Stupid Love

Stupid Love

Chapitre 1: Fils invisibles.

Kyoto — Fin d’après-midi. Une pluie fine glisse lentement sur les toits, comme si le ciel lui-même cherchait à broder une histoire silencieuse.

Dans un petit atelier discret, niché entre deux ruelles tranquilles, les aiguilles chantaient plus que les voix. Le cliquetis des ciseaux, le froissement des tissus, le souffle à peine audible d’une jeune couturière concentrée... Tout cela formait une douce symphonie domestique.

Soraya Kazuki, 20 ans, les cheveux sombres retenus en un chignon lâche, le regard calme mais un peu ailleurs, tirait lentement un fil entre ses doigts fins.

> « Celui-ci est pour la manche droite… Et celui-là pour l’ourlet. »

Elle parlait rarement à voix haute, mais ses pensées, elles, formaient un tumulte constant. Comme un tissu trop froissé qu’on n’arrive jamais à plier correctement.

Autour d’elle, les murs étaient couverts de croquis accrochés par des pinces, des échantillons de tissus suspendus ici et là, et une vieille radio en coin diffusait un jazz étouffé, presque fantomatique.

Madame Kujo, la propriétaire de l’atelier — une femme d’âge mûr, au regard sévère mais au cœur tendre — passa la tête par la porte.

— Soraya ? Tu travailles encore sur la commande de la boutique d'Asakusa ?

— Oui, il me reste juste à finir les boutons… répondit-elle, esquissant un sourire poli.

Madame Kujo hocha la tête. Elle connaissait ce sourire-là : cousu de silence, comme une robe trop serrée sur un cœur trop rempli.

— Tu sais que c'est la pause ? Pourquoi tu ne vas pas te reposer ?

— Le plus tôt j'aurai fini ces vêtements, le mieux ce sera, répondit Soraya sans lever les yeux.

— Je sais bien, soupira Madame Kujo. Mais tu devrais aussi penser à te reposer. C'est tout aussi important.

— Je vous remercie de vous inquiéter pour moi, Madame Kujo. Je me permettrai de me reposer dès que j’en aurai fini avec cette commande.

La patronne s’approcha, posant une main légère sur l’épaule de Soraya avec une douceur rare.

— Soraya… tu dois te souvenir d’un truc.

— Euh…

— Ici, nous formons tous une grande famille. Tu ne devrais pas rester seule dans ton coin, ou encore nous cacher ce que tu ressens.

Ces mots glissèrent comme une aiguille directement dans le cœur de Soraya. Puis Madame Kujo ajouta :

— Si tu trouves ça trop gênant de m’en parler, tu peux toujours discuter avec Sae. J’ai remarqué que vous étiez devenues très proches.

— Vous avez raison… répondit-elle, un peu troublée. C’est vrai que Sae est devenue une amie très proche. Je l’aime beaucoup.

Madame Kujo sourit avec satisfaction, puis se redressa doucement.

— Bien. Je vais te laisser continuer ce que tu faisais. Mais n’oublie pas de te reposer.

Une fois seule, Soraya attrapa son téléphone du bout des doigts. L’écran s’illumina.

> Nouvelle vidéo — Night Sketch – Live session Tokyo.

Elle fixa la notification pendant quelques secondes… puis éteignit l’écran. C’est à cet instant que la porte s’ouvrit.

— Soraya !!! s’écria une voix joyeuse.

— Sae !! répondit-elle en sursautant. Tu m’as fait peur.

— Désolée ! Mais tu n’étais plus parmi nous, alors j’ai décidé de te faire atterrir !

— Ah oui, vraiment ? Désolée… J’étais absorbée par mon travail. Je ne t’ai même pas entendue arriver.

— Je peux le constater, fit Sae en croisant les bras. Ça te dit de venir manger avec moi ?

— Pas aujourd’hui, Sae. refusa-t-elle poliment. J’ai encore beaucoup de travail.

— Arrête un peu ton char ! lança Sae. Je suis sûre que tu restes dans ton coin pour réfléchir… encore à Naoki.

— Quoi !!? s’écria Soraya en rougissant. Mais pas du tout ! Je me concentre sur mon travail, vraiment !

— Très bien, si tu ne veux pas venir avec moi...

Sae ouvrit alors un sac qu’elle tenait dans la main, et sortit deux boîtes de bento.

— C’est le repas qui viendra à toi.

Soraya resta figée.

— Tu as ramené ça pour moi ?

— Bien sûr, répondit Sae avec un grand sourire. Tu ne pensais quand même pas que j’allais te laisser mourir de faim et te tuer au travail ?

Soraya, touchée, sourit doucement. Son cœur s’allégea. Elle céda.

— D’accord, Sae. Tu as gagné. Je vais manger avec toi.

— Superbe !! 🤩🤩 s’exclama Sae en sautillant.

Elles s’installèrent sur un coin de table, dans une bulle de chaleur simple. Tandis qu’elles mangeaient, Sae lança, la bouche à moitié pleine :

— Dis, Soraya… tu as vu la nouvelle notification sur le groupe de Naoki ?

— Oui… je l’ai vue. répondit-elle en détournant le regard.

— Alors tu l’as vue aussi, hein ? la taquina Sae.

— Qu’est-ce que tu racontes encore… Bien sûr que je l’ai vue, c’est tout à fait normal.

— Arrête de faire semblant. Tu as encore des sentiments pour lui, ça se voit !

— Mais non, pas du tout… Je… je suis juste une très bonne amie pour lui. Rien… rien d’autre. bredouilla Soraya en rougissant.

— Mais oui, c’est ça… Tu devrais lui dire ce que tu ressens.

— Ça ne servirait à rien. dit Soraya en baissant les yeux. Il a déjà une copine. Ils sont très heureux ensemble.

— C’est vraiment dommage. Il ne sait pas ce qu’il a perdu, celui-là.

— ...

— Tu es une fille géniale, Soraya. Mais ton seul problème, c’est que tu n’arrives pas à dire clairement tes sentiments.

— Je ferai de mon mieux… Mais pour l’instant, il est déjà pris. Je ne peux rien y faire.

— Oh…

— Tant qu’il est heureux, ça suffit à mon bonheur, ajouta-t-elle avec un sourire timide.

— Eh bien toi, tu ne changeras jamais, soupira Sae.

— ...

— Bon ! relança-t-elle. Et si on regardait ce concert ensemble ?

Soraya hésita, mais finit par attraper son téléphone. Elle ouvrit l’application, cliqua sur la vidéo.

— Regarde… Ça vient de commencer, murmura Sae.

La musique débuta. Guitare électrique. Lumières bleues. Et puis... sa voix.

Naoki Fujimura.

Son cœur bondit, irrégulier, pris par surprise.

Sur l’écran, il avait laissé pousser ses cheveux. Il souriait timidement avant de chanter. La caméra glissait sur ses doigts effleurant les cordes. Elle les connaissait presque mieux que les siens.

> « Il est devenu encore plus doué… »

— Regarde ça, Soraya ! s’exclama Sae. Tu as vu ? Miyabi chante trop bien ! Et Toma, Renji, et bien sûr… Naoki.

Elle hocha la tête, le regard perdu dans l’image. Ils étaient tous là. Une image d’un passé lumineux… mais qui avait grandi sans elle.

Elles regardèrent la vidéo jusqu’à la fin. Soraya, silencieuse, ressentait une fierté profonde. Malgré la douleur, elle était heureuse pour eux.

Des heures plus tard, Sae retourna à son poste. Soraya, elle, tenta de reprendre le fil de son travail… en vain.

Ses pensées étaient noyées dans la voix de Naoki.

Elle attrapa de nouveau son téléphone, retourna sur la vidéo. Un simple tapotement. Elle la relança… puis, soudainement, coupa le son, retourna l’écran, et soupira.

> « Idiote. Tu fais quoi ? »

Ses doigts tremblaient. Elle avait cousu une couture de travers. Elle ferma les yeux.

Elle aurait pu lui écrire. “Comment tu vas ?” ou “J’ai vu ta vidéo, elle était belle.”

Mais non. Elle ne le ferait pas.

Au lieu de ça, elle rangea tout, puis alla s’asseoir près de la fenêtre embuée. Un petit tabouret qu’elle aimait. Elle sortit un carnet usé, couvert de taches de thé.

Elle l’ouvrit à une page précise.

Un croquis. Un costume de scène. Une veste asymétrique, avec des broderies argentées.

En haut, griffonné à l’encre violette :

> « Pour Naoki — quand il deviendra une star. »

Elle passa lentement le doigt sur l’inscription.

Et sourit. Tristement.

> "Tu ne le sauras jamais, hein ? Que j’ai cousu mes sentiments dans chaque fil. Que je t’ai attendu, même de loin."

Une vibration douce. L’alarme du soir.

Elle referma le carnet, éteignit les lumières, et sortit.

La pluie avait cessé. Mais son cœur, lui, restait trempé.

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