Seong-hwan serra les poings.
C’était le début de la fin.
Ou peut-être... Le début de quelque chose d’autre.
Le silence s’étira entre eux, seulement troublé par le bourdonnement lointain de la ville qui ne dormait jamais. Seong-hwan fixait le vieil homme, cherchant dans son regard un signe de tromperie, une preuve qu’il n’était qu’un fou délirant, mais il n’y trouva qu’une vérité implacable. Son cœur battait encore violemment, non pas seulement à cause de la fuite, mais parce qu’il savait. Il savait que cette nuit venait de tout changer. Il passa une main sur son visage, sentant le sang sécher sur l’entaille que lui avait laissée la lame de son assaillant.
— « Qui êtes-vous ? » demanda-t-il enfin, brisant le silence.
Le vieil homme inclina légèrement la tête.
— "Mon nom n’a plus d’importance. Mais autrefois, on m’appelait Baek Ji-tae, Premier conseiller de Sa Majesté."
Seong-hwan eut un léger rire, amer.
— « Premier conseiller ? Alors vous avez déjà échoué une fois. L’Empereur est mort."
Baek Ji-tae ne sourcilla pas.
— "Et c’est précisément pour cela que je suis ici. Vous devez comprendre, Yi Seong-hwan, que la Cour n’est pas un lieu de paix. C’est une arène où l’on s’entretue dans l’ombre. L’Empereur savait que son heure approchait, mais il n’a jamais eu le temps de vous prévenir."
— « Me prévenir de quoi ? »
Ji-tae s’approcha de lui, sa voix baissant d’un ton.
— « Que vous étiez son seul véritable héritier. »
Seong-hwan sentit son souffle se bloquer dans sa gorge.
— « Mensonge. »
— "La famille impériale actuelle n’a plus de descendance directe. Officiellement, le dernier prince est mort il y a vingt ans... Mais officieusement, il a eu un fils, un enfant caché au monde pour le protéger. Vous."
Les battements de son cœur s’accélérèrent. Il savait déjà une partie de cette histoire. Il avait toujours su qu’il n’était pas un enfant ordinaire, que son éducation secrète et son entraînement n’avaient rien d’un hasard. Mais il s’était forcé à ne jamais poser de questions.
— « Vous mentez. »
— "Votre mère vous a caché loin de la Cour. Elle savait qu’un jour, on chercherait à vous tuer. Vous aviez quatre ans quand elle a fui avec vous. Elle a tout abandonné pour votre sécurité."
Un frisson glacial parcourut l’échine de Seong-hwan. L’image de sa mère, douce et mélancolique, lui revint en mémoire. Son regard triste, sa voix qui lui répétait sans cesse de ne jamais révéler son véritable nom.
— "Et pourquoi maintenant ? Pourquoi après toutes ces années, alors que je vivais une vie paisible ?
Baek Ji-tae le fixa avec une intensité nouvelle.
— "Parce que l’Empire est en train de s’effondrer. Et qu’il ne peut y avoir de trône sans héritier."
Un grondement lointain résonna dans le ciel, comme un présage. Seong-hwan leva les yeux vers les nuages sombres qui s’amoncelaient au-dessus de Séoul.
Tout son être lui criait de fuir. Mais il savait que c’était déjà trop tard.
— « Et si je refuse ? » souffla-t-il.
Ji-tae resta silencieux un instant, avant de prononcer ces mots qui firent frémir Seong-hwan :
— "Alors vous mourrez... Comme tous ceux qui vous ont précédé."
Seong-hwan ne répondit rien.
Il savait qu’il venait de franchir un seuil invisible. Il n’y aurait plus de retour en arrière.
Une pluie fine commença à tomber, recouvrant la ville d’un voile argenté. Seong-hwan restait silencieux, les paroles de Baek Ji-tae résonnant dans son esprit comme un glas funèbre.
Héritier.
Dernier descendant.
Trone.
Mort.
Tout rep lui semblait absurde. Il n’avait jamais voulu de cette destinée. Il avait appris à vivre loin de ce monde, loin des complots, loin de cette histoire qui n’était pas censée être la sienne. Et pourtant, les corps qu’il avait laissés derrière lui quelques minutes plus tôt... C’était bien la preuve qu’il ne pouvait plus l’ignorer. Baek Ji-tae l’observait toujours, avec cette patience inébranlable qui l’agaçait.
— « Pourquoi vous battre pour une couronne aussi souillée ? » finit par lâcher Seong-hwan, la mâchoire serrée.
— « Parce que l’histoire ne s’écrit pas avec des regrets, mais avec des actes. »
— « Et si l’Empire est condamné ? »
Baek Ji-tae laissa un fin sourire flotter sur ses lèvres.
— "Alors soyez celui qui le détruira... ou celui qui le sauvera."
Seong-hwan serra les poings. Il n’avait pas envie d’écouter ce vieil homme. Mais une voix en lui, plus sourde, plus profonde, lui soufflait que ce n’était pas une coïncidence. Les événements de cette nuit n’étaient que le début d’un engrenage bien plus complexe.
— « Qu’attendez-vous de new ? »
Baek Ji-tae s’inclina légèrement, comme s’il avait attendu cette question depuis toujours.
— « D’abord, que vous restiez en vie. »
Seong-hwan arqua un sourcil.
— « Un héritier mort ne sert à rien. »
— « Exactement. »
Un éclair déchira le ciel, projetant sur la ville une lumière spectrale. Dans ce décor de nuit pluvieuse, Seong-hwan comprit qu’il venait de poser un pied dans un jeu dont il ignorait encore les règles. Et surtout, il ne savait pas encore s’il voulait jouer... ou tout faire pour renverser l’échiquier.
Mais une chose était sûre :
Le destin venait de le rattraper.
Et cette fois, il n’avait plus d’échappatoire. Le tonnerre gronda au-dessus de Séoul, un écho lointain de la tempête qui couvait en lui. La pluie tombait à présent avec plus d’intensité, rendant la chaussée luisante sous les néons vacillants. Seong-hwan n’avait jamais aimé la pluie. Il avait toujours eu l’impression qu’elle effaçait tout sur son passage — les traces, les souvenirs, les espoirs.
Mais ce soir, elle ne pouvait rien laver. Il plongea son regard dans celui de Baek Ji-tae. L’homme n’avait pas bougé, debout dans la lumière tamisée du lampadaire, son long hanbok sombre flottant légèrement sous la brise. Il avait l’air d’un vestige du passé, d’une époque que Seong-hwan s’était efforcé d’oublier.
— « Où allons-nous ? » demanda-t-il enfin, sa voix calme, mais tranchante.
Baek Ji-tae esquissa un mince sourire.
— « Quelque part où l’on pourra parler sans être interrompus. »
Sans attendre de réponse, il se mit en marche. Seong-hwan hésita une seconde, puis le suivit, les pas résonnant sur l’asphalte détrempé.
Ils marchèrent en silence à travers les rues de Séoul, évitant les avenues bondées et préférant les chemins plus discrets. Seong-hwan restait sur ses gardes, surveillant chaque ombre, chaque mouvement suspect. Ses années de formation militaire ne l’avaient jamais quitté. Finalement, après plusieurs minutes, ils arrivèrent devant un vieux bâtiment niché entre deux immeubles modernes. Il ressemblait à l’un de ces hanoks traditionnels que l’on ne trouvait presque plus en plein cœur de la ville. L’endroit semblait figé hors du temps, avec son toit de tuiles noires et son portail de bois massif.
Baek Ji-tae poussa la porte, révélant une cour intérieure paisible, éclairée par la lueur vacillante de lanternes en papier.
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