Le café avait quelque chose de doux.
Une lumière tamisée filtrait à travers les grandes vitres, les conversations étaient feutrées, les tasses de porcelaine s’entrechoquaient discrètement.
Maëlle était installée dans un coin, près d’une étagère remplie de livres aux couvertures délavées. Elle regardait son téléphone, rafraîchissant une conversation qui ne bougeait plus.
Son ami avait annulé. À la dernière minute. “Désolé, imprévu.”
Elle avait haussé les épaules. Ce genre de choses arrive. Elle avait commandé un thé, décidé de rester. Elle aimait ce lieu, sa tranquillité.
Et puis une femme s’approcha.
Élégante. Sûre d’elle. Vêtue d’un manteau noir parfaitement cintré. Des cheveux blonds relevés avec une précision presque militaire.
Et ce regard.
Froid. Fixe. Profond comme un lac gelé.
Léna.
Sans un mot, elle s’installa en face de Maëlle. Un sourire poli sur les lèvres. Ni chaleureux, ni menaçant. Juste… posé.
Maëlle la regarda, surprise.
— Euh… Bonjour ?
Léna croisa les jambes lentement.
— Tu es Maëlle, n’est-ce pas ?
La voix était douce. Contrôlée. Chaque syllabe avait le poids d’une lame bien affûtée.
— Oui… on se connaît ? demanda Maëlle, légèrement sur la défensive.
— Non. Pas encore, répondit Léna.
Mais je te connais. Enfin… un peu.
Un silence. Léger, mais dense.
Maëlle fronça légèrement les sourcils. Elle chercha dans ses souvenirs. Ce visage… rien. Elle n’avait jamais vu cette femme. Et pourtant, il y avait quelque chose d’inquiétant dans sa présence.
— Je suis désolée, dit-elle enfin, tu veux… quelque chose ?
Léna pencha doucement la tête.
— Juste discuter. Cinq minutes.
Tu vois, j’ai une passion : je m’intéresse aux gens qui ne savent pas où ils mettent les pieds.
Maëlle sourit, un peu tendue. Une tentative d’humour, peut-être.
— Tu parles en énigmes ou tu vas finir par dire ce que tu veux vraiment ?
Mais Léna ne réagit pas à la provocation. Elle fixa Maëlle, calmement.
— Tu crois que l’amour, c’est innocent ? demanda-t-elle.
Que les cœurs sont comme des chambres d’hôtel, prêts à accueillir le prochain client avec le sourire ?
Maëlle resta figée.
— Pardon ?
— Juste une question.
Quand tu t’es penchée vers lui… tu savais qu’il appartenait à quelqu’un ?
Un souffle se coupa.
Maëlle comprit.
Ou plutôt : une partie d’elle comprit. L’autre voulait encore nier.
— Qui es-tu ? murmura-t-elle, la voix plus basse.
Alors, Léna sourit pour de vrai. Un sourire lent. Tranchant.
— Je suis celle qui ne partage pas.
Celle qu’on ne voit pas arriver.
Celle qui regarde, qui note… et qui agit sans jamais se salir les mains.
Elle se leva.
Sortit un petit papier plié de sa poche. Le déposa sur la table, juste devant Maëlle.
— Qu’est-ce que c’est ?
Léna ne répondit pas. Elle jeta un dernier regard. Pas de colère. Pas de haine.
Juste cette certitude glaciale dans les yeux.
— Tu as encore le choix, dit-elle en s’éloignant.
Quitte le jeu.
Ou tu deviendras la pièce qu’on sacrifie sans remords.
Sa silhouette se fondit dans les passants qui défilaient derrière la vitre, comme une ombre qui glisse et disparaît.
Maëlle resta seule.
Le cœur battant.
Elle déplia le papier. L’écriture était fine, droite, presque élégante. Une adresse. Une date. Un nom. Et en bas, ces mots :
“On n’approche pas ce qui est déjà marqué.
Ce n’est pas une menace. C’est une réalité.
Tu viens d’entrer dans un territoire où l’amour devient fatal.”
Elle sentit un frisson parcourir son dos.
Pas de cri.
Pas de sang.
Juste un avertissement, murmuré avec une précision chirurgicale.
Et Maëlle comprit : ce n’était pas une guerre d’amour.
C’était une partie d’échecs.
Et Léna venait d’annoncer l’ouverture.
***Téléchargez NovelToon pour profiter d'une meilleure expérience de lecture !***
5 épisodes mis à jour
Comments