La brume du matin caressait les vallées d’Elion’Naer, le royaume elfique jadis prospère, désormais réduit à un champ de ruines silencieuses. Les oiseaux, longtemps absents, commençaient à revenir, comme si eux aussi sentaient que l’obscurité s’était enfin retirée. Au sommet d’une colline, Elaria observait l’horizon. Son visage, empreint de fatigue, trahissait les nuits sans sommeil. À ses côtés, Kaelen ,Aerys ,Lysha et Naelia scrutaient eux aussi les terres de leur enfance.
« Rien n’est plus comme avant… » murmura Kaelen en serrant les poings.
« Non, mais ce n’est pas une fin. C’est un début, » répondit Elaria avec une douceur ferme. « Père voulait que nous nous relevions. Alors relevons-nous. »
Ils avaient quitté le château d’Aelstrom deux jours plus tôt, accompagnés d’un petit contingent d’elfes survivants, protégés par une poignée de soldats fyrliths envoyés par le roi lui-même. Aelstrom avait tenu parole : il avait promis son aide, et il l’avait fournie. Durok, roi des nains, était arrivé peu après leur retour sur leurs terres, escorté d’artisans bardés de marteaux et de runes gravées.
« Nous allons rebâtir pierre par pierre. Vos palais, vos tours… et vos rêves aussi, » avait-il dit, le regard perçant, une main posée sur l’épaule de Kaelen.
À cela s’étaient ajoutés les druides de la grande forêt, sortis de leur isolement après des siècles de silence. Leur magie ancienne imprégnait déjà le sol, accélérant la repousse des arbres calcinés, apaisant les eaux troublées et redonnant force aux terres meurtries. Même les demi-humains, souvent rejetés et marginalisés, avaient répondu à l’appel. Menés par une jeune femme aux yeux dorés et à la peau marbrée de mousse, ils s’étaient présentés sans arme, mais avec une volonté farouche de bâtir un avenir commun.
Elaria rassembla ses frères au centre des ruines du vieux palais royal. Seuls quelques murs tenaient encore debout, tels des fantômes du passé. Là, entourés d’ouvriers, de bâtisseurs et de soldats, elle prit la parole.
« Ce sol a connu la beauté, puis le feu, puis le sang. Mais il connaîtra de nouveau la vie. Nous ne sommes plus seulement un peuple d’elfes. Nous sommes un peuple survivant, un peuple debout. Nous ne reconstruisons pas un trône, mais un foyer. Que chacun ici trouve sa place, et que chacun soit respecté. »
Ses mots, portés par le vent, trouvèrent écho dans les cœurs. Même les nains, d’ordinaire peu enclins aux envolées lyriques, hochèrent la tête en silence.
Kaelen prit en charge l’organisation militaire et la défense du territoire. Il forma des escouades mixtes, intégrant elfes, humains et demi-humains. Il ne voulait plus de frontières dans la reconstruction. De son côté, Aerys aidait les enfants, pansait les blessures, et récoltait chaque jour des récits des survivants pour les consigner. Il disait que les histoires étaient les fondations de l’âme d’un royaume.
Les jours passèrent dans une cadence rythmée. Le bruit des marteaux répondait aux chants des druides, les rires des enfants aux grondements des enclumes. Le feu qui avait tout détruit servait désormais à forger des poutres, des lames, des arcs. Elaria observait cela avec une émotion discrète, mais constante. Elle pensait souvent à Ilmarion. Le vide laissé par son absence était un gouffre qu’aucune joie ne comblait tout à fait.
Parfois, elle recevait une lettre. Une missive scellée d’un sceau draconique, où Aelstrom, en mots rares mais sincères, lui donnait des nouvelles. Il venait régulièrement voir Ilmarion. Le jeune elfe reposait toujours dans la forêt des esprits, paisible, immobile. Son corps ne se fanait pas, ne vieillissait pas. Il dormait, pris dans l’Anzara, ce sommeil antique que seuls les dieux comprenaient vraiment.
Elaria ne partageait cette vérité avec personne. Pas encore. Le peuple avait besoin d’espoir, mais aussi de paix. La vérité attendrait que les fondations soient solides.
Un soir, alors que la lune baignait les ruines d’une lumière opaline, elle leva les yeux vers les étoiles. Kaelen la rejoignit, une coupe de vin à la main.
« Tu penses à lui, pas vrai ? »
« Toujours, » répondit-elle sans détour.
Il s’assit à ses côtés. « Il reviendra. Je le sais. Il ne nous aurait pas laissés autrement. »
Elle hocha lentement la tête, puis serra sa main.
« En attendant, on tient le flambeau. »
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