chapitre 5 : L'appel de minuit

Ce soir-là, Maomao s’apprêtait à s’endormir sur le futon qu’elle avait disposé à même le sol de son laboratoire, le menton taché de poudre d’iris et les doigts encore marqués d’encre noire. Une journée banale — ou presque. Les courtisanes de haut rang avaient commandé plus de baumes que d’habitude, comme si la saison des amours s’était soudain déclarée avec les premiers souffles tièdes du printemps.

Mais alors qu’elle étouffait un bâillement, on frappa à sa porte.

Trois coups, rapides. Le rythme discret mais autoritaire des messagers de la haute cour.

— Le noble Jinshi vous convoque immédiatement dans ses appartements privés. C’est urgent.

Elle fronça les sourcils. Urgent ? À cette heure ?

Quel idiot s’était empoisonné cette fois ?

Elle enfila son kimono le plus sobre, attacha rapidement ses cheveux, et suivit l’émissaire à travers les couloirs sombres du palais, baignée par la lumière tamisée des lanternes.

Quand elle entra dans l’aile privée de Jinshi, le silence était total.

Et personne ne semblait souffrir.

Elle le trouva seul, assis près d’un brasero, vêtu d’un kimono de soie fine couleur nuit, brodé de dragons d’encre et de nuages discrets.

— Où est le malade ?, demanda-t-elle d’un ton sec.

Il leva les yeux vers elle, son regard doré irradiant dans la pénombre.

— Ici.

Elle haussa un sourcil.

— Tu sembles en parfaite santé pour un homme mourant.

Il ne répondit pas. Il se leva, lentement, puis marcha vers elle.

— Je suis malade de toi, Maomao.

Elle soupira.

— Ridicule. Tu me fais venir à cette heure pour déclamer des vers ?

— Non. Sa voix s’était faite grave. Je t’ai fait venir parce que je n’en peux plus de te regarder sans te toucher. De te désirer dans chaque geste, chaque mot, chaque silence. Je n’ai jamais connu une femme comme toi. Et je ne veux plus faire semblant de ne pas t’aimer.

Elle eut un mouvement de recul. Mais il n’y avait pas de peur. Seulement cette chaleur troublante au creux du ventre. Cette chaleur qu’il faisait naître depuis des semaines sans jamais la laisser éclore.

— Tu crois que tu peux avoir ce que tu veux, parce que tu es beau et important ?, murmura-t-elle.

— Je ne veux rien que tu ne sois prête à me donner.

Un silence. Un souffle.

Elle regarda ses mains. Elles tremblaient.

Elle aurait dû partir. Elle aurait dû refuser.

Mais elle ne le fit pas.

— Je n’ai jamais été avec un homme, dit-elle dans un souffle presque inaudible.

Il s’approcha encore. Lentement. Comme on s’approche d’un remède rare.

— Alors laisse-moi être le premier. Et le dernier, si tu le veux bien.

Elle ne répondit pas. Mais elle ne le repoussa pas quand il tendit la main vers elle. Quand il effleura son visage. Quand ses lèvres se posèrent doucement sur les siennes.

Le baiser fut d’abord timide. Puis plus profond, plus vrai. Elle sentit son cœur cogner dans sa poitrine, trop fort, trop vite. Et ses doigts agrippèrent le tissu de son kimono.

Il la guida avec une douceur insoupçonnée jusqu’au futon soyeux, aux draps frais et au parfum léger de bois de santal.

Elle se laissa faire, déchirée entre la pudeur et le désir. Chaque geste de Jinshi était mesuré, attentif, presque révérent. Il ne cherchait pas à la prendre — il cherchait à la comprendre, à l’accueillir.

Et quand il entra en elle, lentement, elle se crispa, retenant un cri. La douleur fut vive. Brève. Puis s’estompa. Il l’embrassa à la tempe, au cou, la regarda droit dans les yeux sans un mot.

Elle s’ouvrit à lui, maladroite, tremblante, mais entière. Et dans leurs mouvements mêlés, il n’y eut ni domination ni conquête. Il n’y eut que deux êtres qui, enfin, ne fuyaient plus.

Le matin venu, la lumière dorée se glissa entre les rideaux de soie. Jinshi dormait encore, une main posée sur sa taille nue.

Maomao s’éveilla en silence. Et grimaça.

Tout son corps semblait endolori, raide, un peu meurtri. Mais il y avait une chaleur inconnue dans sa poitrine. Une plénitude étrange. Une tendresse qu’elle ne savait pas nommer.

Elle se redressa lentement. S’habilla sans bruit. Avant de quitter la chambre, elle se retourna une dernière fois.

Il ouvrit les yeux à cet instant.

— Tu pars sans un mot ?, murmura-t-il.

— Tu ronflais.

Il sourit, les yeux brillants.

— Je t’aime, Maomao.

Elle hésita.

Puis répondit, à voix très basse :

— Je sais.

Et elle s’en alla.

Le cœur lourd. Le corps brûlant.

Et l’âme, pour la première fois, troublée d’un bonheur qu’elle n’avait jamais imaginé mériter.

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