Chapitre 1 : Une Entrée Discrète

Léonie ajusta une dernière fois ses lunettes à monture fine, ces précieuses lunettes magiques offertes par Marcus, son frère aîné. Grâce à elles, ses cheveux noirs de jais et ses yeux violets distinctifs de la famille Arcaea avaient été remplacés par des mèches châtain clair et des iris gris ternes. Une apparence banale qui la protégerait des regards et des jugements.

C’est parfait. Avec ces lunettes et ma fausse identité, personne ne saura que je suis Selene.

Elle inspira profondément avant de franchir les grandes portes de l’Académie d’Hélios. La cour centrale bourdonnait d’activité. Partout autour d’elle, des élèves en uniforme discutaient joyeusement. Cependant, elle ne tarda pas à capter des murmures qui lui firent froid dans le dos.

— Tu as entendu ? Selene Arcaea s’est inscrite cette année.

— Cette arrogante ? Elle va sûrement se ridiculiser.

— Ce serait bien dans son style. Une incapable qui ne fait que dépenser l’argent de son père.

Léonie détourna discrètement le regard et pressa le pas. Ces mots lui rappelaient à quel point Selene, dans le jeu, était perçue comme une figure tragique et méprisable.

Ils ne savent pas que Selene a changé. Mais peut-être est-ce mieux ainsi. Si je pouvais rester anonyme, je pourrais vraiment prendre un nouveau départ.

...****************...

La bibliothèque était son objectif. Cet endroit, rarement fréquenté dans le jeu, avait toujours semblé paisible et sûr. En s’y rendant, elle passa devant des couloirs magnifiquement ornés, des fenêtres à vitraux laissant passer une lumière douce, et des tapisseries qui racontaient les grands exploits des héros du passé.

Quand elle poussa enfin les portes massives de la bibliothèque, elle fut accueillie par une ambiance feutrée. Les étagères massives, débordantes de livres anciens, formaient un labyrinthe. Des sphères lumineuses flottaient au-dessus des tables, baignant l’endroit d’une lueur dorée.

C’est parfait.

Elle s’approcha timidement du bibliothécaire, un vieil homme à l’air sévère mais bienveillant.

— Je cherche des livres sur l’histoire, les sciences naturelles et la magie, dit-elle en baissant légèrement la voix.

Il hocha la tête, lui indiquant une section à l’arrière.

— Vous trouverez ce que vous cherchez là-bas. Prenez tout votre temps.

...****************...

Léonie passa des heures à lire, d’abord des livres d’histoire pour comprendre la chronologie de ce monde. Elle découvrit rapidement que les Arcaea étaient une famille ancienne, respectée autrefois, mais que leur réputation avait décliné. Les alliances politiques, les scandales… Tout cela résonnait étrangement avec l’histoire du jeu qu’elle connaissait.

Mais c’est dans les ouvrages de sciences et de magie qu’elle trouva une découverte encore plus fascinante. En feuilletant un épais grimoire sur les plantes magiques, elle remarqua quelque chose d’étrange.

Ces plantes ressemblent énormément à celles de mon monde. Elles ont les mêmes formes, parfois les mêmes noms, mais ici, elles ne sont classées que dans une seule catégorie : remède ou poison.

Elle fronça les sourcils. Dans son monde, elle avait appris que la frontière entre remède et poison était bien plus floue. Une plante toxique pouvait devenir un antidote ou un traitement efficace si elle était utilisée correctement, comme la digitaline, un poison cardiaque utilisé pour traiter certaines maladies du cœur.

Elle poursuivit sa lecture, de plus en plus perplexe. Les textes semblaient catégoriques. Les propriétés des plantes étaient rigides, figées. Les gens de ce monde ne semblaient pas conscients du potentiel d’un mélange subtil, d’une transformation chimique ou même d’une simple modification de dosage.

Ils ne comprennent pas. Ils pensent qu’une plante est soit bénéfique, soit mortelle, sans se rendre compte qu’un poison peut sauver des vies entre les bonnes mains.

En continuant, elle tomba sur un chapitre dédié à une plante appelée Solis Vitae, une fleur dorée très prisée pour ses propriétés curatives. Selon les textes, cette plante était exclusivement utilisée pour soigner les blessures graves, mais Léonie reconnut immédiatement la fleur comme étant similaire à une espèce de son monde, le millepertuis.

Dans son monde, cette plante pouvait être utilisée pour apaiser les douleurs et les inflammations, mais elle devenait dangereuse lorsqu’elle interagissait avec certains médicaments.

Ils ne savent pas. Personne ici ne semble avoir envisagé de tester les limites de ces plantes. Peut-être que je pourrais faire quelque chose avec ce savoir.

Elle nota soigneusement ses observations dans un carnet qu’elle avait emporté, griffonnant des idées et des recettes potentielles.

Absorbée par ses lectures, Léonie ne remarqua pas les heures passer. Lorsqu’elle releva enfin la tête, les sphères lumineuses avaient diminué en intensité, signalant la fin de la journée.

Un bruit de pas derrière elle la fit sursauter. Le bibliothécaire s’approchait doucement.

— Vous êtes encore là ? demanda-t-il. La bibliothèque va fermer pour la nuit.

Elle referma précipitamment son carnet, gênée.

— Désolée, je n’ai pas vu le temps passer.

Le vieil homme lui sourit légèrement.

— Cela arrive souvent ici. Vous êtes passionnée, c’est rare de nos jours. Mais prenez soin de vous. La connaissance est précieuse, mais elle ne remplace pas un bon repas et une bonne nuit de sommeil.

Elle hocha la tête, touchée par sa gentillesse et rassembla ses affaires.

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Le lendemain matin, Léonie se leva tôt, déterminée à reprendre ses recherches.

Si je continue à explorer les propriétés des plantes ici, je pourrai peut-être comprendre leur vraie utilité.

Alors qu’elle s’installait à une table proche des sections dédiées aux plantes et à la magie, elle sentit un regard pesant. Relevant discrètement la tête, elle aperçut un jeune homme assis à quelques tables de distance, plongé dans une pile de livres. Son allure élégante et son air concentré lui rappela immédiatement qui il était : Cédric Alaric.

Dans le jeu, Cédric était connu pour sa maîtrise des potions et pour être l’un des élèves les plus talentueux de l’Académie. Mais ce qui marquait surtout son personnage, c’était son dévouement à sa petite sœur malade, une quête qui le poussait à rechercher sans relâche un remède pour la guérir.

J’avais complètement oublié qu’il venait souvent ici avant que Rosa ne le sauve. Il est encore au tout début de son arc narratif.

Léonie, décidée à éviter tout contact, s’installa à bonne distance et se replongea dans ses livres. Mais à la périphérie de sa vision, un mouvement attira son attention.

Virevoltant autour de Cédric, une petite créature à l’apparence étrange semblait s’amuser à lui compliquer la tâche. De la taille d’une main, elle avait des ailes translucides, un corps verdoyant rappelant une tige de plante, et des cheveux ressemblant à de fines feuilles.

Qu’est-ce que… ?

Léonie plissa les yeux. Elle ne se souvenait pas d’avoir vu une telle créature dans le jeu. Pourtant, en l’observant de plus près, elle comprit. Cette chose ressemblait étrangement à une représentation animée d’une plante bien connue pour provoquer des troubles du sommeil : l’herbe de l’angoisse nocturne.

Cédric, absorbé dans ses recherches, semblait totalement inconscient de la présence de la petite créature. Celle-ci, en revanche, semblait très consciente de lui. Elle le frappait gentiment de ses minuscules poings sur la joue, tirait ses cheveux, et tapotait ses livres, comme pour attirer son attention.

Malgré elle, Léonie laissa échapper un petit rire.

C’était un son discret, presque inaudible, mais suffisamment fort pour que Cédric lève soudainement les yeux vers elle. Leurs regards se croisèrent, et Léonie sentit son cœur s’accélérer.

Elle détourna rapidement les yeux, feignant de se replonger dans son livre. Mais l’échange avait suffi à éveiller la curiosité de Cédric. Il l’observa un moment avant de retourner à ses lectures.

Gênée et sentant que la situation devenait trop risquée, Léonie referma son livre et se leva précipitamment. Je reviendrai plus tard, quand il ne sera plus là.

...****************...

De retour dans sa chambre, Léonie tenta de chasser la scène de son esprit. Mais ses pensées revenaient sans cesse à la petite créature.

Pourquoi était-elle là ? Et pourquoi Cédric semblait-il incapable de la voir ?

Son regard dériva vers les fleurs qu’elle avait installées à sa fenêtre dès son arrivée. Elles semblaient déjà revivre, leurs couleurs plus vives et leurs pétales plus fermes. Cela l’apaisa légèrement.

Elle cueillit un petit brin de lavande, le glissa dans un sachet qu’elle avait apporté avec elle, et le fourra dans sa poche. L’arôme doux et familier lui apportait toujours un sentiment de réconfort.

...****************...

Quelques heures plus tard, convaincue que Cédric aurait quitté la bibliothèque, Léonie y retourna. Mais en entrant, elle le vit à la même place, la tête posée sur ses bras croisés, profondément endormi.

Des livres étaient encore éparpillés devant lui, et la petite créature était toujours là. Mais cette fois, elle semblait moins agitée. Elle flottait doucement autour de Cédric, inspectant ses traits endormis, avant de tourner son attention vers Léonie.

Leur regard se croisa, et Léonie eut un frisson. La créature semblait étrangement consciente, bien plus qu’un simple esprit de plante. Elle la fixa un moment, puis, dans un mouvement brusque, se précipita vers elle.

Avant que Léonie ne puisse réagir, la créature se glissa dans sa poche et commença à tirer le sachet de lavande.

— Sérieusement ? murmura-t-elle, agacée.

La créature semblait fascinée par l’arôme et ne semblait pas vouloir lâcher prise. Léonie, exaspérée, sortit le sachet et le posa doucement sur la table près de Cédric. La petite chose virevolta joyeusement autour du sachet avant de se poser dessus, comme si elle s’en nourrissait.

Elle observa la scène un instant, puis se tourna vers Cédric. Il semblait complètement épuisé, des cernes marquant son visage. Il travaille trop pour sa sœur. C’est typique de lui.

Elle hésita, puis décida de ne pas intervenir davantage. Elle récupéra un livre rapidement et quitta la bibliothèque sur la pointe des pieds.

...****************...

Sur le chemin du retour, Léonie réfléchissait à ce qu’elle avait vu. La créature, Cédric, et cette étrange interaction avec son sachet de lavande…

Était-ce une partie du pouvoir de Selene ?

Elle serra son carnet contre elle. Si elle pouvait percer ce mystère, cela pourrait l’aider dans ses propres recherches.

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