Chapitre 8 : Éclipse lunaire

Hely avait finalement accepté de se faire opérer, bien que la décision lui ait coûté un effort émotionnel considérable. L’opération venait tout juste de se terminer, et le jeune homme se remettait à l’hôpital sous l’œil attentif de Luc, qui passait ses journées à veiller sur lui.

Assis sur une chaise près du lit, Luc regardait son ami avec un mélange de soulagement et d’appréhension. Hely, allongé, avait encore des bandages couvrant ses yeux. Le médecin leur avait assuré que la récupération prendrait du temps, mais les premiers signes étaient encourageants.

« Tu n’as pas des cours à suivre, toi ? » finit par demander Hely, rompant le silence. Sa voix était douce, mais légèrement amusée.

Luc haussa les épaules, un sourire en coin.

« Je suis assez intelligent pour ne pas avoir à aller en cours, » répondit-il avec une pointe de fierté.

Hely sourit en retour, devinant qu’il disait la vérité.

Un silence confortable s’installa à nouveau entre eux, avant qu’Hely ne tende timidement une main dans sa direction.

« Je me demande… » murmura-t-il.

« Quoi ? » demanda Luc, intrigué.

« À quoi tu ressembles. »

Luc resta figé un instant, surpris par la remarque. Mais avant qu’il ne puisse répondre, Hely poursuivit :

« Je peux ? »

Luc hésita, mais finit par acquiescer doucement, bien que Hely ne puisse pas le voir.

La main du jeune homme s’approcha lentement de son visage, et lorsqu’il le toucha, ses doigts glissèrent sur la peau avec une délicatesse presque timide. Hely sentit une mâchoire bien définie, anguleuse, avec des lignes nettes et précises. Ses doigts remontèrent le long d’un nez droit et proportionné, à l’arête marquée mais élégante.

Lorsqu’il atteignit les lèvres de Luc, il les trouva fines et fermes. Il sentit le souffle de Luc s’accélérer légèrement.

Luc déglutit bruyamment, puis attrapa doucement le poignet de Hely, sa poigne ferme mais hésitante.

« He… Hely… » bégaya-t-il, sa voix tremblante.

Hely laissa échapper un léger rire, amusé par la nervosité de son ami.

« Tu sembles très beau… » dit-il simplement, un sourire étirant ses lèvres.

Luc sentit son visage s’empourprer, et il détourna instinctivement les yeux, bien que Hely ne puisse pas le voir.

« Arrête de dire des trucs comme ça… » marmonna-t-il, embarrassé.

« Pourquoi ? Ce n’est pas vrai ? » répondit Hely, son sourire s’élargissant.

Luc relâcha doucement son poignet, croisant les bras dans une tentative maladroite de retrouver une contenance.

« Je… je sais pas, » balbutia-t-il, évitant soigneusement de croiser son regard, même si ce dernier était encore caché derrière les bandages.

Hely, toujours souriant, laissa retomber sa main sur le drap et tourna légèrement la tête dans sa direction.

« Tu es vraiment une énigme, Luc, » murmura Hely doucement, brisant le silence.

Luc haussa un sourcil, surpris par cette remarque.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? » demanda-t-il, son ton teinté d’inquiétude.

Hely resta silencieux quelques instants, semblant chercher ses mots.

« Tu fais tout pour moi. Tu restes à mes côtés alors que tu pourrais être ailleurs, vivre ta vie… Mais parfois, j’ai l’impression que tu n’es pas totalement toi-même quand tu es avec moi. »

Luc cligna des yeux, déstabilisé par la franchise du jeune homme.

« Je… je ne sais pas ce que tu veux dire, » balbutia-t-il.

Hely hocha légèrement la tête, comme s’il s’attendait à cette réponse.

« Pourquoi tu m’aides autant ? » demanda-t-il, sa voix basse mais chargée de curiosité.

Luc ouvrit la bouche, mais avant qu’il ne puisse répondre, Hely grimaça soudainement, portant une main tremblante à sa tête.

« Hely ! Qu’est-ce qui se passe ? » s’exclama Luc, se redressant vivement sur sa chaise.

Hely sentit une douleur vive le transpercer, comme une aiguille qui s’enfonçait profondément dans son esprit. Il ferma les yeux, sa respiration s’accélérant alors que des images floues et confuses envahissaient son esprit.

Un souvenir épars émergea : un grand frère. Pas Soan. Non, quelqu’un d’autre. Il ne pouvait pas voir son visage, mais il se souvenait vaguement d’une voix. Une voix douce et rassurante. Une chaleur qui semblait le réconforter, une présence familière qui lui avait autrefois donné un sentiment de sécurité.

Luc, le voyant pâlir et trembler, s’agenouilla près du lit, son inquiétude grandissant à chaque seconde.

« Hely, parle-moi ! Qu’est-ce que tu ressens ? »

Hely ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Sa main, toujours posée sur sa tête, tremblait visiblement.

« Je… j’ai un frère… » murmura-t-il enfin, sa voix à peine audible.

Luc sentit son cœur s’arrêter une fraction de seconde.

« Un frère ? » répéta-t-il doucement.

« Pas Soan… quelqu’un d’autre… » ajouta Hely, son souffle court.

Avant que Luc ne puisse poser d’autres questions, il remarqua l’intensité de la douleur sur le visage de Hely et se précipita vers le bouton d’appel d’urgence.

Quelques instants plus tard, un médecin entra dans la chambre, suivi d’une infirmière. Luc, les mains tremblantes, expliqua rapidement ce qui venait de se passer, insistant sur l’expression de douleur qu’il avait vue sur le visage de son ami.

Le médecin s’approcha, vérifiant rapidement les signes vitaux de Hely et demandant à l’infirmière de préparer des examens complémentaires.

Luc, debout dans un coin de la pièce, serra les poings. Et si Hely se rappelait d'eux ? Allait-il leur accorder la même importance que dans sa première vie ?

Il regarda Hely qui semblait toujours souffrir et serra le poing. Nox qui avait grandi avec sa famille était timide et ne souriait que très rarement alors que Hely était semblable à un rayon de soleil tel le jeune garçon de ses souvenirs. Si Nox n'avait pas choisi de sauver Aurora, il aurait sûrement eu moins mal mais semblerait moins heureux.

Luc regarda alors sa main qui saignait encore. A partir de maintenant, Hely sera le seul. Nox n'existera plus.

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