Chapitre 5:Un bruit dans la nuit.

Kyoto – Fin de soirée.

Le ciel est bas, chargé de nuages sombres, comme s’il pressentait le drame à venir. Dans les ruelles paisibles de Kyoto, les lampadaires jettent une lumière blafarde sur les pavés humides. La ville s’assoupit lentement. Seul un petit atelier de couture, niché dans un coin discret, semble encore éveillé.

À l’intérieur, la lumière jaune des néons éclaire des étoffes rangées avec soin, des mannequins muets, des bobines de fil multicolores.

Soraya, concentrée, termine les derniers points d’une robe à sa machine à coudre. Le cliquetis régulier de l’aiguille rythme le silence avec obstination.

— Soraya, on devrait rentrer, marmonne Sae en bâillant longuement. Je suis épuisée…

— Mais je ne t’ai jamais demandé de rester, rétorque Soraya sans lever les yeux. Pourquoi tu ne rentres pas ?

— Tu plaisantes ? L’atelier est vide, il fait nuit noire, et toi tu restes encore ici… J’allais pas te laisser seule.

— C’est gentil de ta part, mais je ne veux pas abuser de ta gentillesse.

— Mais non…, souffle Sae dans un soupir presque affectueux. Ça me fait plaisir, vraiment.

Elle la regarde. Malgré la fatigue visible sur son visage, malgré ses paupières lourdes, Soraya continue à coudre avec une minutie presque obsessionnelle.

— Tu devrais t’arrêter pour aujourd’hui… Tu tiens à peine les yeux ouverts.

— Oui, mais…

Son téléphone vibre brusquement sur la table. Un numéro inconnu s’affiche. Froncement de sourcils. Elle hésite, puis décroche.

— Allô ?

Une voix masculine, paniquée, hachée par l’angoisse, répond au bout du fil.

> « Mademoiselle Kazuki ? … urgences… maison… incendie… parents… hôpital… »

— Quoi ? Qui êtes-vous ? Qu’est-ce qui se passe ?!

> « …Maison… feu… urgence… vite… »

— Calmez-vous, je ne comprends rien ! Qu’est-ce qui s’est passé ?!

> « Votre maison… a pris feu… Vos parents sont coincés à l’intérieur… »

Le monde bascule.

Soraya pâlit. Son cœur s’arrête net. Ses doigts tremblent.

Sae se redresse aussitôt, inquiète.

— Soraya ? Qu’est-ce qui se passe ?

Mais Soraya se lève d’un bond, renversant sa chaise, attrape manteau et clés, court déjà vers la sortie.

Sae l’agrippe par le poignet.

— Attends ! C’était qui au téléphone ?

— C’est… ma maison, Sae. Elle… elle a pris feu.

Le silence. Puis la panique. Sae blêmit, mais ne pose pas de questions. Elle la suit, sans réfléchir.

Pendant ce temps, dans le studio du groupe Night Sketch.

L’ambiance est plus calme. Loin de la tragédie, les garçons poursuivent leur répétition. Mais quelque chose cloche.

— Eh… Naoki…

Naoki, surpris, se retourne. Miyabi le fixe, intrigué.

— À quoi tu penses ? T’es complètement ailleurs.

— Désolé… c’est juste que…

Renji, plus posé, s’approche.

— Qu’est-ce qui se passe, Naoki ?

— Je ne sais pas… Je suis juste un peu inquiet.

— Tu penses encore à Soraya ? Elle ne t’a toujours pas répondu ?, demande Toma.

— Non, ce n’est pas ça…

Il ne sait même pas lui-même ce qui l’agite. Un pressentiment, peut-être.

— Oublions ça, soupire-t-il. Reprenons la répétition.

De retour à Kyoto.

Arrivées dans leur quartier, Soraya et Sae sont frappées par un spectacle de cauchemar.

Les flammes dévorent la maison.

Des gyrophares rouges et bleus tournent sans fin. Des pompiers s’agitent. Des éclats de verre volent. La fumée pique les yeux.

Soraya s’arrête net. Le souffle coupé. Le cœur au bord de l’abîme.

— Non… non non non…

— Dis-moi que c’est pas vrai…, murmure Sae, tremblante.

— Ils sont vivants…, souffle Soraya comme une prière. Ils sont encore là, je le sais…

Elle court vers la maison.

— Maman ! Papa !

Un pompier l’arrête brutalement.

— Mademoiselle, non ! C’est trop dangereux !

— Lâchez-moi ! Je dois les sauver ! C’est chez moi !

— Je suis désolé… Nous… nous n’avons retrouvé personne de vivant à l’intérieur.

Tout s’effondre.

Soraya se fige, vidée. Elle revoit son père lui servant une tasse de thé. Sa mère, souriante, pliant un kimono. Ces images s’effacent dans la chaleur des flammes.

Elle tombe à genoux. Mais ne pleure pas.

À l’hôpital.

Salle trop blanche. Trop propre. Trop calme. Un médecin parle. Elle n’écoute pas. Elle hoche la tête. Signe. On lui remet une petite boîte.

À l’intérieur : des clés, une montre, une photo abîmée. Ses parents, souriants, devant leur maison.

Elle serre la photo contre elle.

— Je suis désolée… Je n’ai pas pu vous protéger… Je me demande même si ma vie a encore un sens maintenant…

Quelques heures plus tard.

Dans un parc désert, Soraya est assise sur un banc, la photo de ses parents dans les mains. Sae la retrouve là.

— Je suis désolée, Soraya… toutes mes condoléances.

Mais aucune réponse. Soraya ne parle pas. Son regard est vide.

— Tu devrais venir chez moi ce soir, qu’en dis-tu ? Tu pourrais te reposer, reprendre un peu de forces…

Toujours rien.

— Parle-moi, Soraya… Je m’inquiète pour toi.

— Sae… laisse-moi seule, s’il te plaît.

Sae se lève, blessée, mais compréhensive. Avant de partir :

— Tu sais bien que je serai toujours là pour toi… Ne l’oublie jamais.

Minuit passé.

Soraya est toujours sur ce même banc. Le vent s’est levé. Son téléphone vibre. Un appel de Renji.

Elle hésite… puis décroche.

— Allô ?

— Soraya ? Ça fait des jours qu’on t’a pas vue connectée. Tout va bien ?

Silence.

— Soraya ? Tu m’entends ? Il s’est passé quelque chose ?

Sa voix est brisée, rauque.

— Ils sont morts, Renji.

— De quoi tu parles ?

— Je suis toute seule maintenant. Ils sont partis.

— Quoi ?!

— L’incendie… chez moi. Papa, maman… Ils sont…

— Soraya, calme-toi. Dis-moi ce qu’il s’est passé.

— La maison a pris feu… et… ils sont morts…

Renji reste silencieux un moment, le souffle coupé.

— Je vais prévenir Naoki.

— Non !

Elle se redresse d’un bond. Le téléphone tremble dans sa main.

— Je t’en supplie, dis-le à personne. Surtout pas à lui. Il est heureux. Il vit.

— Mais…

— S’il l’apprend, il reviendra. Il s’inquiétera. Il me regardera avec pitié… Et ça, je ne peux pas. Je ne veux pas. Tu comprends ?

Un long silence. Renji serre les dents.

— Je comprends.

Elle raccroche.

Et là, dans le noir, enfin… une larme glisse le long de sa joue.

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