Chapitre 3 (première partie)

~Cannelle~

22hrs presque et c'est maintenant que je quitte le restaurant.

Normalement, je suis censée finir à 20hrs et rentrer sans trainer pour éviter d'avoir la femme de mon oncle sur le dos. Mais le connard de client qui a jeté son dévolu sur moi pour aucune raison a changé les donnes.

Après son départ précipité par la rage de lui avoir tenue tête, le boss avait encore demandé à me parler et cette fois, il m'a passé un sérieux savon.

"Je sais que tu as raison Cannelle, mais va falloir supporter les humeurs de certains clients, c'est comme ça".

Non mais, et puis quoi encore ?!...

Donc tout ce que j'avais à faire moi c'est de me la fermer pendant que "son Altesse Royale" me traite de pute?

Sans déconner.

Comme je l'ai dit... s'il avait pour habitude de traiter ainsi la femme, désormais lorsque l'envie lui viendra, il se rappellera de ce qui s'est passé avec moi. Ça le pousserait certainement à ne plus être le connard parfait qu'il est l'enfoiré.

Je suis peut-être des celles qui ne cherchent pas des noises aux gens et je déteste me faire remarquer mais faut pas abuser non plus...

Non mais quoi, il a pensé qu'il pouvait me traiter ainsi et s'en tirer sans aucun problème ?...

Causes toujours enfoiré !

Je le déteste tellement, s'il le savait !...

C'est bien la première fois que je déteste autant une personne sans même le connaître un tout petit peu.

En moins de 24hrs, il a réussit à réveiller la rebelle qui sommeillait en moi...

J'ai quand même présenté mes excuses à monsieur Kane lui promettant que cela n'arrivera plus.

Et j'espère pouvoir tenir cette promesse. J'espère sincèrement ne plus jamais tomber sur un client pareil mais si jamais cela arrive... par pitié seigneur, donnez moi la force de royalement l'ignorer.

Je lâche un petit soupir puis m'arrête à mon carrefour habituel pour me trouver un taxi. Je devais en commander un mais j'ai le réseau qui balance depuis alors je suis obligée d'attendre, espérant en trouver rapidement, il commence à se faire tard.

Nadine voulait que je rentre dormir chez elle mais j'ai refusé.

C'est pas l'envie qui me manque...mais je veux éviter tout problème avec Lydie. Elle ne manque pas une occas pour me faire des histoires. Et s'il s'avère que j'ai passé la nuit dehors, elle sera en permanence sur mon dos et trouvera des moyens pour que mon oncle le prenne autrement.

Et pourtant... Christelle découche quand elle veut...

Quand mon oncle n'est pas là je précise.

Plus de trente minutes à poireauter ici et pas un seul taxi. Je n'arrive toujours pas à en commander un non plus, que faire? Marcher?...

Bah oui.

Je crois vraiment que je n'ai pas le choix. De toute façon, à quarante cinq minutes de marche je serai à la maison. C'est pas la première fois que ça m'arrive...

Je souffle et me mets en route tout en essayant de papoter avec Mila pour tuer le temps pendant ma marche... mais encore, le réseau n'en fait qu'à sa tête. Tous les appels que je lance sont rejetés...

Je soupire.

Depuis quand il y a autant de souci de réseau dans cette ville ?...

Et puis... pourquoi j'ai l'impression que les rues sont dessertes aujourd'hui ?...

C'est pas une impression, c'est un fait.

Il n'y a pas un chat, c'est dingue.

Un étrange frisson me parcourt l'échine et je fronce les sourcils tout en me frottant les bras pour me réchauffer.

Mais bon sang, c'était quoi ça ?!...

Il fait sacrement chaud pour avoir un frisson pareil.

Calme toi Cannelle tout va bien.

Pas la peine de paniquer, d'accord ?...

C'est pas comme si c'était la première fois que tu te tapes le trajet à pied.

Oui mais sauf que pour les autres fois, les rues n'étaient pas aussi dessertes et il y avait même quelques véhicules qui me dépassaient.

Je ferme les yeux quelques secondes, secouant la tête pour chasser les pensées négatives qui surgissent dans mon esprit.

Tout va bien.

Les anges de l'Éternel m'accompagnent toujours, puis...mes parents veillent sur moi, il ne pourra rien m'arriver.

J'essaye de me convaincre, mais les battements irréguliers de mon cœur ne m'aident pas vraiment.

Je jette un coup d'œil rapide derrière moi et il n'y a personne en vue. Je suis seule... accompagnée de mes pas incertains qui perturbent ce silence affreusement glauque... et les battements de mon cœur qui deviennent de plus en plus rapide.

Je regarde l'heure sur mon téléphone : 23h30.

Mais merde, pourquoi l'heure file autant aujourd'hui comme si elle avait le feu aux fesses ?!...

Je remets le téléphone dans mon sac puis accélère les pas...le cœur toujours battant.

Après des minutes à galérer avec la peur au ventre, je soupire de soulagement en voyant que j'approche enfin à la rue qui mène dans la cité où j'habite.

D'accord, ça me prendra un peu plus de dix minutes, mais au moins, j'ai fait plus que la moitié du trajet.

Mon cœur dégringole dans ma poitrine et je me crispe violemment alors qu'un hurlement incontrôlé parvient à mes oreilles.

Ça n'était pas un chien.

C'était un humain

Je m'arrête pour regarder derrière moi mais je ne vois personne... et pourtant je n'ai pas rêvé, quelqu'un a hurlé.

J'accélère encore plus les

pas et tout à coup, j'entends le vrombissement d'une voiture.

Il est bruyant...et...j'ai encore plus peur.

Mais bon sang qu'est-ce qui m'arrive ? Pourquoi cette sensation étrange aujourd'hui ?

Le bruit du vrombissement se rapproche de plus en plus et moi j'accélère encore plus les pas.

Des voitures passent tout le temps dans ce secteur oui, mais avec cette sensation étrange et ce frisson qui me glace tous les os, je peux pas me contenter à seulement imaginer ce qui peut arriver.

Je cours presque alors qu'une Mercedes blanche surgit dans mon dos à une vitesse grand V. Et sa vitre, une tête y est penchée et un nouveau hurlement retentit.

C'était bien cette personne qui gueulait tout à l'heure.

Mais ils sont malades ?

Personne ne pourra survivre si jamais il y a eut un accident...

Mais qu'est-ce que je dis moi?!

En quoi ça me regarde ?

Bouge tes fesses Cannelle et tire toi, ces types ne sont clairement pas commodes, vaut mieux pas les avoir sur ton chemin.

La voiture me dépasse et je me hâte de franchir le seuil de ma cité. Je suis certaine d'être en sécurité là, parce qu'il y a des gardiens partout.

Un nouveau vrombissement attire mon attention...et cette fois, le bruit vient de devant.

Je n'eus pas le temps de me poser des questions que la même voiture surgit à nouveau en plein.

Mais fait chier, qu'est-ce qu'ils foutent?!

Je...je vous en prie seigneur, faites qu'ils me dépassent à nouveau. Je suis déjà arrivée...

S'il vous plaît seigneur.

Mais pourquoi j'ai autant peur ?

Pourquoi j'ai l'impression qu'il va m'arriver quelque chose ?

Le grincement des pneus de la voiture qui freine d'un coup sec coupe violemment ma respiration.

Jésus Marie Joseph, qu'est-ce qui va m'arriver ?

Qu'est-ce qu'ils vont me faire ?

Mon Dieu faites que ça ne soit pas à cause de moi qu'ils ce sont arrêtés.

Je n'arrête pas pour autant ma marche et continue d'accélérer les pas. Je ne veux pas me mettre à courir maintenant pour éviter d'attirer leur attention.

Peut-être qu'ils ce sont arrêtés pour autre chose...

D'ailleurs... pourquoi ils ce seraient arrêtés à cause de moi hein?!...

Je cherche tout un tas d'arguments pour me convaincre mais c'est peine perdue. Ma respiration se fait de plus en plus rapide et bruyante.

Mon oncle...

Je t'en prie viens m'aider.

J'ai envie de pleurer tant je me sens abandonné tout à coup.

Si mes parents n'étaient pas mort, je n'aurai pas allé vivre chez mon oncle...sa femme n'aurait pas fait tout son possible pour que j'arrête l'école...je n'aurai pas à me trouver un travail juste pour ne pas me la coltiner...je ne serai pas une serveuse dans un restaurant...un client ne m'aurait pas insulté...je n'aurai pas riposter...mon boss ne m'aurait pas convoqué dans son bureau pour me passer un savon pendant près de deux heures...je ne serai pas rentrée à 23hrs presque mais plutôt à 20hrs...et je ne serai pas dans cet état actuel.

Papa et maman, vous êtes les seuls à m'avoir mis dans cette situation. Vous n'auriez pas dû m'abandonner... Vous n'auriez pas dû.

Je sens les larmes glisser sur mes joues et je ne peux pas les arrêter.

Pourquoi je pleure ?

Parce que j'ai cette foutue sensation que quelque chose de grave va m'arriver.

Pourquoi j'ai cette pensée négative ?

Je vous jure que j'essaye de la chasser mais je n'y arrive pas.

J'entends des bruits de portière qui claquent...et ce son me fige direct le sang.

Je ne m'arrête pas. Et je ne regarde pas derrière moi non plus pour voir ce qu'ils font, ça ne m'intéresse pas. Putain, ça ne m'intéresse pas.

Je tremble de tout mon être.

Et j'ai juste une envie là, maintenant...

C'est d'avoir un pouvoir de téléportation... Mais hélas.

Si jamais j'arrive à me sortir de ça, je ne rentrerai plus jamais à cette heure, plus jamais...

Quitte à ce que la femme de mon oncle me tue ou me vire de chez elle parce que j'ai dormi dehors. Mais je ne prendrai plus jamais le risque d'avoir à nouveau si peur de toute ma vie...

C'est pas agréable.

Et je ne le souhaite à personne.

__ Hé ho, Miss !

Mon âme a dû quitter mon corps pendant quelques secondes avant de reprendre sa place.

Mon Dieu, alors c'est pour moi qu'ils ce sont arrêtés ?...

Quoi, alors tu vas m'abandonner là ? Tu vas me laisser à leur merci ?

Mais enfin seigneur, je croyais que tes anges étaient avec moi?

Je...je croyais que...

Calme toi Cannelle, peut-être qu'ils veulent juste un renseignement.

Mais réveille toi ma vieille, un renseignement à cette heure-ci ?

Des personnes qui gueulent, la tête hors d'une voiture qui roule à cent à l'heure peuvent se renseigner sur quoi nom de Dieu, à cette heure.

Je commence à courir sans me soucier du fait d'attirer leur attention.

De toute façon c'est déjà fait alors à quoi bon ?

Mon cœur dégringole à nouveau dans ma poitrine alors que j'entends leurs pas pressés derrière moi.

Cette fois c'est clair.

C'est pour moi qu'ils ce sont arrêtés.

Je continue dans ma course folle, espérant être encore plus rapide quand une grande main s'abat sur ma bouche et une autre m'entoure le ventre.

J'essaye de me débattre. Mais j'y arrive pas. Je me sens frêle. Je me sens tremblante.

La peur.

La peur me dévore l'âme entière.

Qu'est-ce qui va m'arriver ?

Est-ce ma fin ?

Mais je n'ai rien construis seigneur.

Je ne suis personne.

Je ne suis rien.

Tu vas me laisser comme ça ?... À leur merci?

Mais putain je crois en toi. Je te pries tous les jours et je... je m'arrange à commettre le moins de péché possible alors pourquoi ?

Pourquoi tu m'abandonne ainsi ?

T'as rien fait pour sauver mes parents de ce foutu accident et me voici aujourd'hui, je ne compte pour personne...mais je ne t'en ai jamais voulu... Ni pour la mort de mes parents ni pour ma situation actuelle...

Mais là... Là tu me laisses à la merci de ces inconnus qui sont complètement bourré et j'en suis quasiment sûre, drogués par la même occasion.

Je ne pourrai pas sortir de là vivante.

Tu vas les laisser me tuer?

Ou...me v*oler?

Il fait nuit noire. Et les quelques lampadaires qui éclairent le secteur ne suffisent pas pour que je remarque l'arrivée de quelqu'un qui pourra me sortir de là.

Mon oncle, est-ce que tu dors?

Pourquoi tu ne m'appelles pas pour savoir si je vais bien et si je suis rentrée.

Le réseau.

Oui le putain de réseau déconne depuis quelques heures.

Je suis sûre qu'il a essayé de m'appeler pour savoir si je suis bien rentrée, il le fait chaque jour.

Je refuse de mourir dans cet endroit non, réveille toi Cannelle.

Je rassemble le peu de force qui me reste puis me dégage et lui balance de toute mes forces un coup dans ses côtes et il me lâche en jurant violemment et en m'insultant de tous les noms.

Je me relance dans ma course alors qu'il se tient les côtes plié en deux...

C'est dans un moment pareil que je remercie mon oncle de m'avoir forcé à pratiquer le judo... Un sport que j'ai toujours détesté parce que pour moi, il n'est pas fait pour la femme. Mais aujourd'hui je me rends bien compte de son utilité.

Courant toujours de toutes mes forces en espérant atteindre enfin ma cité, deux bras puissants me saisissent me retournent brusquement puis sa main se referme sur ma bouche.

Ce n'est pas le même type.

Celui-ci est bien plus costaud que le premier...et franchement dit, il faut un miracle pour que je puisse lui faire mal à lui.

Mes yeux tremblants de peur et ma voix étouffée sous sa paume, j'essaye de détailler ses moindres traits.

Il a le visage tordu de rage, et ses yeux...ses yeux sont rouges. Très rouge.

Mon Dieu, c'est vraiment la fin hein?

C'est vraiment la fin cette fois.

Il serre les dents...me repousse brusquement sans pour autant lâcher mon bras avant de m'asséner une violente gifle.

J'atterris violemment sur le bitume dur et le hurlement de douleur qui sortait de ma gorge se meurt lorsqu'il plaque encore une fois sa main sur ma bouche puis me relève d'un seul geste.

J'ai la tête qui tourne. Et j'ai affreusement mal au crâne.

Le suppliant du regard, j'espérais y apercevoir de l'humanité dans le sien. Mais le dos de sa grande main s'abat à nouveau sur ma joue et ma tête rencontre encore une fois violemment le bitume puis plus rien...le trou noir.

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