La femme au yeux de lumière

Quelques mois plus tard, alors que le printemps baignait Elion’Naer d’une lumière nouvelle, Aelstrom fit son apparition, accompagné de Silastrya et de Lyséa, la petite fée lumineuse. Fidèle à sa promesse, le roi-dragon venait prêter main forte à la reconstruction du royaume elfique.

Mais cette fois, Silastrya n’était plus la vouivre aux ailes éclatantes que tous avaient connu durant la guerre. Grâce au pouvoir d’Aelstrom, elle avait acquis une forme humaine, majestueuse et troublante. Pourtant, personne ne la reconnut.

Sa chevelure argentée, lisse et abondante, tombait jusqu’à sa taille, retenue partiellement par une coiffe élégante ornée de rubis, de fils d’or et de pierres en cascade. Son regard, d’un violet lumineux, transperçait ceux qui croisaient ses yeux. Ses lèvres, pleines et teintées d’un rouge prune, ne dessinaient que de rares sourires, mais chacun semblait porter un millier de secrets. Elle portait une longue robe aux teintes sombres parsemées de motifs floraux aux éclats d’or et de grenat, glissant autour d’elle comme un voile d’ombre et de noblesse.

Il émanait d’elle une autorité naturelle, une beauté mystique, presque divine. Une aura qui imposait le respect sans un mot.

À ses côtés, Lyséa, minuscule en apparence mais éclatante d’énergie, voletait gaiement entre les ouvriers, semant des poussières lumineuses sur les pierres et les poutres. Sa présence insufflait espoir et douceur dans ce lieu en pleine renaissance.

Aelstrom, quant à lui, marchait d’un pas calme et assuré au milieu des siens, son regard d’ambre balayant les chantiers et les visages. Il n’avait rien dit de son arrivée. Il était simplement venu, fidèle à sa parole, guidé par sa loyauté envers ceux qu’il considérait à présent comme ses alliés… et peut-être plus encore.

Le peuple des elfes s’inclina à son approche. Certains murmurèrent à propos de la mystérieuse femme à ses côtés, s’interrogeant sur son identité. Mais personne n’osa poser la question.

Et Aelstrom ne donna aucune réponse.

Silastrya, Aelstrom et Lyséa furent chaleureusement accueillis, bien que la surprise se lisait encore dans les regards. Les elfes, fatigués mais vaillants, avaient appris à reconnaître leurs véritables alliés, et leur arrivée fut perçue comme un signe du destin.

Aelstrom ne resta pas spectateur. Très vite, il se joignit aux efforts, enlevant sa cape, remontant ses manches. On le vit soulever des pierres, organiser les lignes de travail avec efficacité, parler d’égal à égal avec les artisans nains envoyés par Durok, et même sourire devant les chamailleries des demi-humains. Cela étonna plus d’un, surtout ceux qui ne l’avaient connu que sous sa façade de roi impitoyable.

Ce jour-là, il prit un moment pour discuter avec les frères et sœurs d’Ilmarion, dans l’intimité d’un pavillon en construction.

Elaria, droite et digne comme toujours, l’observa en silence avant de le saluer d’un hochement de tête. À ses côtés, Kaelen, les bras croisés, semblait mesurer chaque mot du roi, tandis que Aerys, plus jeune mais tout aussi éveillé, jetait des coups d’œil curieux à la femme inconnue qui accompagnait Aelstrom.

— Tes hommes ont été d’une aide précieuse, dit Elaria. Et ta présence ici, Aelstrom, prouve que nos liens ne sont plus que diplomatiques.

— Je ne fais que tenir une promesse, répondit Aelstrom calmement. Ilmarion aurait souhaité que je veille sur vous. Je le fais de bon cœur.

Un silence suivit, lourd de non-dits. Kaelen le rompit finalement.

— Parle-nous de lui. De ce qu’il est devenu. Tu sais quelque chose que nous ignorons.

Aelstrom fixa un instant le ciel clair, comme s’il cherchait ses mots.

— Il est en vie. C’est tout ce que je peux dire.

Le regard d’Elaria s’adoucit. Elle, au fond, savait déjà. Ilmarion lui avait confié son entrée dans Anzara. Elle n’avait rien dit à ses frères, respectant la volonté de leur aîné.

— Et elle ? demanda Aerys en désignant Silastrya du menton.

Silastrya tourna la tête vers eux, son regard violet luisant d’une lumière ancienne. Aelstrom répondit avec un soupçon de malice :

— Une vieille amie. Bien plus ancienne que ce que l’on peut imaginer.

Lyséa, installée sur l’épaule de Kaelen, gloussa :

— Plus vieille que moi, c’est certain. Et c’est dire !

Tous rirent doucement, relâchant un peu la tension. L’instant était simple, mais précieux. Un moment d’humanité au milieu des décombres et des espoirs.

Aelstrom se leva peu après, rejoignant les bâtisseurs pour reprendre le travail, suivi de Silastrya, dont les pas étaient aussi gracieux que silencieux. Son mystère restait intact, mais sa présence apportait une étrange quiétude.

Ce soir-là, les étoiles brillèrent plus fort. Comme si elles aussi, saluaient la reconstruction… et la promesse d’un avenir nouveau.

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