Le soleil ne s'était pas encore levé sur Tokyo, mais Izana Kurokawa était déjà debout.
Du haut de son gratte-ciel noir, au sommet de Roppongi Hills, il contemplait la ville comme on contemple un champ de bataille.
En bas, le monde dormait encore. Là-haut, le roi veillait.
Derrière lui, le silence était total. Aucun bruit. Aucune présence inutile. Le parquet sombre de son bureau brillait sous les spots discrets encastrés dans les murs. Tout dans cet espace dégageait puissance, richesse et danger.
Un long fauteuil de cuir noir, un bureau en verre blindé, des écrans intégrés, une cave à whisky encastrée dans un mur, et un large trône d’ébène sculpté, placé en hauteur — comme pour rappeler que même assis, Izana dominait.
Il portait une chemise en soie noire ouverte sur un torse sculpté, un pantalon de costume ajusté, et des chaussures en cuir noir parfaitement cirées.
Ses cheveux blancs, lissés en arrière, brillaient sous la lumière. Sa peau sombre captait les ombres.
Ses yeux lavande pâles, presque irréels, semblaient éteints… jusqu’à ce qu’ils s’allument d’un éclat glacé.
Il sortit un cigarillo, l’alluma, inspira lentement, et regarda la ville comme un empereur regarderait ses terres : avec détachement et contrôle.
La porte en verre blindé s’ouvrit sans bruit.
— Izana.
C’était Kakucho. Toujours le même air calme, la mâchoire serrée, l’œil droit attentif, l’œil gauche barré d’une large cicatrice. Il portait l’uniforme sombre du Tenjiku, veste longue ouverte sur un haut noir.
— Les deals avec le cartel sud-coréen sont finalisés. Ils veulent une réunion.
— Je les reçois ici. Demain soir. Qu’ils se plient à nos règles.
Izana n’élevait jamais la voix. Il parlait bas, lentement. Mais chaque mot était une lame.
— Compris. Tu as reçu le rapport sur les fuites internes ?
Izana tapota deux doigts contre l’accoudoir de son fauteuil.
— Oui. Kisaki enquête. Mais si c’est lui… je le détruis moi-même.
Kakucho ne répondit pas. Il savait qu’Izana ne menaçait jamais en vain.
Un autre homme entra. Ran Haitani, toujours aussi nonchalant, mains dans les poches, longs cheveux tressés tombant sur ses épaules.
— Yo, boss. J’ai entendu dire qu’on avait des parasites dans le système… Tu veux que je les saigne proprement ?
— Pas encore, Ran, murmura Izana. On observe. On attend qu’ils baissent la garde.
Rindou entra à son tour, l’air fatigué, chewing-gum en bouche, tonfa attaché dans le dos.
— Les gars de l’Est veulent retarder le paiement.
— Ils auront deux jours. Après, je veux leurs têtes, dit Izana d’un ton calme, presque tendre.
Ses hommes hochèrent la tête. Ils savaient.
Après le briefing, Izana descendit à la salle du trône.
Un gigantesque hall souterrain, tapissé de noir et d’or, où les membres du Tenjiku les plus importants se rassemblaient.
Le sol était en marbre, les murs ornés de bannières rouges au symbole du Tenjiku — un dragon stylisé entouré de chaînes.
Izana entra. Tous se turent.
Il avançait lentement, imposant, sa seule présence glaçant les bavardages.
Il monta sur l’estrade, s’assit sur son trône en bois noir et en acier, sculpté à son effigie, et croisa les jambes.
Un silence. Puis il leva les yeux.
— Qui me déçoit sera puni. Qui me trahit sera effacé. Qui me sert loyalement… sera immortel.
Un tonnerre d’applaudissements, de cris, de hurlements de guerre résonna dans la salle.
Izana était un roi. Un dieu pour eux.
Plus tard, seul dans son bureau, il regardait une vieille photo qu’il avait sortie d’un tiroir verrouillé.
Un orphelinat. Lui, à genoux, entouré de gamins crasseux.
Le seul à ne pas sourire, c’était lui.
— Tu es au sommet… et tu n’as toujours rien, murmura-t-il pour lui-même.
Il posa la photo, se servit un verre de vin rouge. S’approcha de la baie vitrée.
Ses paupières se fermèrent un instant.
Il se sentait vide. Incomplet. Étrangement las.
Chaque jour, il dirigeait un empire de peur et d’argent. Il était respecté, craint, adulé.
Mais jamais aimé. Jamais compris.
Et ce manque-là, il ne le nommait pas. Il le noyait dans le travail, la puissance, et le sang.
La nuit était tombée sur Tokyo.
Les néons des buildings traçaient des lignes rouges et blanches sur les vitres du penthouse d’Izana, à plus de soixante étages au-dessus du sol.
Le silence y régnait toujours, comme une consigne. Même la ville semblait s’étouffer en sa présence.
Il s'était installé dans le grand canapé noir, un verre de whisky pur à la main.
Sa chemise entrouverte laissait deviner ses clavicules, et un collier en onyx discret battait contre sa peau. Il fixait l’écran du grand mur, sans vraiment le regarder. Une émission d’actualités passait, sans intérêt. Il n’écoutait pas. Il pensait.
Un cliquetis léger brisa le silence.
La porte du salon s’ouvrit.
— Bonsoir, Izana. Tu m’as fait appeler ?
C’était Saya, une des nombreuses femmes qu’il avait connues. Belle. Très belle, même. Grande, silhouette sculpturale, lèvres pulpeuses, robe noire moulante, talons qui claquaient avec une assurance étudiée.
Elle s’approcha de lui lentement, avec ce sourire aguicheur qu’elle savait utiliser.
— Tu as l’air tendu ce soir… Tu veux que je te détende ?
Izana ne tourna même pas la tête. Il but une gorgée, lentement.
— T’es en avance.
— J’avais envie de te voir.
Elle vint s’asseoir à côté de lui, croisant les jambes, posant une main sur sa cuisse avec une audace qu’elle croyait séduisante. Il ne réagit pas. Son regard restait vide, son souffle calme.
— Tu penses à quoi ? demanda-t-elle en glissant ses doigts sur son torse.
— À rien.
— Tu mens.
Elle rit doucement, puis pencha la tête vers lui. Elle chercha ses lèvres. Izana la laissa faire.
Le baiser fut lent… mais vide. Il ne répondit pas vraiment. Pas de feu. Pas de frisson.
Juste un contact mécanique.
Après un instant, il se redressa légèrement et murmura, presque las :
— Tu peux t’en aller, maintenant.
Elle le regarda, blessée dans son orgueil.
— Tu me jettes comme ça ? Sans même un mot ?
— Je t’ai jamais promis autre chose, Saya. Tu veux des émotions ? T’es venue chez le mauvais homme.
Elle serra les dents, se leva sans rien dire, remit son talon, et sortit avec un claquement de porte feutré.
Izana resta seul. Comme toujours.
Il passa une main sur son visage, soupira. Ce genre de scène se répétait souvent.
Toutes les femmes qu’il fréquentait n’étaient que des distractions. Il ne cherchait ni tendresse, ni profondeur. Il ne leur offrait rien, à part une nuit, peut-être deux. Jamais plus.
Il ne leur confiait rien. Il n’écoutait jamais vraiment leurs mots.
Et il ne gardait aucun souvenir d’elles. Juste des prénoms oubliés, des parfums qui se ressemblaient tous.
Il n’avait pas de place pour l’amour. Pas de place pour l’attachement.
Il était trop méfiant. Trop froid. Trop seul, peut-être… mais incapable de se l’avouer.
Il se leva, se dirigea vers la baie vitrée, s’accouda. Les lumières de Tokyo vibraient à ses pieds.
Et quelque part, dans ce silence, une pensée étrange traversa son esprit.
> Est-ce qu’il existait quelqu’un, quelque part… qui pourrait un jour ne pas trembler devant lui ? Ne pas le désirer pour son nom, son argent, son pouvoir ?
Il rit doucement. Ironique.
— Non. Personne.
Et pourtant… au fond, il savait que cette solitude-là, il ne la combattrait jamais avec un corps contre le sien.
Il lui faudrait une âme. Une présence. Une voix qui ne tremble pas. Un regard qui le traverse.
Quelqu’un qui ne cherche pas à le séduire… mais qui le voit vraiment.
Et cette personne, il ne l’avait pas encore rencontrée.
Pas encore.
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Comments
delilah
j aime la façon dont ça part
2025-07-10
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