Chapitre 5

Il était temps d’agir. Le silence était devenu un monstre rampant, s’étendant dans chaque recoin du hanok. Seong-hwan sentait son cœur battre trop fort dans sa poitrine, un rythme sourd qu’il essayait d’étouffer. L’obscurité avait dévoré la pièce, mais son entraînement prenait déjà le relais. Il laissa son corps se détendre, prêt à réagir. Baek Ji-tae bougea à peine.

— « Trois hommes. » souffla-t-il. « Deux sur le côté est, un qui contourne l’entrée. »

Seong-hwan fronça les sourcils.

— « Vous êtes sûr ? »

Baek Ji-tae tourna lentement son regard vers lui.

— « Je suis dans ce monde depuis plus longtemps que vous. »

Un craquement plus fort se fit entendre, plus proche cette fois. Quelqu’un venait de poser un pied sur les lattes du plancher extérieur. Seong-hwan glissa instinctivement sa main sous sa veste, effleurant le métal froid de son couteau de combat. Pas d’armes à feu ici. Trop de bruit. Trop de risques. Baek Ji-tae, lui, semblait presque calme.

— "S’ils ont envoyé des hommes dès ce soir, c’est qu’ils savent où vous êtes. Ce n’était qu’une question de temps."

Un froissement léger. Une silhouette passa brièvement derrière le papier de la porte coulissante.

Seong-hwan n’hésita pas. D’un geste rapide et silencieux, il attrapa la théière encore tiède sur la table basse et la lança violemment contre le mur opposé. Le fracas du porcelaine éclatant contre le bois fit l’effet d’un coup de feu dans la nuit. Instantanément, une ombre bondit à l’intérieur. L’homme qui venait d’entrer arma son bras, une lame brillant sous le peu de lumière filtrant par la fenêtre. Mais il était trop lent.

Seong-hwan pivota et frappa du pied dans son poignet, envoyant la lame voler. L’assaillant tenta de réagir, mais Seong-hwan enchaîna d’un coup de coude dans la gorge, suivi d’un balayage sec. L’homme s’écroula avec un bruit sourd. Baek Ji-tae n’avait pas bougé. Il observait la scène avec un regard indéchiffrable.

— « Deux autres. » murmura-t-il.

Seong-hwan acquiesça et se dirigea vers la porte coulissante. Il colla son oreille contre le bois, écoutant attentivement. Une respiration. Ils attendaient. Seong-hwan exhala lentement, puis enfonça brusquement sa paume dans la porte, la faisant glisser d’un coup sec. Le premier adversaire réagit immédiatement, levant une matraque métallique. Seong-hwan bloqua le coup avec son avant-bras, encaissant la douleur avant de frapper du poing sous le menton de l’assaillant.

Un craquement. L’homme tituba en arrière, suffoquant. Mais le troisième était déjà sur lui. Il sentit un coup venir sur son flanc et esquiva de justesse, reculant d’un pas pour éviter un second assaut. Cette fois, il n’eut pas le choix il dégaina son couteau et plongea vers l’avant dans un mouvement précis, la lame s’enfonça dans la chair. L’homme s’effondra, se tenant le flanc. Rien de mortel, juste de quoi l’immobiliser.

Le silence revint. Baek Ji-tae soupira et s’agenouilla près de l’un des assaillants inconscients. Il écarta le col de sa veste et y trouva un petit insigne brodé.

Un chrysanthème noir. Il le montra à Seong-hwan.

— « L’Ombre du Chrysanthème. » déclara-t-il. « Ils ont décidé de ne pas attendre. »

Seong-hwan essuya rapidement la lame de son couteau et jeta un regard aux hommes à terre.

— « Ils savent où je suis. » murmura-t-il.

Baek Ji-tae hocha lentement la tête.

— « Et ils ne s’arrêteront pas tant que vous ne serez pas mort. »

Seong-hwan expira profondément tout son corps vibrait encore du combat, mais son esprit, lui, était déjà ailleurs. Il n’y aurait plus de fuite possible ce soir, tout avait changé. Il ne lui restait qu’un seul choix. Faire face. Il fixa Baek Ji-tae.

— « Qu’est-ce que je dois faire ? »

Baek Ji-tae eut un léger sourire.

— « Nous avons beaucoup de travail devant nous, Votre Altesse. »

Dans l’obscurité, au milieu des corps inertes, Yi Seong-hwan sentit enfin le poids de son destin s’abattre sur ses épaules.

Et pour la première fois de sa vie, il ne chercha pas à fuir. Le silence retomba, lourd, oppressant. Seong-hwan scruta les corps étalés sur le sol, son souffle toujours saccadé par l’adrénaline. La pluie tambourinait encore sur le toit du hanok, mais dans cette pièce plongée dans l’ombre, il ne restait que lui, Baek Ji-tae... Et le poids d’une vérité qu’il ne pouvait plus ignorer.

— « Nous devons partir. » déclara Baek Ji-tae d’un ton ferme.

Seong-hwan acquiesça. Il n’avait plus le choix. Sans attendre, il fouilla rapidement l’un des assaillants inconscients. Son instinct militaire lui dictait de récupérer toute information possible. Il trouva un téléphone à clapet noir, basique mais fonctionnel. Il le glissa dans sa poche.

— « Où allons-nous ? » demanda-t-il.

Baek Ji-tae ne répondit pas immédiatement. Il observa Seong-hwan, comme s’il cherchait à jauger quelque chose en lui. Puis il se dirigea vers une étagère en bois, fit glisser une vieille jarre en porcelaine et dévoila une petite trappe discrètement encastrée dans le sol.

— "Nous ne pouvons pas sortir par l’entrée principale. Ils ont peut-être d’autres hommes postés aux alentours. Suivez-moi."

Seong-hwan jeta un dernier regard aux assaillants à terre avant de s’accroupir pour suivre Baek Ji-tae dans l’ouverture dissimulée. Un passage souterrain. L’air y était plus froid, chargé d’humidité. L’odeur de terre battue et de vieux bois envahit ses narines tandis qu’il progressait derrière Baek Ji-tae dans ce tunnel exigu.

— « Ce passage mène où ? » chuchota-t-il.

— "À un ancien pavillon, à une centaine de mètres d’ici. Il débouche derrière une colline, hors de leur champ de vision."

Seong-hwan hocha la tête. Il n’aimait pas cette situation. Il détestait être acculé, sans savoir qui était son ennemi ni combien d’hommes le traquaient. Après plusieurs minutes de marche dans la pénombre, ils atteignirent enfin une petite porte en bois usé. Baek Ji-tae la poussa lentement, laissant entrer un filet d’air nocturne. La pluie s’était calmée. Devant eux s’étendait un petit bosquet, et plus loin, les lumières lointaines de la ville brillaient à travers la brume.

— « Nous devons rejoindre Séoul avant l’aube. » dit Baek Ji-tae en se faufilant à travers les arbres. « Il y a quelqu’un que vous devez rencontrer. »

Seong-hwan serra les poings, chaque pas le rapprochait un peu plus d’un destin qu’il n’avait jamais souhaité. Mais désormais, il était trop tard pour reculer.. La chasse avait commencé.

La brise nocturne portait encore l’odeur de la pluie, mêlée à celle de la terre humide et des feuilles trempées. Seong-hwan inspira profondément, tentant d’apaiser son cœur qui battait encore sous l’effet de l’adrénaline. Il jeta un dernier regard derrière lui, vers l’entrée du passage souterrain qu’ils venaient de quitter. Il n’y avait aucun bruit. Mais il savait. Baek Ji-tae avança à pas rapides, s’enfonçant dans la forêt qui bordait l’ancien hanok. Seong-hwan lui emboîta le pas, ses sens en alerte. Chaque ombre paraissait menaçante, chaque bruissement de feuilles, suspect.

— « Où allons-nous exactement ? » demanda-t-il, la voix basse.

Baek Ji-tae ne ralentit pas.

— « Ah Séoul. Nous devons rejoindre quelqu’un avant l’aube."

— « Qui ? »

Baek Ji-tae jeta un bref regard par-dessus son épaule avant de répondre :

— « Un homme qui connaît votre passé mieux que vous. »

Seong-hwan plissa les yeux.

— « Encore des énigmes... » grommela-t-il.

Baek Ji-tae eut un sourire en coin, mais ne répondit pas.

Ils continuèrent d’avancer à travers la végétation dense, évitant les chemins dégagés. Seong-hwan connaissait cette approche : une méthode militaire pour éviter d’être repéré. Cela ne faisait que renforcer son malaise. S’ils étaient traqués, leurs poursuivants ne mettraient pas longtemps à comprendre qu’ils avaient fui. Après plusieurs minutes de marche silencieuse, Baek Ji-tae s’arrêta soudainement et leva une main pour signaler à Seong-hwan de s’immobiliser.

Seong-hwan obéit aussitôt, retenant son souffle.

***Téléchargez NovelToon pour profiter d'une meilleure expérience de lecture !***