Kahalya Livre1

Kahalya Livre1

Chapitre 1 La naissance d’un destin

Dans le lointain royaume de Zoha, une terre où les lois patriarcales s’étaient incrustées dans chaque pierre des cités, les femmes n’étaient que des ombres silencieuses derrière les grands hommes. Leur existence n’avait pour but que de donner la vie et de l’élever, pendant que les hommes bâtissaient, régnaient, ordonnaient.

Pourtant, dans la ville de Soo, blottie entre les collines violettes et les vastes plaines du nord, un événement allait silencieusement ébranler l’ordre du monde. Une nuit d’été, sous un ciel constellé d’étoiles brillantes comme des flambeaux célestes, une petite fille naquit dans une humble demeure de la rue de la Petite Maison. Cette naissance, qui aurait dû être accueillie par les chants et les cloches selon la coutume ancestrale, se fit dans le secret le plus absolu. La mère, Evaline, était à l’article de la mort. Le souffle court, les joues creusées par l’épuisement, elle tenait entre ses bras tremblants ce petit être qui venait de percer les ténèbres de la nuit avec un cri frêle. Le bébé possédait des mèches d’un rouge incandescent, dispersées sur son crâne fragile, comme si le feu même s’était logé dans ses cheveux.

D’un fil de voix, Evaline murmura :

— Dorénavant, tu porteras le nom de Kahalya, comme notre première reine…

Ses yeux fatigués, chargés d’amour et de mystère, se posèrent une dernière fois sur son mari, Karl, accablé par la peur et la douleur. Dans un ultime souffle, elle ajouta :

— Veille sur elle… Elle est ton trésor, ton unique raison de tenir. Ne lui révèle rien avant son dixième anniversaire. Et surtout… que le roi ne découvre jamais son existence… Pas avant qu’elle ne connaisse la vérité elle-même… Je t’aime, mon amour…

Et ainsi, Evaline rejoignit les étoiles qui, quelques heures plus tôt, avaient annoncé l’arrivée de sa fille. Dans l’obscurité lourde de cette nuit tragique, un cri rauque et sauvage s’échappa de la gorge de Karl. Il pleura. Il maudit. Il frappa le sol de ses poings. Il hurla contre les dieux, contre le roi, contre la prophétie, contre ce destin cruel. Et pourtant, quand il releva les yeux vers l’enfant, quelque chose changea. Elle les avait ouverts. Deux orbes d’or pur le fixaient, tels des fragments de lumière divine. Dans ce regard, il vit tout à la fois la promesse d’un avenir impossible et le souvenir de celle qu’il venait de perdre. Dans les jours qui suivirent, des rumeurs étranges circulèrent. Partout dans le royaume, des enfants naissaient avec des cheveux rouges ou des yeux dorés. Mais aucun ne possédait les deux. Aucun, sauf Kahalya.

Karl éleva sa fille dans une discrétion absolue. Il tenait un journal où il consignait chaque détail de sa vie : ses premiers mots, ses premiers pas, ses peurs, ses rires. Il lui apprit à se méfier du regard des autres, lui imposa de porter des lentilles correctrices pour dissimuler ses yeux dorés. Une précaution nécessaire. Un secret à préserver à tout prix. Malgré ces mystères, Kahalya grandit comme une enfant simple, dans la pauvreté d’un quartier oublié par les puissants. Elle portait des habits rapiécés, sa peau était souvent couverte de poussière, ses cheveux emmêlés de brindilles et de feuilles. Les autres enfants se moquaient d’elle. Elle n’y prêtait pas attention. Elle savait qu’elle n’était pas comme eux.

Quand Karl tomba malade peu après ses dix ans, la jeune fille prit en main leur survie. Chaque matin, elle grimpait les pentes abruptes de la montagne pour y cueillir l’ayora, une plante rare que l’apothicaire Shio lui avait conseillée. Elle en faisait des infusions pour soulager les douleurs de son père. Malgré ses mises en garde — “Cela ne guérira pas son mal, petite. Cela retardera juste l’inévitable.” — Kahalya espérait encore.

Un jour, une tempête violente éclata. Le ciel déversa ses larmes en cataractes. Kahalya ne rentra pas. Inquiet, Karl rassembla ses forces et partit la chercher. Mais la montagne, ce soir-là, était trop dangereuse. Il revint, trempé, le cœur lourd, espérant qu’elle avait trouvé refuge. Elle réapparut le lendemain à l’aube, fatiguée, mais indemne, portant deux fois plus d’ayora qu’à l’habitude. Elle raconta avoir dormi dans une grotte abandonnée, marquée par des traces d’ours ou de loups. Une peur ancestrale résonnait dans sa voix, mais aussi une fierté nouvelle.

Deux années passèrent. Karl s’affaiblissait chaque jour. Des taches sombres envahissaient sa peau. Lorsqu’arriva le treizième anniversaire de Kahalya, la ville célébrait en grande pompe cette étape. Les jeunes filles défilaient, parées de robes vives et de rubans. Kahalya, vêtue d’une robe jaune aux paillettes dorées, reçue d’une voisine compatissante, rayonnait malgré la tristesse dans ses yeux.

Un mois et demi plus tard, son père l’appela à son chevet.

— Kahalya… Mon enfant…

Il lui désigna une petite boîte sur l’étagère. Sa voix était faible mais ferme :

— Quand je ne serai plus là, prends-la. Elle contient un peu d’argent, une lettre… et un médaillon. Il y a notre photo, à ta mère et moi. Prends-en soin. Et surtout, ne pleure pas trop longtemps…

Puis il ferma les yeux pour la dernière fois.

Kahalya resta une semaine entière à veiller son corps, pleurant sans relâche. Puis elle se leva. Elle ouvrit la boîte. Elle y trouva une bourse contenant dix mille koans, assez pour survivre une décennie si elle vivait sobrement. Elle s’empara du médaillon, le passa autour de son cou, et prit enfin la lettre.

Elle la lut à haute voix, la gorge nouée :

Si tu lis ces mots, c’est que je ne suis plus à tes côtés. Tu dois être forte, ma fille. Le destin du royaume repose sur toi. Voici la prophétie :

Un jour, une pluie d’étoiles baignera Zoha d’une lumière céleste. Ce soir-là, une enfant naîtra, aux yeux couleur d’or et à la chevelure rouge sang. Les Six Dieux Majeurs la protégeront. Elle devra épouser le prince héritier et devenir reine. Si elle venait à disparaître, la colère divine s’abattrait sur nous tous.

Tu es cette enfant. Cache ton regard. Protège ta vérité. Ne révèle rien tant que tu n’en sais pas plus. Et fais croire que je suis encore vivant, pour un temps. Je t’aime plus que tout. Ton père.

Kahalya replia la lettre avec soin. Une nouvelle ère s’ouvrait devant elle — une vie de silence, de prudence, et de destin à accomplir. Une vie qu’elle n’avait pas choisie, mais qu’elle ne fuirait pas.

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