Fiançailles Inattendues” (뜻밖의 약혼)

Fiançailles Inattendues” (뜻밖의 약혼)

Chapitre 1: Le pacte de porcelaine

La pluie fine de Séoul enveloppait la résidence des Han d'un voile de bruine scintillante, transformant les lumières des fenêtres immenses en taches dorées et floues. À l'intérieur, dans le bureau qui ressemblait plus à une galerie d'art qu'à un lieu de travail, l'atmosphère était aussi froide et lisse que le marbre blanc du sol. Han Ji-eun se tenait debout devant la baie vitrée, contemplant sans les voir les jardins méticuleusement entretenus où les gouttes d'eau accrochaient des perles aux feuilles des ginkgos. Son reflet dans la vitre lui renvoyait l'image d'une étrangère : une jeune femme vêtue d'une robe de soie ivoire toute simple, d'un prix pourtant exorbitant, les cheveux noirs coiffés en un chignon bas et parfait qui lui tirait la peau des tempes. C'était une tenue choisie par sa mère pour « paraître sobrement élégante ». Chaque fil de soie lui semblait être un lien qui l'entravait.

Son père, Han Sung-woo, était assis derrière son immense bureau en bois de rose, les doigts joints en pyramide. Il ne regardait pas sa fille, mais fixait un point au-delà de son épaule, comme s'il négociait avec un partenaire invisible.

— Ji-eun-ah, commença-t-il d'une voix qu'il s'efforçait de rendre neutre, mais que la tension rendait rauque. Tu sais que ta mère et moi ne souhaitons que ton bonheur.

Elle ne répondit pas, continuant à fixer son propre reflet. Le bonheur. Un mot si souvent brandi comme un étendard pour justifier l'injustifiable.

— La situation… la situation est plus complexe que ce que tu peux imaginer, poursuivit-il. Han Industries traverse une période délicate. Une opportunité se présente. Une alliance. Une consolidation.

Il marqua une pause, cherchant ses mots avec la maladresse d'un homme habitué à commander, non à expliquer.

— Avec les Kang.

Les deux mots tombèrent dans le silence de la pièce comme des pierres dans un puits. Ji-eun sentit un frisson lui parcourir l'échine. Les Kang. Kang Enterprises. Le seul conglomérat dont la puissance et l'influence rivalisaient, et selon certains dépassaient désormais, celles de Han Industries. Leurs relations étaient un mélange toxique de coopération forcée et de rivalité acharnée.

— Une alliance ? répéta-t-elle enfin, sa voix à peine plus qu'un souffle. Quel genre d'alliance ?

Sa mère, Kim Soo-jin, assise sur un canapé en cuir, se racla la gorge. Son parfum floral et lourd, un mélange de rose et de patchouli, envahit l'espace entre eux.

— Le genre d'alliance le plus solide qui soit, ma chérie. Celle qui unit deux familles. Deux sangs.

Ji-eun se retourna lentement, le cœur battant à se rompre. Elle regarda son père, puis sa mère, cherchant dans leurs yeux une lueur de plaisanterie, une étincelle de remords. Elle n'y trouva que de la détermination et, dans le regard de son père, une lassitude qu'elle n'avait jamais vue auparavant.

— Vous voulez… me marier ? À qui ?

— À Kang Min-ho, lâcha son père, détournant enfin les yeux vers un dossier posé sur son bureau. L'héritier.

Le monde de Ji-eun bascula. Kang Min-ho. Elle l'avait croisé, une fois, lors d'une vente de charité il y avait deux ans. Il n'avait pas prononcé trois mots de la soirée. Il se tenait droit, impassible, un verre de champagne vide à la main, observant la foule avec des yeux si noirs et si froids qu'ils semblaient absorber la lumière. On disait de lui qu'il était un génie des affaires, impitoyable, dévoué corps et âme à l'empire familial. L'antithèse absolue de tout ce qu'elle était, de tout ce qu'elle rêvait d'être. Elle, qui rêvait de couleurs, de toiles, de voyages improvisés et de rires libres. Lui, qui n'était que chiffres, stratégies et devoir.

— Non, murmura-t-elle. Non, vous ne pouvez pas faire ça.

— Nous le pouvons, et nous le devons, rétorqua sa mère, sa voix devenue tranchante comme une lame. Tu as vingt-quatre ans, Ji-eun. Il est temps de comprendre que le nom que tu portes n'est pas qu'un privilège, c'est une responsabilité. Ta vie n'a jamais été que la tienne. Elle appartient à Han Industries.

— Je suis votre fille, pas un actif à négocier ! s'écria-t-elle, la colère et la peur lui donnant enfin de la force.

— Justement ! tonna son père en frappant le bureau du plat de la main. Tu es notre fille ! Et en tant que telle, tu as le devoir de nous aider à protéger tout ce que nos ancêtres ont bâti. Sans cette alliance, tout pourrait s'effondrer. Des milliers d'emplois, la réputation de la famille, tout !

Il se leva, contournant son bureau pour se rapprocher d'elle. Son visage, d'ordinaire si impénétrable, était marqué par une anxiété qui glaça le sang de Ji-eun.

— Il y a des choses que tu ne sais pas, Ji-eun. Des pressions, des dettes… des requins qui tournent autour de nous. Les Kang sont la seule planche de salut. Leur stabilité, leur liquidité… et le mariage de leurs héritiers est le gage de confiance que le marché attend. C'est plus qu'une union, c'est une opération de sauvetage.

Les larmes montèrent aux yeux de Ji-eun, mais elle les refoula farouchement. Elle ne leur donnerait pas cette satisfaction. Elle sentait le sol se dérober sous ses pieds, les murs de sa vie dorée se refermer sur elle comme une prison.

— Et lui ? Kang Min-ho ? Il accepte cela ? De se marier avec une inconnue pour le bien des affaires ?

— Bien sûr, dit sa mère en ajustant la bretelle de sa robe. C'est un homme raisonnable. Il comprend ses responsabilités.

Un homme raisonnable. La formule était sinistre. Elle imagina un partenariat de raison, une vie de devoir et de froideur. Elle regarda son carnet de croquis, posé négligemment sur une table basse, rempli de ses rêves en couleurs. Face à lui, il semblait dérisoire, fragile, honteux presque.

— J'ai… J'ai besoin d'air, balbutia-t-elle.

Sans attendre de réponse, elle tourna les talons et quitta la pièce, traversant les immenses couloirs de la demeure familiale comme une somnambule. Le château qui avait été son refuge devenait soudain son cachot.

---

De l'autre côté de la ville, dans un bureau aux lignes épurées et au design minimaliste qui dominait le quartier de Gangnam, Kang Min-ho écoutait son propre père, Kang Joon-ho, lui exposer la même situation. Mais le ton était différent. Ici, il n'était pas question de sauvetage, mais de conquête.

— C'est l'opportunité que nous attendions, disait le vieil homme, la voix empreinte d'une autorité qui n'admettait pas la discussion. Han Industries est vulnérable. Le vieux Sung-woo a fait de mauvais paris, il est surendetté. Cette alliance nous permet de les absorber en douceur, de consolider notre position de leader sans déclencher de guerre ouverte. C'est élégant. Efficace.

Min-ho était assis, parfaitement droit, les mains posées à plat sur ses genoux. Son visage était un masque de neutralité. Il avait été élevé pour cela. Pour écouter, analyser, et exécuter. Les émotions étaient une variable à contrôler, un risque inutile.

— Je comprends, père.

— La fille, Han Ji-eun… elle est jeune, jolie, d'une bonne éducation. Un peu… rêveuse, d'après ce qu'on me rapporte. Mais ça se tassera. L'important, c'est le sang. Le nom. Tu la rencontreras demain soir. Le dîner est arrangé au « Ciel Étoilé ».

Min-ho hocha imperceptiblement la tête. Le « Ciel Étoilé ». Le restaurant le plus exclusif et le plus protocolaire de Séoul. L'endroit parfait pour une transaction de cette nature.

— Bien. Dois-je me renseigner davantage sur elle ?

— À quoi bon ? rétorqua son père avec un petit rire sec. Tu connais l'essentiel. Son pedigree et sa dot. Le reste est accessoire. Souviens-toi, Min-ho, le cœur est un caprice. L'héritage, lui, est éternel.

Cette phrase résonna en lui. Elle résumait toute la philosophie de son père. Il avait vu ce que « les caprices du cœur » avaient fait à sa mère, une femme mélancolique et fragile, brisée par la froideur d'un mariage d'intérêt. Il s'était juré de ne jamais se laisser dominer par de telles faiblesses.

— Je m'en souviendrai, dit-il d'une voix égale.

— Bien. Ne les déçois pas, mais ne montre pas trop d'enthousiasme non plus. Il faut qu'ils comprennent que c'est nous qui tenons la corde. C'est toi qui fais le sacrifice en acceptant cette union.

Min-ho se leva et s'inclina légèrement.

— Comme vous voulez.

Il quitta le bureau de son père, traversant les open spaces silencieux de Kang Enterprises. Par la baie vitrée de l'ascenseur, il voyait la ville s'étendre à ses pieds, un tapis de lumières et de puissance. Bientôt, une part plus importante de tout cela lui appartiendrait. Han Industries serait la pièce maîtresse de son héritage. Han Ji-eun n'était que le vecteur de cette acquisition. Un joli visage à exhiber lors des galas, un nom à inscrire sur les registres. Il ressentit une étrange sensation, un pincement au creux de l'estomac qu'il identifia immédiatement comme de l'appréhension et qu'il s'empressa d'étouffer. Il n'y avait pas de place pour l'appréhension. Seulement pour la stratégie.

---

La soirée au « Ciel Étoilé » fut un chef-d'œuvre de malaise dissimulé sous une fine couche de civilité. Ji-eun portait une robe turquoise qui lui serrait la taille et dont la soie crissait à chacun de ses mouvements, un bruit qu'elle trouvait insupportable. Ses parents étaient raides, souriants, mais leurs yeux ne souriaient pas. De l'autre côté de la table, Kang Joon-ho affichait une jovialité dominateur, tandis que sa femme, une femme élégante au regard triste, restait silencieuse.

Et il y avait lui. Kang Min-ho.

Il était encore plus impressionnant en personne. Vêtu d'un costume sombre qui épousait ses épaules larges, il était d'une correction impeccable. Il se leva à son arrivée, lui adressa une légère inclination de tête, et lui tint sa chaise avec une froide courtoisie. Leurs doigts ne se frôlèrent même pas.

— Enchanté de faire enfin votre connaissance, Han Ji-eun-ssi, dit-il d'une voix basse et posée.

— De même, Kang Min-ho-ssi, répondit-elle, espérant que sa voix ne tremblait pas.

Pendant le dîner, la conversation tourna autour de sujets anodins : la météo, l'ouverture prochaine d'une exposition, les performances boursières (évidemment). Min-ho parlait peu, mais quand il le faisait, c'était avec une économie de mots et une précision qui en disaient long sur son esprit analytique. Il ne la regardait pas vraiment. Son regard effleurait son visage, puis se posait sur son père, sur le sien, sur son verre, comme s'il évaluait chaque élément de la scène.

À un moment, alors que leurs parents étaient absorbés dans une discussion sur les taux d'intérêt, Ji-eun tenta de briser la glace.

— On dit que vous êtes un passionné d'échecs, Kang Min-ho-ssi ?

Il tourna vers elle son regard noir, et elle frissonna. C'était comme être scrutée par un prédateur.

— C'est un jeu qui enseigne la patience et la stratégie, répondit-il. Des qualités indispensables.

— Je préfère la peinture, moi. Elle enseigne la liberté et l'émotion.

Un minuscule sourire, qui n'atteignit pas ses yeux, effleura ses lèvres.

— Des qualités… moins quantifiables.

Le message était clair. Leurs mondes n'avaient aucun point de contact. Elle se sentit soudain ridicule, une enfant qui tentait de discuter de poésie avec un général en pleine guerre.

À la fin de la soirée, alors qu'ils se tenaient sous le porche, attendant que les voitures soient amenées, Min-ho se tourna vers elle.

— Il a été décidé, pour faciliter… notre rapprochement, que nous emménagerions ensemble dans un appartement. Après les fiançailles officielles, bien sûr.

Ji-eun sentit son estomac se serrer.

— Ensemble ? Mais…

— C'est la volonté de nos familles, coupa-t-il, comme si cela mettait un point final à toute discussion. Ce sera plus simple ainsi.

Sa voiture, une berline noire et silencieuse, s'arrêta devant eux. Il s'inclina une dernière fois.

— Bonne nuit, Han Ji-eun-ssi.

— Bonne nuit, murmura-t-elle.

Elle le regarda monter dans la voiture et partir sans un regard en arrière. La pluie s'était arrêtée, laissant l'air froid et humide. Elle se sentait plus seule qu'elle ne l'avait jamais été. Le pacte était scellé. Sa vie venait de basculer, et l'homme qui en deviendrait le centre était un étranger aussi froid et lointain qu'une étoile.

Télécharger maintenant

Aimez-vous ce travail ? Téléchargez l'application et vos enregistrements de lecture ne seront pas perdus
Télécharger maintenant

Bien-être

Les nouveaux utilisateurs peuvent télécharger l'application pour débloquer 10 chapitres gratuitement.

Recevoir
NovelToon
Ouvrir la porte d'un autre monde
Veuillez télécharger l'application MangaToon pour plus d'opérations!