La nuit était tombée, enveloppant le palais d’un voile de silence troublé seulement par le murmure discret du vent caressant les tentures. Allongé sur un matelas de soie, Shénazade fixait le plafond, ses yeux ambrés brillants d’une lueur incertaine, reflétant les fragments d’émotions qui tourbillonnaient en lui.
Son cœur battait doucement, mais chaque pulsation semblait résonner plus fort que la précédente. Il repensait à cette journée, à la chaleur du soleil sur sa peau, au goût salé de l’eau de mer encore frais sur ses lèvres… et surtout à ce moment suspendu, là, au bord de l’océan, quand Shariar avait posé ses mains sur sa taille. Ce souvenir était comme un éclat de lumière douce, fragile et brûlant à la fois.
Shénazade porta distraitement ses doigts à ses lèvres, là où le baiser du sultan avait laissé une trace invisible, mais terriblement vivante. Son visage s’empourpra légèrement, une chaleur timide remontant jusqu’à ses joues. Ce n’était pas un de ces baisers brusques, chargés de pouvoir ou de possession. Non. Celui-ci était différent. Délicat. Presque hésitant. Comme une brise légère qui effleure la surface de l’eau sans jamais la troubler.
Pourquoi cela le troublait-il autant ? Ce n’était qu’un baiser… et pourtant, son ventre se tordait doucement, une sensation nouvelle, presque agréable, mais aussi effrayante. Il secoua légèrement la tête, essayant de chasser ces pensées. C’est ridicule, pensa-t-il, mais son cœur, lui, refusait d’obéir.
Dans l’obscurité, il soupira silencieusement, tournant le dos à la lumière de la lune. Peut-être que demain, tout cela lui semblerait moins important. Peut-être que ce trouble s’effacerait. Mais pour l’instant, dans le secret de la nuit, Shénazade laissait son cœur battre un peu trop fort pour un simple esclave.
Shénazade ouvrit doucement les yeux, ses pensées encore embrouillées par le souvenir du baiser, lorsqu’il sentit la douce traction de la brosse glissant dans ses cheveux. Salma, assise derrière lui, continuait son geste avec soin, un sourire malicieux flottant sur ses lèvres.
— Vous semblez pensif, fit-elle remarquer d’une voix douce, presque chantante.
Pris de court, Shénazade sursauta légèrement, ses joues s’empourprant d’un rose délicat qui trahissait son trouble. Il baissa aussitôt les yeux, tentant de chasser l’image de Shariar de son esprit.
— Heum… je… balbutia-t-il, incapable de trouver une excuse convaincante.
C’était sans compter sur Fanta, toujours aussi vive et curieuse, qui bondit presque de son coin de la pièce, les yeux pétillants d’excitation.
— Alalala, trop mignon, Mesir Shénazade ! s’exclama-t-elle en tapant joyeusement dans ses mains. D’ailleurs, vous ne nous avez pas raconté comment s’est passée votre journée avec le sultan ! Je veux tout savoir. Enfin… nous voulons tout savoir !
Shénazade ouvrit la bouche, cherchant une réponse qui pourrait calmer l’enthousiasme de Fanta, mais aucun mot ne venait. Le souvenir du sable chaud, des vagues et de la sensation des lèvres de Shariar contre les siennes revenait en vagues timides.
Nael, qui pliait soigneusement des draps dans un coin de la pièce, leva les yeux au ciel, l’air visiblement agacé.
— Calme ta joie, Fanta. C’est ridicule d’avoir de l’engouement pour ce genre de choses, lança-t-il d’un ton amer, ses gestes devenant un peu plus brusques.
Fanta fit la moue, croisant les bras sur sa poitrine.
— Toi, tu es juste jalouse de ne pas avoir de ragots croustillants à raconter, répliqua-t-elle en lui lançant un regard espiègle.
Shénazade, toujours aussi gêné, tenta de se recomposer. Il se racla doucement la gorge, les doigts serrant le tissu de sa tunique.
— Ce n’était… qu’une simple promenade, murmura-t-il finalement, le regard fuyant. Rien d’extraordinaire.
Mais ses joues rouges trahissaient la vérité. Et Fanta, avec son sourire de chat qui venait de trouver une souris, n’était pas dupe.
Alors que la petite Fanta allait de nouveau ouvrir la bouche pour parler, Shénazade fut brusquement submergé par un souvenir oublié. Il se rappela, comme frappé par la foudre, qu'il n'avait jamais terminé l'une des histoires qu'il avait autrefois racontées au sultan. Une vague d'anxiété monta en lui, serrant son cœur dans un étau glacé.
Ses pensées s’embrouillèrent, son regard se perdit dans le vide, fixant un point invisible au-delà de la petite Fanta. Les souvenirs sombres remontèrent à la surface, tels des spectres sortant des profondeurs de sa mémoire. Il revoyait le trône massif, les rideaux de velours cramoisis qui encadraient le visage sévère du sultan, ses yeux perçants brillants d'une curiosité insatiable mais cruelle.
Shénazade se rappelait chaque détail : la voix grave et impérieuse du sultan résonnant dans la vaste salle, le léger écho de ses propres mots lorsqu'il tissait des récits pour apaiser l’appétit vorace de l’homme le plus puissant du royaume. Il se souvenait de la pression constante, du poids invisible qui écrasait ses épaules à chaque phrase, à chaque silence un peu trop long. Rater une histoire n'était pas simplement un oubli… c'était risquer de décevoir. Et dans le palais du sultan, la déception pouvait coûter bien plus qu’un simple blâme.
Une goutte de sueur froide glissa lentement le long de sa tempe. Son cœur battait la chamade, non pas de fatigue ou d’effort, mais de cette peur sourde, ancienne, enracinée au plus profond de lui-même. La peur d’avoir échoué, de ne pas avoir été à la hauteur.
Fanta, curieuse et innocente, ne comprenait pas ce qui se passait. Elle pencha légèrement la tête sur le côté, observant le visage pâle de Shénazade.
— Shénazade ? demanda-t-elle d’une petite voix, brisant le silence épais. Tu as l’air bizarre…
Il cligna des yeux, arraché brutalement à ses pensées, et força un sourire qui ressemblait plus à une grimace.
— Ce ce n’est rien.....
première. Nael, silencieuse jusque-là, observait Shénazade depuis un moment. Ses yeux sombres étaient fixes, perçants, presque dédaigneux. Elle le détaillait, ce pauvre esclave brisé par des souvenirs qu’il traînait comme des chaînes invisibles. Son visage était figé, sans émotion, mais au fond de ses prunelles brillait une lueur glaciale.
Puis, avec un léger soupir d’agacement, elle détourna le regard. Pas de compassion. Pas de pitié. Juste un mépris froid. À ses yeux, Shénazade n’était qu’un être pathétique, un homme trop lâche pour affronter ses démons, trop faible pour choisir de mourir plutôt que de vivre dans l’ombre de ses peurs. Un esclave qui ne voulait que mourir, mais qui n’en avait même pas le courage.
Ce simple geste, ce détournement de regard, frappa Shénazade plus violemment que des mots. Il sentit la morsure du mépris dans sa chair, une douleur sourde mais familière. Pourtant, il ne dit rien. Car quelque part, peut-être, il pensait la même chose de lui-même.
Bureau de Shariar
Le bureau de Shariar respirait l'autorité et la rigueur. De lourds rideaux de velours rouge sombre laissaient filtrer des rais de lumière dorée, illuminant des cartes détaillées épinglées sur les murs et des rouleaux de parchemins soigneusement alignés sur des étagères. Au centre, un vaste bureau de bois massif, recouvert de cartes de la région d’Osaka, des itinéraires tracés à l’encre noire et des notes griffonnées en marge.
Shariar était assis, le regard fixé sur la carte, les doigts tambourinant doucement la surface du bureau. Devant lui, Sectar, son garde personnel et bras droit, se tenait droit, l’attitude rigide, ses yeux d’un calme glacial fixant la carte comme s’il lisait à travers elle. À sa gauche, Karim Devdan, légèrement adossé contre un meuble, les bras croisés, un sourire en coin qui ne quittait jamais vraiment ses lèvres.
Shariar rompit le silence d’une voix grave et posée :
— L’embarcation marchande partira à l’aube de la septième lune, sous bannière d’un convoi de soie et d’épices. Les brigands croient que nous avons relâché la sécurité des routes après la dernière attaque. Ils s’attendront à des marchands apeurés, pas à une embuscade bien huilée.
Il traça une ligne sur la carte avec son doigt, marquant la route principale d’Osaka jusqu’à un pont étroit, entouré de falaises naturelles.
— Ici, au Passage de Kuro, l'endroit est parfait. L’étroitesse du pont les forcera à attaquer de front. Nous aurons des archers postés sur les hauteurs, cachés parmi les rochers. Les "marchands" ne seront que des soldats déguisés.
Karim s’approcha légèrement, observant la carte avec attention. Ses yeux violets brillaient d’un éclat vif.
— Un piège classique… mais efficace. Ils se sentiront en confiance dès qu’ils verront des caisses de marchandises. Nous les laisserons s’approcher suffisamment pour qu’ils ne puissent plus reculer.
Sectar intervint d’une voix froide :
— Il y aura probablement des éclaireurs. Ils inspecteront la zone avant l’attaque principale. Nous devrons les neutraliser silencieusement pour ne pas alerter le groupe principal.
Shariar hocha lentement la tête, puis tourna son regard vers Sectar, ses yeux sombres étincelant d’une lueur perçante.
— As-tu terminé de choisir les gardes qui nous accompagneront ?
Sectar redressa légèrement le menton, sa voix tranchante comme la lame d’un sabre :
— Oui, majesté. J'ai sélectionné douze hommes. Six vétérans de la garde impériale pour la ligne de front, et six éclaireurs des forces spéciales. Loyaux, discrets, et prêts à mourir sans poser de questions. Aucun d’eux ne parle plus que nécessaire.
Karim étouffa un léger rire, amusé par la précision militaire de Sectar.
— Charmant. Rien de tel qu’une équipe de taciturnes pour égayer un voyage.
Le regard glacial de Sectar se posa sur lui, indifférent à la remarque.
— Le silence est une arme aussi précieuse que n’importe quelle lame. Ceux qui parlent trop meurent les premiers.
Shariar leva la main pour interrompre l’échange.
— Ce n’est pas un débat. L'efficacité prime. Karim, tu superviseras la logistique : les caisses doivent sembler authentiques, avec des marchandises factices assez convaincantes. Sectar, assure-toi que les hommes soient prêts avant le lever du soleil.
Il se leva, dominant la pièce de toute sa hauteur, son ombre s’étendant sur la carte.
— Cette mission doit être un succès. Non seulement pour éliminer ces parasites, mais pour rappeler à tous que personne n’ose défier mon autorité sur la grande voie du commerce.
Un silence tendu s’installa, lourd de promesses et de menaces voilées.
Karim brisa finalement la tension, un sourire en coin :
— Voilà qui promet un voyage inoubliable.
Shariar se leva lentement, contournant le bureau pour se tenir face à eux. Sa présence imposait un respect instinctif, un mélange de charisme et de menace voilée.
— Cette opération reste secrète. Personne à la cour ne doit savoir que j’y participe. Si un mot s’échappe, je saurai à qui m’adresser.
Karim esquissa un sourire sans chaleur.
— Vous me blessez, majesté. Je suis peut-être un homme d’affaires, mais je sais garder un secret… surtout quand ma tête est en jeu.
Shariar ne répondit pas. Son regard, aussi tranchant qu’une lame nue, suffisait à imposer le respect.
Le bureau du sultan était plongé dans une lueur tamisée, les rideaux tirés, et seul le bruit des documents que Shariar parcourait brisait le silence. Karim et Sectar, debout près de la table, étudiaient les derniers rapports concernant les brigands de la grande voie du commerce. Leurs voix étaient basses et mesurées, toujours attentives aux moindre détails de l’opération à venir.
Soudain, la porte s'ouvrit doucement, et une figure drapée dans un voile lourd et mystérieux entra. C'était la prêtresse, une vieille femme dont les yeux pâles et sages brillaient d'une lueur presque surnaturelle, ses traits dissimulés sous un voile épais, mais sa présence imposait un respect immédiat.
Shariar, d'abord absorbé par ses réflexions, leva les yeux. Il se leva d’un coup, un geste de respect immédiat, suivi de Karim et Sectar qui, eux aussi, se redressèrent immédiatement à la vue de la prêtresse.
Shariar :
— Prêtresse, nous sommes honorés par votre présence.
Karim et Sectar :
— Salut à vous, Prêtresse.
La vieille femme les observa tous trois avec calme. Elle n'était pas impressionnée par les titres ou les gestes d'hommage, mais elle les accueillit avec une lente inclination de la tête, signe qu’elle acceptait leur respect sans le chercher.
Elle s'avança lentement, ses pas silencieux, et prit la parole d'une voix douce, mais teintée d’une autorité mystique.
— Majesté, Sectar, Karim, il est des heures où la vérité doit être entendue, même si elle est difficile à accepter.
Shariar fixa la prêtresse avec une intensité nouvelle. Son ton, bien que respectueux, cachait une inquiétude croissante.
— Vous avez besoin de nous parler, Prêtresse. Quel est ce message que vous portez ?
La prêtresse leva légèrement ses mains, comme si elle conjurait les mots avant de les libérer dans l'air.
— Il y a quelque chose de sinistre dans l’ombre de votre palais, Majesté. Une trahison, invisible mais palpable. Un espion rôde dans vos murs.
Karim, toujours pragmatique et analytique, se pencha légèrement en avant, mais ses yeux restaient aussi vifs que jamais.
— Un espion parmi nous ? Qui pourrait avoir l’audace de trahir ainsi, au cœur même de la cour ?
La prêtresse émit un soupir profond, ses yeux se fermant brièvement comme si elle scrutait un avenir incertain.
— Ce n'est pas une question d'audace, Karim. C’est une question de destin. L’espion est proche de vous, plus proche que vous ne le croyez. Il ou elle connaît vos secrets les plus intimes, vos failles. Un fils de l’ombre, qui attend le bon moment pour frapper.
Sectar, qui avait observé la prêtresse avec une attention minutieuse, ne sembla pas surpris, mais son regard se durcit.
— Vous êtes certaine de ce que vous avancez ? Ce type de malveillance pourrait coûter cher.
La prêtresse les fixa un à un, ses yeux remplis de sagesse et d’une inquiétude profonde.
— La vérité ne peut être ignorée. Il se cache là, parmi vous. Il ne se montre pas par hasard, il se cache derrière les masques de la loyauté. Le palais est traversé par des fils invisibles, tissés par des mains que vous ne pouvez voir.
Shariar, bien que toujours digne, sentit un frisson traverser son esprit. Son regard se fixa sur Karim, puis sur Sectar, avant de se poser de nouveau sur la prêtresse.
— Qui est cet espion ? Pouvez-vous voir son visage ?
La prêtresse secoua lentement la tête.
— Le destin m’a montré des ombres, des formes floues, mais je ne peux pas décrire son visage. Le fil est trop fin pour que je puisse en saisir tous les détails. Mais sachez que le danger est réel, Majesté. Ce traître n’est pas ce que vous attendez. Il est parmi vous depuis bien plus longtemps que vous ne pouvez l’imaginer.
Karim, dans un silence inquiétant, tourna lentement son regard vers Sectar, puis se tourna vers Shariar.
— Si cette menace est bien réelle, nous devons agir vite. Il ne faut laisser aucun doute.
Sectar, avec son habituel ton froid, ajouta :
— Nous devons doubler la vigilance, Majesté. Personne ne doit savoir que nous avons découvert cette menace.
La prêtresse se tourna vers Shariar, ses yeux semblant plonger plus profondément dans son âme.
— Soyez prudent, Majesté. Le traître pourrait être plus proche que vous ne le pensez. L’espion est peut-être quelqu’un en qui vous avez confiance.
Un silence lourd s'installa dans la pièce. Shariar fixa longuement la prêtresse, absorbant ses paroles avec une gravité nouvelle. Il se tourna finalement vers Karim et Sectar, qui semblaient prêts à prendre des mesures immédiates.
Shariar :
— Très bien. Nous agirons avec discrétion. Le traître devra être trouvé, coûte que coûte. Merci, Prêtresse. Vous avez ma reconnaissance.
Les trois hommes saluèrent respectueusement la prêtresse, qui, comme elle était entrée, s’éclipsa dans l’ombre, laissant une atmosphère tendue dans le bureau.
auteur : je remercie mes lecteurs chaque fois vous me donnez du courage, je ne suis pas très régulière sur les chapitres mais je me donne a fond pour écrire les chapitres et je vous remercie vraiment beaucoup. D’ailleurs la saison 2 du prince est gay sera bientôt disponible après un longue moment de travail.
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