Chapitre 4

Un sourire fugace passa sur les lèvres de Baek Ji-tae.

— « Nous avons toute la nuit. »

Et dans l’ombre de Séoul, tandis que la pluie continuait à tomber, l’histoire oubliée d’un empire perdu recommença à s’écrire.

La pluie martelait doucement le toit du hanok, créant un rythme hypnotisant. Dans la pièce faiblement éclairée, Seong-hwan s’appuya contre le dossier en bois du siège, son regard fixé sur le parchemin. Son cœur battait encore trop vite, comme s’il refusait d’accepter ce qu’il venait d’apprendre.

Baek Ji-tae, lui, demeurait imperturbable.

— « Vous voulez tout savoir ? » murmura-t-il en servant une nouvelle tasse de thé.

Seong-hwan hocha lentement la tête.

— « Alors commençons par le début. »

Baek Ji-tae s’adossa légèrement, le regard perdu dans le vide, comme s’il replongeait dans des souvenirs qu’il aurait préféré oublier.

— "Votre père, Yi Jeong-won, était le dernier descendant direct de la dynastie Joseon. Lorsque la monarchie a été officiellement dissoute au XXe siècle, la famille royale a été forcée de disparaître des archives publiques. Mais certains d’entre nous savaient que le sang impérial coulait encore... en secret. Votre père a été élevé dans l’ombre, formé pour diriger un jour un Empire qui n’existait plus qu’à travers des alliances invisibles, des sociétés secrètes et des familles influentes restées fidèles à la lignée royale."

Seong-hwan écoutait en silence, ses doigts se crispant contre ses genoux.

— « Et ma mère ? »

Baek Ji-tae esquissa un sourire triste.

— "Elle n’était pas issue de la noblesse, mais elle était forte. C’est pour elle que votre père a choisi d’abandonner tout ce qui lui était destiné. Il voulait vous offrir une vie normale, loin des intrigues, loin des complots. Mais en faisant cela, il a condamné votre famille."

Le silence tomba, lourd, pesant. Seong-hwan sentit une boule de colère lui nouer la gorge.

— « Vous dites que c’est à cause de son choix qu’ils sont morts ? »

— « Je dis que l’Empire ne pardonne pas l’abandon. »

Un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale. Baek Ji-tae continua, sa voix plus grave.

— "Il y a vingt ans, une faction rivale a décidé qu’il n’y aurait plus jamais d’héritier. Ils ont traqué ceux qui portaient encore le sang impérial. Ils ont éliminé ceux qui refusaient de plier le genou devant eux. Votre père a été assassiné. Votre mère a tout fait pour vous cacher. Et nous... nous avons réussi à vous faire disparaître avant qu’ils ne vous trouvent."

Seong-hwan sentit son souffle se bloquer.

— « Qui sont ces hommes ? »

— "On les appelle 'l’Ombre du Chrysanthème'. Une faction qui a toujours cherché à éradiquer la lignée impériale. Aujourd’hui, ils détiennent presque tout. Politique. Économie. Armée. Ils sont partout. Et maintenant qu’ils savent que vous êtes en vie, ils ne s’arrêteront pas tant qu’ils ne vous auront pas tué."

Seong-hwan se leva brusquement, renversant presque sa tasse.

— "C’est absurde... Vous attendez quoi de moi, exactement ? Que je prenne une épée et que j’aille réclamer un trône qui n’existe plus ?

Baek Ji-tae le fixa calmement.

— "Nous n’avons pas besoin d’un roi. Nous avons besoin d’un symbole. Nous avons besoin d’un héritier prêt à se battre pour empêcher l’Empire de tomber définitivement entre leurs mains."

Seong-hwan laissa échapper un rire amer.

— « Je n’ai jamais voulu de cette vie. »

— « Et pourtant, c’est la vôtre. »

La pluie redoubla d’intensité, frappant les tuiles avec violence. Seong-hwan se tourna vers la porte, son corps tendu comme une corde prête à rompre.

— « Si je pars maintenant, est-ce que ces hommes s’arrêteront ? »

Baek Ji-tae secoua lentement la tête.

— « Vous connaissez déjà la réponse. »

Seong-hwan ferma les yeux. Il aurait tout donné pour que ce soit un cauchemar. Pour que, en rouvrant les paupières, il se retrouve dans sa chambre d’hôtel, avec une vie normale qui l’attendait dehors. Mais lorsqu’il inspira profondément, la seule chose qu’il sentit fut l’odeur du thé, du bois ancien et du passé qui venait de le rattraper.

— « Très bien. » souffla-t-il enfin. « Dites-moi ce que je dois faire. »

Baek Ji-tae ne sourit pas. Il se contenta d’hocher la tête.

— "Alors écoutez-moi bien. Car à partir de maintenant... Chaque choix que vous ferez déterminera si vous vivrez ou mourrez."

Et dans cette nuit trempée de pluie, l’héritier oublié de la Corée venait de faire son premier pas vers son destin. Le vent s’engouffrait dans les interstices du hanok, portant avec lui l’odeur de la pluie et un souffle froid qui s’insinuait jusque dans les os. Seong-hwan se tenait toujours debout, le regard perdu dans le vide. Son corps, pourtant habitué à l’adrénaline et aux situations de crise, semblait refuser de bouger. Trop d’informations, trop de révélations. Il avait l’impression d’être pris au piège dans un rêve fiévreux don’t il ne pouvait s’éveiller. Baek Ji-tae le scrutait avec cette patience inflexible qui le rendait encore plus insupportable.

— "Vous avez toujours été un survivant, Seong-hwan. Mais maintenant, il est temps de devenir plus que ça."

Seong-hwan serra les poings.

— "Et si je refuse ?"

— "Alors vous mourrez."

L'intonation de Baek Ji-tae ne contenait aucune menace, seulement une froide certitude.

— "Ils savent déjà que vous êtes en vie. Il n'y a pas de retour en arrière possible."

Le silence s'étira entre eux, ponctué seulement par le crépitement de la pluie contre le toit de tuiles.Finalement, Seong-hwan lâcha un long soupir, passant une main sur son visage fatigué.

— "Très bien." dit-il d'une voix rauque. "Je vous écoute."

Baek Ji-tae hocha la tête, satisfait, et attrapa un petit coffret en bois verni posé sur une étagère. Il l'ouvrit délicatement et en sortit un objet qu'il tendit à Seong-hwan.C'était une bague.Sobre mais ancienne, en argent noirci par le temps, marquée d'un sceau impérial gravé sur son anneau. Un chrysanthème stylisé entouré de caractères en hanja.

— "Cette bague appartenait à votre père. Et à son père avant lui. C'est le dernier symbole du véritable héritier."

Seong-hwan hésita avant de la prendre. Elle était plus lourde qu'il ne l'aurait imaginé.Il la fit lentement tourner entre ses doigts.

— "Et si quelqu'un d'autre la trouve ?" demanda-t-il avec prudence.

Baek Ji-tae sourit légèrement.

— « Alors il saura que vous êtes la personne qu’il doit tuer. »

Seong-hwan referma instinctivement la main autour de la bague, sentant son cœur s’accélérer.

— « Charmant. » murmura-t-il entre ses dents.

— « Bienvenue dans votre nouvelle réalité, Votre Altesse. »

À cet instant, un bruit sourd retentit à l’extérieur du hanok. Un craquement. Comme du bois que l’on piétine. Seong-hwan releva immédiatement la tête, son instinct militaire reprenant le dessus. Il échangea un regard avec Baek Ji-tae, qui, lui, était déjà en train de souffler la bougie qui les éclairait. L’ombre engloutit la pièce.

— « Nous avons été suivis. » chuchota Baek Ji-tae.

Seong-hwan glissa la bague dans sa poche et se tendit, prêt à réagir. Dehors, la pluie continuait de tomber, noyant la nuit dans un voile incertain. Puis, le silence se brisa. Un second bruit. Plus proche cette fois. Quelqu’un était is. Quelqu’un venait pour lui. Et Seong-hwan savait que le temps des décisions était terminé.

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