Chapitre 6 (première partie)

SEPT ANS PLUS TARD

~Cannelle~

Les yeux posés sur les deux êtres les plus importants de ma vie depuis sept années, j'esquisse un petit sourire me mémorisant comme chaque matin depuis qu'ils ont appris à parler, tout ce que j'ai pu vivre jusqu'ici.

Des jumeaux.

J'ai eu des jumeaux, un garçon et une fille.

Cela fait sept ans que je suis partie, et aussi sept ans que je les ai mis au monde.

Beaucoup de choses se sont passées depuis, cela va de soi.

Mais je me rappelle encore de ce jour comme si les choses ont lieux seulement qu'hier.

Rien a été facile, ça aussi c'était évident.

J'ai remballé mes affaires sur un coup de tête sans même savoir où j'allais...

Ah non, je ne l'ai pas fait sur un coup de tête.

J'ai juste obéi à la femme de mon oncle pour éviter de semer le bordel dans leur foyer.

Est-ce que je la déteste ?...

Oui et pas qu'un peu.

Je la haie du plus profond de mon être.

Cette femme !...

Elle a tout fait.

Elle a fait tout son possible pour que j'en veux un minimum à mon oncle...

Et pourtant, une part de ma conscience me rappelle qu'il n'est coupable de rien... mais une autre part me dit que si, tout est de sa faute parce que s'il l'avait voulu, il m'aurait sauvé des griffes de sa femme.

Je sais, c'est égoïste et méchant de ma part de lui en vouloir alors qu'il a tant fait pour moi!...

Même s'il était beaucoup absent, les moments où il a été présent, il ne laissait personne s'en prendre à moi.

Sauf que rien de tout ça n'a suffit.

Je me suis retrouvée violer et enceinte de mon violeur...puis j'ai été jetée à la rue comme une malpropre.

Heureusement, j'avais des amis sur qui compter. Ils m'ont soutenus. Ils m'ont aidé...

Et aussi, le loyer de la maison de mes parents a fait que je n'ai pas mendier.

Mila m'avait proposé d'aller rester avec sa mère et elle mais j'ai refusé.

Elle n'était pas surprise de mon refus parce que... je suis sûre qu'elle s'attendait à cela. Et je suis également sûre qu'elle connaissait la raison de ce dernier.

La maison de sa mère est le premier endroit où mon oncle me chercherait. Et vu que je souhaites tout sauf retourner chez cette femme, j'ai préféré partir avec Nadine. Il ne sait pas où elle vit et ne connait pas non plus là où se trouve le restaurant du boss et d'une part...j'en suis rassurée.

Je sais qu'il doit vraiment souffrir de ne pas avoir de mes nouvelles...de ne pas savoir si je vis encore ou non. Je sais qu'il doit s'en vouloir et pleurer en cachette en s'excusant auprès de mon défunt père. Mais j'ai trop gros sur le cœur pour lui donner de mes nouvelles. Même si je ne lui en veux pas en tant que tel personnellement, j'ai quand même un peu sur le cœur.

Je me suis arrangée pour tout couper avec eux. J'ai changé de numéro et changer également de compte sur les réseaux sociaux.

Peut-être qu'il arrivera un jour où j'aurai envie de le revoir...ou lui donner de mes nouvelles... Mais ce jour n'est pas encore arrivé. J'ai trop de rancœur contre cette femme. Je pensais qu'avec le temps... avec les années qui ont passées j'arriverai à tout oublier...mais je me suis trompée. Je pries chaque jour pour que Dieu me donne la force nécessaire de lui pardonner et surtout... de tout oublier.

Je serre les dents puis bâts les cils pour refouler les larmes qui menacent de se pointer.

Ça fait sept ans Cannelle, passe à autre chose. Je suis sûre qu'elle y est arrivée elle.

Elle n'a eu aucun scrupule de me foutre à la porte. Elle ne s'est pas souciée de ce qui pourrait m'arriver, vu que j'avais personne d'autre que mon oncle.

J'avais commencé à subir sa méchanceté à mes quinze ans et j'ai toujours eu mal mais...

Ce jour...

Ce qui s'est passé ce jour a été au dessus de mes forces.

Je la hais tellement !

Je la déteste autant qu'elle me déteste.

Je souffle puis me passe une main sur le visage.

Tout ça est derrière moi à présent.

Je ne laisserai plus personne me faire autant de mal que m'a fait cette femme.

J'ai grandie. Je suis devenue une femme. Je n'en suis pas encore au stade d'une femme d'affaires comme je le souhaite mais ça viendra... parce que je continue de me battre pour.

Le fait d'avoir eu l'idée de poursuivre mes études en cours du soir m'a vraiment aidé et... j'ai compris que la plupart du temps c'est quand les gens te persécutent que ça te motive le plus et que tu te bats sans relâche.

J'ai obtenu mon BTS en commerce-management-communication et aujourd'hui, je bosse dans une boîte de construction. Elle n'est pas encore grande mais elle se développe au fur et à mesure.

Cela fait trois ans déjà que j'y travaille et la Boss est très sympa surtout que d'après elle, le chiffre de ses affaires sont montés en grand depuis que j'y travaille.

J'aime ce que je fais, et le fait que la patronne soit relaxe et sympa avec ses employés me donne encore plus la force de m'y investir sérieusement. Dieu voulant, j'arriverai à ouvrir ma propre boîte à moi un jour.

Je m'abaisse puis caresse la joue de mon petit prince, un sourire niais plaqué sur les lèvres.

Qui l'y cru ?

Je suis partie de chez mon oncle étant motivée à vouloir me débarrasser de la grossesse que je qualifiais comme une abomination. Mais étrangement, après que je me sois installée avec Nadine, j'avais perdue toute envie de m'en débarrasser. Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais envie de le garder et avoir une idée de comment pouvait être l'enfant.

J'ai eu un peu peur de ma décision plus tard parce que... je me disais que je pourrais voir l'enfant en mon violeur puisqu'il en est le fruit. Et cela me pousserait à le haïr et le rejeter. Mais il était déjà trop tard, je ne pouvais plus m'en débarrasser... et puis... je ne pense pas que je l'aurai fait même s'il en était le contraire.

Mila n'a pas du tout été ravie de mon choix mais elle a fini par l'accepter. Je craignais qu'elle ne l'aime pas mais je me suis trompée.

Tout le monde est complètement gaga de mes petits anges, même les gens du dehors.

Faut reconnaître aussi qu'avec la différence physique qu'ils ont par rapport aux autres enfants, ça doit être compréhensible.

Rassurez-vous, ils sont tout à fait normaux...

Sauf qu'ils sont métisses.

Mais bon ça ne fait pas d'eux des êtres à part, il y a beaucoup de métisse et même de blanc bec dans ce pays, je vois pas pourquoi ça paraît toujours étrange que mes gosses à moi soient métisses...

M'enfin bon, je sais.

C'est parce que j'ai été v*olée et cela vient à dire que le type est un blanc...

Aux yeux bleus.

Les enfants en ont hérités.

Maëlan a les yeux d'un bleu azur et... chaque fois que je le regarde, j'ai comme l'impression d'avoir déjà vu ces couleurs d'yeux et ce regard profond quelque part.

Il est glacial et presque vide d'émotions.

Je fais mon posible pour changer ce côté de lui parce que... ça ne me plait pas. Et en plus il n'a que sept ans, je veux qu'il soit une bonne personne dans le futur.

Je soupire puis pose les yeux sur la petite.

Elle au moins à mon comportement et j'en remercie Dieu pour cela...puis elle est un peu plus claire de peau que son frère.

Ses yeux vairons sont tellement magnifiques qu'elle attire beaucoup trop l'attention.

Son œil gauche à la même couleur que ceux de son frère... et le droit est aussi marron comme les miens. Certains de leurs camarades de classe se moquent beaucoup d'elle à cause de ces différentes couleurs d'yeux mais bon son frère la défend tout le temps, puis... elle ne se laisse pas faire alors ça me rassure un peu.

Je regarde l'heure sur ma montre et soupire en me redressant.

Va falloir aller bosser si on veut pouvoir continuer à payer les factures et le loyer.

J'avais aimé partager l'appartement de Nadine mais lorsque les enfants ont eu cinq ans, j'ai voulu prendre chez moi.

Elle n'était pas vraiment d'accord mais bon, je n'allais pas rester définitivement avec elle surtout qu'elle me laissait à peine participer aux charges de la maison...

Et puis, ces deux garnements sont tellement turbulents que je ne pouvais rien autrement. Il fallait que je prenne chez moi et qu'ils arrêtent de tout casser dans l'appart de mon amie.

Alors voilà deux ans que je suis dans mon propre appartement...mais dans le même immeuble que Nadine...au quatrième.

Je le partage avec Mila (enfin, lorsqu'elle n'est pas chez son petit ami), parce que... bah je lui ai dégoté un poste au sein de la boîte où je travaille et la distance entre la boîte et chez sa mère est assez longue alors...

Elle aussi adore son travail mais apparemment ce n'est pas très facile d'être l'assistante personnelle du sous directeur parce qu'il ne lui lâche pas les baskets depuis un moment sous prétexte qu'elle lui plaît, bref c'est pas tout ça mais...

Eh merde, j'ai encore oublié de natter les cheveux de la petite hier soir avant qu'elle n'aille se coucher.

Mais fait chier, ça va encore me donner plus de travail, il va falloir venir détacher grain par grain. Ses cheveux sont tellement volumineux!... et leurs boucles sont tellement bizarre que ça me demande énormément de travail.

__ Maman ?

Je sursaute légèrement alors qu'une petite main douce se pose sur ma joue.

Je lui souris en même temps que mon regard plonge dans ses yeux bleus.

Il esquisse un petit sourire puis pose sa seconde main sur ma seconde joue, son sourire s'élargissant un peu plus.

__ Tu pensais à quoi? Je t'appelais depuis quoi, cinq minutes?... Me dis pas que tu penses encore à celui qui devrait nous servir de père.

Je fronce les sourcils en ayant un mouvement de recul.

Comme à chaque fois qu'il me voit pensive, Maëlan s'imagine à ces moments là que je pense à leur soit disant père qui nous a abandonné après avoir appris que j'étais enceinte.

C'était la seule explication que j'ai pu trouver à leur donner. Je n'avais pas l'intention de leur dire quoi que ce soit mais ces enfants sont tellement... entêtés!...

Je ne supportais plus leurs questions incessantes alors j'ai jugé bon de faire passer ce soit disant père pour un lâche. De toute façon, je doute que ça soit pire que de leur dire qu'ils sont le fruit d'un viol.

Ils ne sauront jamais rien de tel, j'y veillerai personnellement.

Maëlan en a une grande haine contre "ce père" qui n'existe même pas... mais je crois que c'est mieux ainsi. Comme ça, je suis sûre que jamais ils ne chercheront à savoir qui il est et d'où il vient.

Mon regard s'accroche à nouveau au sien alors qu'il descend doucement ses deux mains de mes joues sans lâcher mes yeux :

__ Je t'ai déjà demandé d'arrêter de penser à lui, il en vaut pas la peine. Dit-il alors qu'il descend doucement du lit. Je suis là moi, je pourrai prendre soin de Frida et toi t'inquiète pas, on n'a pas besoin de lui.

Je souris, ne pouvant pas m'en empêcher puis lui embrasse le front.

__ Merci mon chéri. Je t'adore !

__ Oui je sais. Il sourit, espiègle. Sinon... on a le droit de pas aller en cours aujourd'hui ?

Je fronce les sourcils et il perd son sourire, reculant d'un pas :

__ Bah quoi, il est 07hrs non ?... Et vu que nous ne sommes pas encore prêts...

__ Pardon, il est 07hrs? Je m'étonne en me levant d'un bond du lit.

__ Ouais! Et pour ma part, ça me dérange pas de faire la grâce mat.

__ Même pas en rêve bonhomme, grouille. Dis-je en réveillant par la même occasion sa petite sœur.

Mais merde, j'ai encore rêvassé et voilà que l'heure a encore filé comme si elle avait la peste à ses trousses.

Et je fais comment pour les cheveux de Frida ?...

Et puis merde, je les attacherai comme ça. J'aurai largement le temps de bien les peigner et natter le soir...

Enfin j'espère...

Un soupir nonchalant me parvient alors que j'entends des froissement de vêtements, signe que cette tête de mule est en train de se déshabiller mais pas pour autant très enchanté de le faire...

__... C'est bien dommage. J'aurai aimé dormir encore plus.

Je l'ignore royalement alors qu'il traine les pas vers leur salle de bain. Je le rejoins rapidement avec Frida à moitié endormie et me hâte pour les préparer.

Je dois d'abord les déposer à l'école avant de me rendre au boulot et là il est presque 07h30.

Ils commencent les cours à 08hrs et moi aussi je commence le travail à 08hrs. J'ai pas le droit d'être en retard aujourd'hui parce que la patronne doit nous présenter à ses cousins qui doivent arriver aujourd'hui et seront présents durant quelques temps pour aider l'entreprise.

Elle n'a pas donné plus de détails, mais apparemment ses cousins en question sont doués dans la gestion alors elle leur a demandé un coup de main.

La nouvelle est passée vendredi soir, et nous avions tous intérêt à être à l'heure aujourd'hui. Sauf que, encore une fois j'ai passé mon temps à rêvasser comme à mon habitude et voilà que je suis en retard y compris les enfants.

Nadine doit déjà être partie pour le restaurant... et Mila continue directement de chez Jared...

Je suis vraiment dans la merde.

Je leur fourre leur déjeuner dans le sac de chacun puis vérifies rapidement si je n'ai rien oublié avant de sortir avec eux et refermer derrière moi.

C'est tout moi ça, toujours en retard, ça doit devenir lassant à présent.

J'ai pas de voiture pour dire que ça sera rapide ainsi, va falloir marcher quelques mètres avant de nous trouver un taxi.

__ Dis maman, pourquoi on est si pressé aujourd'hui ? J'entends Frida.

__ Parce que je suis en retard, et vous aussi par la même occasion. Répondis-je en faisant signe à un taxi qui m'ignore comme si j'étais invisible.

__ Et alors, c'est pas comme si c'était la première fois que t'es en retard. Marmonne Maëlan et je soupire.

Cet enfant.

__ Dis pas n'importe quoi, elle est pas tout le temps en retard. Le réprimande sa sœur. Et puis, je suis sûre que c'est parce que nous sommes aussi en retard qu'elle est si pressée.

Bien dit ma puce.

Mais c'est pas parce que vous êtes aussi en retard que je stresse autant, je dois être à l'heure avec tous les autres, c'est primordial.

Natacha l'a mainte fois répété vendredi pour pas que l'un de nous se pointe après l'arrivée de ses cousins... et voilà que j'ai tout fait pour faire exception.

Le taxi nous descend devant l'école et je le supplie de m'attendre le temps que je m'assure que les enfants sont bien à l'intérieur puis revenir .

Il ne discute pas et acquiesce tout simplement.

Je confie rapidement les mômes à la directrice puis accours à nouveau à l'extérieur. Une fois installée, je lui donne l'adresse et cherche mon téléphone dans mon sac pour avoir une idée de combien je vais me faire réprimander.

Mais alors que je réfléchis si je dois me renseigner auprès de Mila ou de la réceptionniste, je ne trouve mon téléphone nulle part dans mon sac.

Je soupire puis réprime un juron.

Mais c'est pas possible, je l'ai laissé à la maison ?

__ Tout va bien mademoiselle ?

__ Euh oui, vous en faites pas. J'ai juste oublié mon téléphone à la maison, mais c'est pas grave.

__ Vous en auriez pas besoin ?

__ Si mais bon, j'ai pas le choix, je suis déjà très en retard.

Il ne dit plus rien et je le vois accélérer un peu plus.

Merci pour la sagesse monsieur, vous au moins.

J'espère que mon retard ne causera pas de problème aux nouveaux venus, seigneur je tiens à ce travail.

Natacha est quelqu'un de bien mais je n'ai aucune idée de qui sont ses cousins alors j'appréhende un peu.

Tout va bien se passer.