brute et sincère.

Ce soir-là, en regardant le ciel étoilé, Art’héna sentit quelque chose changer en elle. Ce voyage n’était que le début, mais pour la première fois, elle se sentait prête à affronter son propre reflet, à accepter son imperfection et à embrasser l’inconnu.

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