Les semaines qui suivirent furent …étranges.Alexandro devenait omniprésent. Mais pas de la manière qu’on pourrait attendre d’un père. Il voulait passer tout son temps avec moi. Il m’emmenait partout. À la plage. Au cinéma. Parfois même dans des évènements pour jeunes, des concerts ou des festivals auxquels il n’avait aucun intérêt. Il riait avec moi, me prenait en photo, me couvrait de petites attentions.
Parfois, il en parlait à maman. Parfois non. Et il arrivait qu’on parte sans prévenir, la laissant seule à la maison, épuisée par les cris d'Alex
Un dimanche, nous étions rentrés d’une sortie au parc aquatique. Maman m’attendait au salon, le visage fermé.
— Alice, viens ici s’il te plaît.
— Oui maman ?
— vous étiez où encore ?
— Avec papa. On est allés au parc… il m’a offert une glace, on a rigolé. C’était cool.
— Mais pourquoi tu ne me dis jamais à l’avance ? Tu sais que j’ai besoin d’aide avec Alex ! Tu m’as laissée seule toute la journée.
Je la regardai, un peu mal à l’aise, mais sans culpabilité. Alexandro me donnait de l’espace, de l'air, et je m'y accrochais.
— Je suis désolée, maman. Mais c’est juste des sorties entre père et fille, rien de plus.prochainement je te dirais
— Justement. Ce "rien de plus" devient un peu trop fréquent. Il te couvre de cadeaux, il te prend tout le temps. Il ne passe presque plus de temps avec moi. Rappelle-toi d’où tu viens. Ne soit pas une fille gâté
— Tu exagères…
— ah bon ?? Alice. je suis ta mère. Je vois ce que je vois.à cette allure tu vas devenir très paresseuse
Je haussai les épaules et montai dans ma chambre. Maman devenait paranoïaque, pensais-je. Je ne comptais pas du tout changer malgré tout ce que j’avais l’opportunité ou alors, le privilège d’avoir.
Quelques jours plus tard, Alexandro me proposa une nouvelle sortie. Un petit cinéma indépendant qui passait un vieux film romantique. J’acceptai. Il me laissa choisir le film, acheta le pop-corn, rit à mes blagues comme un adolescent.
Sur le chemin du retour, il s’arrêta près d’un fast-food. Il coupa le moteur et dit calmement :
— On va manger ici, ça te dit ?
— Grave ! J’ai trop faim !
Nous avions passé la commande et attendions dans la voiture.
C’est à ce moment-là qu’il me regarda autrement. Son regard n’était plus celui d’un père. Il me détaillait. Il me scrutait.
— Tu sais, Alice… tu es vraiment une jeune fille exceptionnelle.
Je souris, un peu surprise.
— Merci, papa.
— Non vraiment. Tu es intelligente, posée, belle… Et j’adore passer du temps avec toi. Si je pouvais, je resterais avec toi tous les jours, sans interruption.
Je ris, croyant à une blague.
— Mais maman va être jalouse si tu dis ça !
Il se tourna complètement vers moi.
— Je ne parle pas de ta mère. Je parle de toi, Alice. C’est toi qui me fais du bien. Toi qui me redonnes goût à la vie.
Je ne savais pas quoi répondre. Il sortit alors un petit sac cadeau de la boîte à gants et me le tendit.
— Tiens. Pour toi.
Je déchirai le papier avec excitation. Un tout nouveau téléphone. Le dernier modèle. Exactement celui dont je rêvais.
— Papa !!! Non, c’est pas possible ! Merci !
Je sautai presque de joie et, sans réfléchir, je me jetai sur lui pour lui faire un câlin. Il m’entoura de ses bras. Puis, dans un mouvement rapide, il posa ses lèvres sur les miennes. Un baiser. Sur la bouche.
Pas un baiser paternel. Un vrai baiser. Un baiser d’homme.
Je restai figée. Le monde s’était arrêté un instant. Je ne compris pas. Je ne réagis pas. Je ne reculai pas non plus. Je le regardai. Juste… le regardai. Et puis, sans rien dire, je me remis à ouvrir la boîte du téléphone.
Comme si rien ne s’était passé.
Alexandro, lui, semblait détendu. Il remit sa ceinture, prit une frite dans le sac, puis dit simplement :
— Ce petit moment, c’est notre secret. Ne dis rien à ta mère. Elle ne comprendrait pas.
Je hochai doucement la tête. Pas parce que j’étais d’accord. Mais parce que… je n’étais plus sûre de rien.
En rentrant ce soir-là, je me faufilai dans ma chambre comme une voleuse, le cœur battant. J’avais encore le goût de ce baiser sur les lèvres. Ce n’était qu’un instant, qu’un contact… mais un monde s’était déplacé.
Je refermai ma porte sans bruit et m’écroulai sur mon lit. Le nouveau téléphone brillait entre mes doigts comme un trophée. J'avais l’impression d’avoir reçu un secret, un poids doux et brûlant à la fois.
Soudain, des voix montèrent depuis le salon. Maman.Elle semblait fâchée.
— Alexandro, je ne comprends plus ce que tu fais avec Alice ces derniers temps ! cria-t-elle.
Je me redressai et m’approchai discrètement de la porte pour écouter. Leur dispute vibrait contre les murs.
— Tu la gâtes trop ! Elle devient capricieuse, elle change ! Ce n’est pas ça, l’éducation !
— Elle est jeune, laisse-la vivre un peu, agacé. Tu veux qu’elle vive comme une vieille femme à seize ans ?
— Ce n’est pas une question d’âge ! Elle doit rester concentrée, disciplinée. Tu détournes son attention, tu l’éloignes de l’éducation que je lui ai donné
— Mais tu entends comment tu parles ?
— Et j’ai toujours tout fait pour elle. Je sais ce qu’il lui faut.
— Et moi alors ? Je ne suis pas son père peut-être ? Tu crois que parce qu’elle est sortie de ton ventre, je n’ai aucun droit sur elle ? je suis ton mari bon sens
Un silence tomba. Long. Tranchant.
Je n’entendis plus rien. Juste un soupir. Puis des pas lourds. Puis plus rien.Maman n’avait rien répondu. Elle s’était tue. Parce qu’il était son mari. Parce qu’il avait „raison".
Je retournai sur mon lit et activai mon téléphone. L’écran m’aveugla un instant, puis je composai un appel vidéo.
— Wouuuu les filles, regardez ce que j’ai là !
— Aïe ! Alice tu es sérieuse ? C’est le dernier modèle ça !
— Ouais, mon père me l’a offert. Trop cool, non ?
— Trop trop stylée ! On dirait même pas que c’est un beau-père, lui !
Je ris avec elles. Mais au fond de moi, tout sonnait faux. Comme un rire forcé dans une pièce sans écho.
Une semaine passa.La maison semblait avoir retrouvé un calme artificiel. Alexandro ne disait rien. Maman était redevenue absorbée par Alex. Et moi, je flottais quelque part entre deux réalités.
Un mercredi après-midi, alors que j’étais seule à la maison, allongée sur le canapé, mon téléphone vibra. C’était Alexandro
Je décrochai aussitôt.
— Allô papa ?
— Tu fais quoi là, ma princesse ?
— Rien de spécial. Je traîne à la maison.
— Viens me rejoindre. Je suis au cabaret du rond-point. On va prendre un verre tranquille.
Je ne réfléchis même pas. Aucune hésitation.
— J’arrive tout de suite.
Je raccrochai, me changeai rapidement, pris mes écouteurs et sortis comme une flèche, sans prévenir personne. Marchant vers un chemin de non retour.
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