The Last Emperor
L’air était chargé d’humidité, saturé des parfums mêlés de l’asphalte chauffé par la pluie et des stands de nourriture nocturnes. Yi Seong-hwan avançait lentement dans une ruelle étroite, son long manteau noir effleurant les flaques d’eau. Il n’était plus qu’un fantôme, un homme qui avait disparu de tous les registres officiels depuis des années.
Un néon grésillant projetait des lueurs rougeâtres sur son visage anguleux. Un regard sombre, profond, portant le poids d’un passé qu’il refusait d’évoquer. Dans cette vie qu’il s’était construite, il n’était personne. Un simple antiquaire spécialisé en art impérial, dans une boutique oubliée du quartier d’Insadong.
Ce soir-là, pourtant, tout allait changer.
Un vieil homme en hanbok noir l’attendait devant sa boutique. Son dos était légèrement voûté, mais son regard d’un noir abyssal trahissait une autorité écrasante. Lorsqu’il parla, sa voix s’éleva comme une sentence :
— « Votre Altesse, il est temps de rentrer. »
Seong-hwan s’immobilisa. Un frisson parcourut son échine. Ce titre... Un murmure du passé, un poison qu’il croyait enterré.
— "Vous faites erreur, ahjussi. Je ne suis personne."
Mais l’homme ne bougea pas, sa silhouette imposante semblant défier même la nuit.
— "L’Empereur est mort. Le trône vous appartient."
Le silence retomba comme une chape de plomb. Derrière eux, la ville continuait de vivre, inconsciente du destin qui venait de basculer.
Seong-hwan serra les poings. Il ne voulait pas de ce passé, de ce nom qu’il avait fui.
— "Je n’ai rien à voir avec eux. Ils m’ont abandonné. Je ne suis pas leur héritier."
Le vieil homme inclina légèrement la tête, comme s’il attendait cette réponse.
— « Et pourtant, quelqu’un d’autre le réclame déjà. »
À cet instant, un fracas retentit derrière eux. La vitrine de la boutique vola en éclats sous l’impact d’un projectile inconnu. Seong-hwan pivota juste à temps pour apercevoir une ombre fendre l’obscurité. Des intrus.
Des hommes en noir, masqués, se déplaçant avec une précision militaire. Une embuscade.
Le passé venait de le rattraper.
Et cette fois, il n’y aurait aucun échappatoire. Seong-hwan eut à peine le temps de reculer avant que la silhouette en noir ne se jette sur lui. Un poing fendit l’air – il l’évita de justesse en pivotant sur le côté. Derrière lui, le vieil homme s’était déjà mis en mouvement, esquivant avec une agilité surprenante pour son âge.
D’autres assaillants surgirent des ombres. Trois, cônes, quatres... Peut-être Plus. Tout s’était enchaîné trop vite. Seong-hwan recula d’un pas avant de se figer. Non. Il n’était pas une proie. Il n’avait peut-être pas voulu de ce passé, mais il n’était pas impuissant.
Un des hommes masqués tenta de l’attraper par le col, mais il n’eut même pas le temps d’effleurer le tissu. En un mouvement fluide, Seong-hwan attrapa son poignet et le tordit brusquement. Un craquement sinistre résonna dans la nuit. L’homme s’effondra, criant de douleur. Un deuxième assaillant lui fonça dessus. Seong-hwan para le premier coup, esquiva le second, puis enfonça son coude dans les côtes de son adversaire. L’homme bascula en arrière, heurtant durement le sol pavé.
— « Ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, » lança le vieil homme en s’adossant au mur.
Seong-hwan jeta un rapide coup d’œil autour de lui. Les ombres bougeaient encore. Combien étaient-ils réellement ? Il ne put s’attarder sur la question. Une lame fusa vers lui. Il évita de justesse le couteau qui frôla sa joue, ouvrant une fine entaille sur sa peau. L’adrénaline explosa dans ses veines. Il n’y avait plus de place pour la fuite. Dans un mouvement rapide, il attrapa le bras du combattant et l’attira contre lui, utilisant son propre élan pour le projeter au sol. L’homme tenta de se relever, mais Seong-hwan l’immobilisa d’un coup sec derrière la nuque.
Une respiration rauque derrière lui.
Trop tard.
Un coup violent le heurta aux côtes, le propulsant contre un mur. Une douleur sourde explosa dans son flanc. Il eut à peine le temps de reprendre son souffle avant que le vieil homme ne le tire par le bras, le forçant à bouger.
— "Nous devons partir. Maintenant."
Seong-hwan voulut protester, mais d'autres silhouettes approchaient déjà, fondant sur eux comme des spectres de la nuit. Il comprit alors que ce combat ne finirait pas en leur faveur.
Avec un dernier regard vers sa boutique – son refuge, son mensonge – il se força à tourner le dos.Ils disparurent dans la nuit, tandis que derrière eux, la vitrine brisée reflétait les lumières tremblantes de la ville.
Le passé l'avait retrouvé.
Et cette fois, il n'avait plus d'échappatoire.
Les ruelles sombres d'Insadong défilaient à toute allure sous leurs pas. Seong-hwan sentait son souffle devenir plus rapide, mais il ne ralentit pas. Derrière eux, les assaillants n'abandonnaient pas la poursuite. Il n'avait aucune idée de qui ils étaient, ni de ce qu'ils voulaient vraiment. Mais une chose était certaine : ils savaient exactement qui il était.Le vieil homme, toujours à ses côtés, semblait étrangement calme malgré la course effrénée.
— « Par ici. »
Il bifurqua brusquement vers une ruelle encore plus étroite, presque invisible entre deux bâtiments. Seong-hwan hésita une fraction de seconde avant de le suivre. Derrière eux, des bruits de pas résonnaient. Ils gagnaient du terrain. Après plusieurs détours dans un véritable labyrinthe urbain, ils débouchèrent enfin sur une large avenue illuminée par les phares des voitures. Seong-hwan se retourna. Plus de poursuivants. Seuls les néons vibrants et la rumeur de la ville persistaient.
Il s’autorisa enfin à reprendre son souffle.
— « Qui étaient-ils ? » demanda-t-il d’une voix rauque, encore haletant.
Le vieil homme le dévisagea un instant avant de répondre :
— "Les chiens de l’ombre. Des mercenaires. Ils n’appartiennent à aucun pays, mais servent toujours ceux qui ont le plus à perdre... ou à gagner."
Seong-hwan fronça les sourcils.
— « Et qui les a envoyés ? »
— « Ceux qui craignent votre retour. »
Un silence pesant s’installa. Seong-hwan n’avait jamais voulu être lié à cette histoire. Il avait quitté ce monde il y a longtemps, effaçant même jusqu’à son propre nom. Alors pourquoi maintenant ?
Le vieil homme s’avança légèrement, posant sur lui un regard grave.
— "Yi Seong-hwan, vous ne pouvez plus fuir. L’Empereur est mort. Et vous êtes le dernier de votre lignée."
— « Je ne veux pas de cette lignée ! » gronda-t-il.
Le vieil homme ne broncha pas. Il attendait. Comme s’il savait que Seong-hwan finirait par écouter.
— "Que je le veuille ou non... d’autres le veulent à ma place, c’est ça ?"
Un hochement de tête.
— "Et ils ne s’arrêteront pas tant que vous ne serez pas mort... ou sur le trône."
Seong-hwan ferma les yeux un instant, sentant la rage et la fatigue peser sur ses épaules. Son monde venait de basculer. Il n’était plus un simple antiquaire, il n’était plus un homme du passé.
Il était une cible.
Il se tourna lentement vers le vieil homme.
— « Si je refuse ? »
Un souffle du vent, une lueur dans le regard du vieillard.
— "Alors vous mourrez. Et avec vous, ce qui reste de la véritable Corée."
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