Chapitre 4 : Une nouvelle amie

Le soleil de l’après-midi baignait le jardin dans une lumière dorée. Léonie, un peu mal à l’aise, s’était laissée guider par Lyra à travers les sentiers fleuris jusqu’à une petite table en fer forgé, ornée d’un service à thé délicat. Lyra semblait rayonnante, heureuse de pouvoir partager ce moment avec elle. De l’autre côté de la table, Cédric se tenait droit, visiblement gêné, mais résolu à ne pas perturber l’échange.

Léonie s’installa avec retenue, consciente que cette rencontre contrevenait à ses propres règles. Pourtant, elle ne pouvait rien refuser à Lyra, dont la détermination à créer un lien d’amitié était désarmante. Peut-être était-ce aussi une manière de s’assurer que sa patiente allait réellement mieux avant de couper définitivement les ponts.

— Merci d’avoir accepté de venir, déclara Lyra avec un sourire sincère en lui tendant une tasse de thé fumant.

Léonie hocha la tête.

— Comment te sens-tu aujourd’hui ? demanda-t-elle, cherchant à ramener la conversation sur un terrain médical.

Lyra fit un petit mouvement de jambes sous la table, comme pour prouver qu’elle gagnait en force chaque jour.

— Beaucoup mieux, grâce à toi, répondit-elle avec une pointe de malice. Mais aujourd’hui, je veux parler de toi, pas de moi.

Léonie se raidit légèrement, mais elle força un sourire, portant sa tasse à ses lèvres pour cacher son trouble.

— Parler de moi n’a rien d’intéressant, assura-t-elle.

Lyra ne semblait pas vouloir lâcher prise.

— Tu es fascinante, murmura-t-elle, presque rêveuse. On dirait que tu viens d’un autre monde. Et je me demande toujours pourquoi quelqu’un d’aussi intelligent et talentueux que toi semble ne pas vouloir attirer l'attention.

Cédric, qui observait la scène, fronça légèrement les sourcils. Il détourna le regard vers le jardin, mais Léonie sentit qu’il prêtait une attention particulière à leurs échanges.

— Comment t’appelles-tu, d’ailleurs ? ajouta Lyra avec un sourire curieux.

Léonie hésita. Elle savait que donner son vrai nom n’était pas une option. Elle s’éclaircit la gorge avant de répondre d’une voix calme :

— Selina. Selina Veyne.

C’était le nom que son frère avait choisi pour elle, une identité fictive qui la protégeait de son passé et de la réputation de Selene Arcaea. Lyra sembla satisfaite de la réponse et hocha la tête.

— Selina, c’est un joli prénom, dit-elle en souriant. Est-ce qu’il y a quelqu’un… de spécial dans ta vie, Selina ?

Léonie s’étrangla presque avec son thé, surprise par la question directe. Elle posa rapidement sa tasse pour éviter de la renverser.

— Lyra, ce n’est pas une question que l’on pose, grogna Cédric, visiblement embarrassé par l’audace de sa sœur.

Cependant, il ne pouvait cacher un certain intérêt. Ses yeux glissèrent furtivement vers Léonie, attendant sa réponse.

Léonie, pourtant, esquissa un sourire poli et maîtrisé, comme pour masquer toute émotion.

— Non, répondit-elle avec douceur. Pas en ce moment. J’ai récemment mis fin à mes fiançailles.

Les mots tombèrent dans un silence presque palpable. Lyra sembla légèrement confuse, comme si elle n’avait pas anticipé une telle réponse. Cédric, de son côté, la fixait avec une intensité qu’elle préféra ignorer.

Léonie se leva lentement, ajustant les manches de son manteau.

— Je suis désolée, mais je dois partir. Merci pour le thé, c’était agréable.

Lyra se redressa vivement, cherchant à retenir son invitée.

— Déjà ? Mais…

Léonie posa une main légère sur l’épaule de la jeune fille.

— Continue tes exercices comme je te l’ai expliqué, Lyra. Tes progrès sont prometteurs.

Lyra acquiesça avec un air légèrement déçu, mais Léonie ne pouvait pas se permettre de rester plus longtemps.

Alors qu’elle s’éloignait du jardin, elle sentit le regard de Cédric la suivre. Quelque chose dans ses yeux semblait différent, comme s’il voyait en elle plus qu’une simple guérisseuse mystérieuse. Mais Léonie n’avait pas l’intention de laisser ces liens s’approfondir.

Elle avait accompli ce qu’elle devait faire. Rien de plus. Rien de moins.

...****************...

Léonie passa la porte imposante de la bibliothèque, espérant retrouver le calme et la solitude nécessaires pour poursuivre ses recherches. La lumière tamisée des sphères lumineuses, le silence apaisant, et l’odeur des livres anciens étaient devenus pour elle une sorte de sanctuaire.

Mais ce jour-là, sa tranquillité fut troublée.

Assis à une table au centre de la pièce, entouré de plusieurs ouvrages ouverts, se trouvait Cédric. Son dos était droit, son regard concentré sur un livre posé devant lui. Il griffonnait des notes sur un carnet, l’air absorbé.

Léonie s’arrêta net, le cœur battant. Elle fronça les sourcils, se demandant ce qu’il faisait ici. Avec Lyra en pleine guérison, il n’avait plus aucune raison de fréquenter la bibliothèque.

Peut-être est-il là pour une autre raison ? pensa-t-elle, tout en essayant de se convaincre qu’elle devait garder ses distances.

Elle décida de l’ignorer, comme si sa présence n’avait aucune importance. Elle choisit une table éloignée, à l’abri des regards, et posa ses affaires. Mais à peine avait-elle sorti un livre qu’elle sentit une présence s’approcher.

— Selina.

La voix grave de Cédric la fit sursauter. Elle releva les yeux et le trouva debout devant elle, une expression indéchiffrable sur le visage.

— Que faites-vous ici ? demanda-t-elle, un peu trop sèchement.

Cédric ne sembla pas s’en formaliser. Il fit un geste vague vers les étagères de livres.

— Vous n’êtes pas la seule à pouvoir chercher des réponses dans les livres, répondit-il calmement.

Léonie pinça les lèvres.

— Votre sœur va mieux, n’est-ce pas ? Il n’y a donc plus rien qui vous oblige à me chercher. De plus l'une des trois règles stipulait clairement...

Cédric haussa légèrement les épaules et prit place en face d’elle sans même attendre la fin de sa phrase.

— Lyra va effectivement mieux, dit-il en croisant les bras. Mais cela ne signifie pas que mes préoccupations se sont envolées.

Léonie sentit une pointe de méfiance monter en elle.

— Qu’est-ce que vous voulez, Cédric ? demanda-t-elle finalement.

Il plongea son regard dans le sien, et elle sentit une étrange intensité dans ses yeux.

— Je veux comprendre, répondit-il doucement.

Elle haussa un sourcil, feignant l’indifférence.

— Comprendre quoi ?

Cédric posa son carnet sur la table et le poussa vers elle. À l’intérieur, elle vit des schémas, des notes détaillées sur les soins qu’elle avait prodigués à Lyra, ainsi que des observations sur les plantes qu’elle utilisait.

— Ces méthodes, ces connaissances… Je veux aussi les connaître.

Léonie haussa un sourcil.

— Vous voulez être mon disciple ? demanda-t-elle avec froideur.

Cédric posa une main ferme sur le carnet, le regard déterminé.

— Non pas vraiment mais vous cachez quelque chose, Selina. Et je ne cherche pas à vous dénoncer ou à vous nuire. Je veux juste… comprendre.

Un silence tendu s’installa entre eux. Léonie réfléchissait à toute vitesse. Elle ne pouvait pas admettre la vérité, mais elle ne pouvait pas non plus prendre le risque de le provoquer davantage.

— Pourquoi cela vous importe-t-il autant ? finit-elle par demander.

Cédric sembla hésiter, comme s’il cherchait ses mots.

— Parce que vous avez sauvé ma sœur, murmura-t-il. Vous avez fait ce que personne d’autre n’a pu faire, et pourtant, vous agissez comme si cela n’avait aucune importance. Je veux savoir pourquoi.

Léonie détourna le regard, incertaine.

— Vous devriez oublier tout ça, Cédric. Je ne suis qu’une étudiante qui passe trop de temps à lire. Rien de plus.

Il serra les poings, mais il n’insista pas.

— Très bien, dit-il finalement en se levant. Mais sachez que je ne suis pas du genre à abandonner.

Il tourna les talons et quitta la bibliothèque, laissant Léonie seule avec ses pensées.

Elle poussa un soupir de soulagement, mais elle ne pouvait nier que l’échange l’avait ébranlée. Cédric posait trop de questions, et elle ne savait pas combien de temps elle pourrait encore protéger son secret.

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